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Guillaume Poitrinal : « Simplifier n’a jamais été aussi urgent ! »

Entreprendre - Guillaume Poitrinal : « Simplifier n’a jamais été aussi urgent ! »

Par Guillaume Poitrinal, Entrepreneur, Président de la Fondation du Patrimoine et ancien chargé de la « Commission Simplification » lancée par François Hollande.

Tribune. La simplification, c’est la bouteille à l’encre de nos gouvernements depuis Pompidou. Et rien franchement de très déterminant n’a jamais été réussi en ma matière. Les coups de boutoir politiques successifs n’ont pas permis de faire barrage au flot ininterrompu de nouveaux textes obligatoires, d’autorités administratives, de contrôles a priori et a posteriori, de processus entremêlés. Principe de précaution, égalité des conditions, protection de l’environnement, démocratie participative, tout est bon pour ajouter de la complexité à notre organisation collective. Les auteurs se renvoient la responsabilité : les cabinets ministériels accusent les parlementaires, les parlementaires accusent la haute administration… et cette dernière en retour accuse les cabinets ministériels.

Certains mettent en cause la justice, qui ajoute à la confusion avec des décisions incompréhensibles, mais qui reposent (pour son excuse) sur des codes obèses et illisibles. Au total c’est un billard à quatre bandes qui est à l’œuvre. Et peut-être est-ce pour cela que le Président Macron n’a pas toujours pas voulu mettre le sujet en haut de l’affiche.

Pourtant, dans le monde qui advient, il y a comme une impérieuse nécessité de retrouver de l’agilité collective. Tout fout la camp, et il faudra s’adapter pour survivre. La France va devoir vivre sans émission de CO2, à l’ère du tout numérique et des réseaux sociaux, tout en gardant son rang dans une compétition internationale exacerbée. Le temps nous est compté pour réaliser les investissements majeurs privés et publics que ces révolutions rendent impératifs.

La première priorité c’est la refonte du grand bazar de notre organisation politique et administrative. Tout commence à la racine. Les élus locaux ne sont plus reconnus. Ils sont démobilisés. Le millefeuille des collectivités locales a stérilisé leur action. Tout est enchevêtré et tout le monde s’occupe de tout. Les grandes régions, dessinées pour rivaliser avec l’Allemagne au mépris des cultures régionales, ne sont venus qu’ajouter à l’inefficacité collective. On veut faire croire qu’elles ont le monopole de l’éducation, des transports…alors qu’elles ne peuvent pas décider seules d’ouvrir la moindre gare ou le moindre lycée, de recruter le moindre professeur ou d’écrire un quelconque programme éducatif. Une usine ferme, une autre ouvre : qui est responsable ? Personne et tout le monde. Le Maire, le Président de la communauté d’agglo, le Président de la Région, le Préfet, le Ministre ? Tous s’agitent , mais il n’y pas de capitaine. Les français en ont assez. Ils estiment que les politiques les trompent et se tournent vers la chimère vociférante des extrêmes. 

Il est temps de remettre l’église au milieu du village. Un maire élu au suffrage universel qui représente une vraie unité administrative, démocratique et économique. Avec du pouvoir et de l’autonomie fiscale. Les maires des petites communes subsistent mais deviennent des maires d’arrondissement, pour la vie locale, comme à Paris. Au-dessus, un échelon plus grand que nos départements, mais plus petit que nos méga-régions actuelles, pour que soit reconnu qu’un basque n’est pas un poitevin. Il y aura peu de coût à cette réforme puisque les structures des vieilles régions sont en fait quasiment intactes : rien ou presque n’a été supprimé. Il n’y a jamais de synergie quand l’échelle du paquet fusionné devient folle. Une fois ces nouvelles collectivités locales installées, une grande loi de décentralisation permettra une large autonomie régionale sans que Paris n’ait à se préoccuper de tout.

L’Etat doit aussi se réformer : un étage entier de l’Elysée doit être mobilisé pour conduire la grande simplification législative et administrative que tout le monde attend. Diminution du nombre de textes, d’autorités, contraction du temps administratif, simplification des formulaires, des contrôles, mise en cohérence de textes contradictoires, exigence de lisibilité des textes, réduction des surtranspositions … Ce travail colossal ne peut plus attendre. Il doit être mené par le plus haut niveau. Une délégation de cette mission à un énième comité  conduirait à nouveau à l’échec, tant ce sujet stratégique est par nature interministériel et donc complexe. L’enjeu est donc présidentiel. Il nécessite une autorité dont aucun ministre ne dispose, même pas le Premier Ministre, notamment vis-à-vis du pouvoir administratif.

Ce grand chantier de “re-engineering” de la Nation sera immensément populaire. Personne ne défend la complexité. Tout le monde en souffre. Réécrire un nouveau contrat social, lisible et simple, est une ambition qui fera entrer l’auteur dans l’Histoire de France.

Guillaume Poitrinal
Guillaume Poitrinal est un entrepreneur et chef d’entreprise franco-luxembourgeois. De 2005 à 2013, il a dirigé le groupe Unibail-Rodamco. En 2014, il fonde Woodeum avec Philippe Zivkovic, crée un fonds d’investissement spécialisé dans l’immobilier européen, Icamap, qu’il préside toujours aujourd’hui. Depuis 2017, il est le président de la Fondation du patrimoine.


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