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Henri Seydoux, le surdoué qui veut faire décoller le drone français

Le fils de Jérome Seydoux (Gaumont) refuse le confort de l’héritier. Avec Parrot, il s’avère être le meilleur challenger face aux drones américains.

Entreprendre - Henri Seydoux, le surdoué qui veut faire décoller le drone français

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Le fils de Jérome Seydoux (Gaumont) refuse le confort de l’héritier. Avec Parrot, il s’avère être le meilleur challenger face aux drones américains.

Au départ journaliste, il n’a pas fallu longtemps à Henri Seydoux Fornier de Clausonne, de son nom de naissance, pour s’orienter vers la création d’entreprise et les nouvelles technologies. Ce sont les débuts de la micro-informatique, il s’associe pour créer ses premières entreprises qui ne connaîtront pas le succès escompté, mais lui permettront de se familiariser avec son domaine de prédilection, en dehors des affaires paternelles.

Indépendant avant tout

Si Henri Seydoux a toujours évolué dans des milieux privilégiés et fortunés, il est cependant clair qu’il a souhaité tracer sa propre voie en créant et en investissant principalement dans les entreprises technologiques. C’est d’ailleurs en 1994 qu’il fonde avec Christine de Tourvel et Jean-Pierre Talvard, la société Parrot. Le jeune homme de la fin des années 70 qui fréquente assidument le Palace est un complet autodidacte, difficile à faire rentrer dans une case. Titulaire d’un Bac C, peu porté sur les études, il collabore au magazine Actuel un peu par hasard, avant de trouver sa véritable voie.

Il est probable que la rencontre avec Roland Moreno, le créateur de la carte à puce, a joué un vrai rôle dans l’intérêt qu’il a commencé à porter à l’informatique et à la tech en général. Le secteur est porteur, et recrute à tour de bras. Mais Henri Seydoux est aussi conscient de ses limites : il ne supporte pas la hiérarchie, donc pas d’autre choix que de se lancer dans la création d’entreprise.

Une intuition payante

Ses premières expériences ne sont pas concluantes, mais le flair est là et son expérience se renforce. Il fait ainsi partie des membres investisseurs de Christian Louboutin, avant d’en devenir administrateur. Mais il revient rapidement à ce qui l’intéresse vraiment avec Parrot dont l’offre première est construite sur les agendas électroniques à reconnaissance vocale. Pas si simple avec des concurrents tels que Blueberry à l’époque. La situation de Parrot est délicate, il faut trouver une autre voie. Henri Seydoux s’intéresse alors au tout nouveau système « Bluetooth » et décide d’intégrer cette technologie dans sa nouvelle offre : des kits mains libres destinés aux automobilistes, un premier pas dans ce secteur.

Ces gammes vont sauver l’entreprise à cette époque. L’industrie automobile restera tout comme le grand public une cible pour les objets connectés sans fil que Parrot propose sur le marché (systèmes multimedia, enceintes, etc.) pendant des années.

Le virage des drones

Parrot modifie à nouveau son offre pour se lancer à tout-va dans la commercialisation de drones grand public, et parvient à vendre plus de 4 millions de ces magnifiques jouets, devenant ainsi le n°2 mondial sur ce marché. A tel point que la concurrence n’a pas tardé à s’intéresser à ce marché juteux. Lorsque la Chine commence à fabriquer, les importations cassent les prix et Parrot commence sa descente aux enfers. En 2018, son chiffre d’affaires accuse une baisse de plus de 30%. La saturation du marché due aux importations chinoises emporte Parrot et d’autres sociétés internationales dans la tourmente. Le cours en bourse dévisse, perdant 55% de sa valeur, et les ventes de drones poursuivent alors leur dégringolade.

Tempête depuis quatre ans

Face à cette situation, il faut prendre des décisions drastiques. Parrot a vendu son activité dans l’automobile à Faurecia, engrangeant 108 millions d’euros, mais cela ne suffit pas. L’entreprise fait l’objet d’une OPA planifiée. Henri Seydoux organise la transition, il ne veut pas laisser filer ou détruire Parrot. Il met à contribution la holding familiale Horizon qui devient majoritaire avec 63% des parts. Le changement d’orientation s’avère indispensable pour redresser la situation. Henri Seydoux dispose de deux ans devant lui pour transformer l’entreprise à nouveau.

Recentrage et nouveau départ

2019 a été l’année du recentrage sur la cible professionnelle, permettant de réduire les pertes. Tous les frais de structure ont été revus à la baisse, quelques 290 personnes ont été licenciées, à l’exception notable des dépenses R&D qui ont été préservées, constituant le nerf de la guerre pour la survie future. Aujourd’hui, Parrot ne fabrique plus que des drones professionnels, très innovants, dans lesquels on retrouve une bonne dose d’intelligence artificielle et qui fonctionnent désormais en 4G. Les usages sont multiples pour les entreprises et les gouvernements. Cartographie 3D, inspection, défense, sécurité, agriculture sont autant de secteurs ciblés.

Aujourd’hui, la majeure partie de la clientèle est intéressée par la gestion des infrastructures. Les drones Parrot permettent de surveiller les réseaux télécom, les antennes, les éoliennes, de vérifier les orientations, les éventuels changements survenus afin de programmer des missions d’entretien préventif. Ce nouveau départ est pour l’instant réussi, les deux années sont passées, les marges se reconstruisent sur la cible professionnelle et les projets se poursuivent.

L’armée pour client

Parrot a fait le buzz récemment grâce à un contrat de cinq ans signé avec l’armée française, ainsi qu’avec l’armée américaine. Il faut dire que contrairement aux drones chinois, dont on ne contrôle pas vraiment l’envoi des données (vers des serveurs chinois), la sécurisation des données est une priorité stratégique chez Parrot qui séduit ce type de client. Sans entrer dans le détail, signatures numériques, chip non accessible, chiffrement des liaisons entre drone et propriétaire font partie des caractéristiques du produit. Cette clientèle militaire représente entre 10 et 15% du chiffre, mais Henri Seydoux insiste sur le fait que la production de Parrot ne porte en aucune façon sur des armements, de près ou de loin.

Faire de la tech en Europe

Comme le spécifie Henri Seydoux, « il est compliqué de faire de la tech en Europe » ; la high tech, c’est du soft, du logiciel, il s’agit de l’avenir des entreprises quelles qu’elles soient, car toutes ont ou auront besoin d’intégrer des éléments tech dans leur activité, à plus ou moins forte dose. Or, cette activité exige de très importants investissements en R&D sans relâche. Le marché grand public est officiellement derrière Parrot, même si les savoir-faire s’entrechoquent. En effet la frontière est complexe entre un appareil photo Nikon ou un Mac utilisé par un amateur ou un professionnel.

Un pari presque réussi

Rien n’est jamais certain, mais côté finances, la situation est en cours d’amélioration, la trésorerie est là. Henri Seydoux est un geek dont on peut avoir du mal à suivre la pensée quand il parle technique, mais il n’est pas langue de bois et sa stratégie est claire : « On fait très attention, nous avons toujours beaucoup investi, aujourd’hui, nous prenons de plus en plus pied sur le marché professionnel, en reconstituant ses marges et en créant de nouveaux produits capables de faire la différence avec la concurrence ».

Conscient de sa chance

Henri Seydoux n’est pas homme à éluder le fait qu’il fait partie des happy few. Avec une famille aussi exposée, il aurait pu avoir le syndrome de l’enfant gâté, mais non. L’entrepreneur au profil atypique est conscient des avantages dont il a disposé tout en suivant son propre chemin, bien à lui : « Appartenir à une famille comme la mienne donne envie de tenter des choses et les facilite. Cela aide et la critique de classe est fondée. Quand j’ai créé ma boite, on m’a soutenu ».

Sa vision aurait pu changer suite aux difficultés rencontrées ces dernières années, mais l’entrepreneur est un homme de la tech pur et dur. Pour lui, il est normal que rien ne dure dans les boîtes comme Parrot, il n’est qu’à se rappeler la quasi faillite d’Apple. Il précise même : « C’est la beauté de la tech. Refaire des choses nouvelles, c’est super cool ». Enfin, cela demande aussi des reins et une tête solides.

A.F.


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