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George Forrest (Forrest International) : cent ans au Congo

George Forrest est un monument congolais, dont l’histoire personnelle est indissociable de celle de son entreprise familiale, le Groupe Forrest International, et d’un pays tout entier, la République démocratique du Congo (RDC).

Entreprendre - George Forrest (Forrest International) : cent ans au Congo

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C’est un monument congolais, dont l’histoire personnelle est indissociable de celle de son entreprise familiale, le Groupe Forrest International, et d’un pays tout entier, la République démocratique du Congo (RDC). L’empire industriel de George Forrest a traversé les crises politiques et économiques du Congo et demeure, aujourd’hui, la plus importante entreprise du pays. A l’occasion du centième anniversaire du Groupe Forrest International, Entreprendre dresse le tableau de son président, George Forrest, dont tous les Congolais connaissent le nom.

Un héritage familial

Pour George Forrest, le Congo est d’abord une histoire de famille qui rejoint la grande Histoire. Son grand-père, mobilisé pendant la terrible guerre des Boers dans les rangs de l’armée britannique, est revenu d’Afrique du Sud avec des souvenirs impérissables et des récits qui ont forgé l’imaginaire et attisé la curiosité de son fils, Malta Victor Forrest. Ce dernier choisit à 14 ans de quitter l’Australie, où il travaillait dans la boucherie paternelle, pour le continent africain. Débarquant en Afrique du Sud, il gagne rapidement le Congo où il se lie d’amitié avec la communauté juive locale. L’aventure entrepreneuriale ne commence qu’en 1922, avec une très modeste entreprise de transport qui, cent ans plus tard, s’est exhaussée au rang de plus grand groupe du pays.

Malta Forest, père de George Forrest

George Forrest naît au pays en 1940, à Lubumbashi, la plus importante ville du Katanga, province la plus méridionale du Congo. Il en partira tôt pour étudier en Belgique au début des années 60. Mais la vie européenne ne le satisfait pas et, à la fin des années 1960, George Forrest choisit de revenir à ses racines congolaises pour reprendre la direction de l’entreprise familiale avec son frère. Un pari osé dans un pays alors traversé par les nationalisations, une décolonisation à marche forcée et qui, sous l’impulsion du Maréchal Mobutu, cherchait à effacer brutalement toutes les traces du passé colonial. En 1974, les biens de la famille Forrest sont d’ailleurs nationalisés, mais rapidement la politique de « zaïrianisation» tourne court. Pour George Forrest, les affaires reprennent.

Rester malgré tout

Le destin de George Forrest se conjugue avec celui du Katanga, dont le territoire – qui fait la superficie de la France – accueille de nombreuses ressources convoitées, tant par les régimes en place que par les grandes puissances. Il aurait pourtant eu toutes les raisons de quitter le Katanga, tant les remous politiques ont été nombreux. L’un des plus marquants est sans doute l’épisode Kolwezi. En 1978, pendant la deuxième guerre du Shaba, des rebelles katangais mènent l’offensive et investissent la ville de Kolwezi, principal centre minier de la province, écrasant une armée congolaise dépassée. La protection des ressortissants européens pousse la France à envoyer la Légion étrangère sauter sur la ville le 15 mai, dans une opération aéroportée qui reste encore gravée dans la mémoire militaire française.

Mais George Forrest ne devra, dans un premier temps, pas son salut aux mythiques bérets verts. Condamné à mort au terme d’un jugement expéditif initié par les rebelles et sur le point d’être exécuté pour être un « ami des Français et de Mobutu », il est, avec sa famille, sauvé de justesse grâce à l’aide de ses employés congolais. Sa maîtrise du swahili et l’amitié qu’il tisse avec l’un des officiers rebelles achèvent de lui sauver la vie. Difficile pourtant de sortir parfaitement indemne de cet épisode. En rentrant à Lubumbashi, où siège son entreprise, il découvre effaré les corps des Congolais et des expatriés qui jonchent les routes. Contrairement aux 280 Européens abattus à Kolwezi, il échappe à un destin funeste qui, loin de le pousser à quitter le pays, l’ancre encore un peu plus sur ce territoire meurtri. George Forrest a par ailleurs toujours conservé une amitié sincère pour la France, dont il n’a pourtant jamais eu la nationalité. Il a, pendant de longues années, défendu les intérêts du pays au Katanga, devenant même Consul honoraire. Au Quai d’Orsay, on reconnaît son travail et son engagement, qui lui vaudront la Légion d’Honneur, au sein de laquelle il occupe actuellement le grade de Commandeur après sa nomination à la date du 11 mars 2019.

Ancrage culturel puissant

Petit exploit de sa part, George Forrest a su gagner le soutien des populations congolaises par ses bonnes pratiques et le respect des populations. Chacun, même parmi ses opposants – et ils sont nombreux -, est contraint de reconnaître que les conditions de travail sont, dans les différentes structures du groupe Forrest, alignées sur des standards bien supérieurs aux pratiques locales. Et qu’il contribue activement au développement socio-économique du Katanga, ce qui lui permettra d’ailleurs de recevoir le titre honorifique de Chef coutumier des autorités locales. Le Centre Médical de la Communauté, qui appartient au Groupe Forrest, est ainsi l’un des plus cotés du pays et accueille, dans le cadre de tournées, certains pontes internationaux. Le Groupe Forrest est aussi à l’origine de la création de nombreuses écoles et aspire à investir massivement dans la formation professionnelle pour permettre aux jeunes Congolais de répondre aux besoins des entreprises. Ses relations avec les régimes en place seront toujours plus ou moins cordiales, mais, pour cet homme de compromis, pas question de rentrer dans des querelles politiques.

George Forest avec les autorités katangaises

Autant que ses actions philanthropiques, c’est sa parfaite adaptation à la culture congolaise -et surtout katangaise-, sa fine connaissance de la région et son intérêt sincère pour ses traditions, sa psychologie, ses mœurs et ses principes qui ont été au cœur de sa longévité. Il est, de son propre aveu et sans fausse modestie, l’un des rares entrepreneurs à avoir traversé les régimes et les périodes de crises sans jamais cesser son activité. George Forrest n’a pourtant pas échappé aux critiques, notamment venues de certaines ONG occidentales. Une hostilité qui tranche avec le soutien que lui apporte la population. Des critiques qu’il a toujours balayées d’un revers de la main, soulignant à raison qu’aucune des procédures judiciaires lancées contre lui n’a jamais abouti.

Mener Forrest International vers un avenir renouvelable

De longue date, George Forrest a fait le choix de la diversification sur des missions d’intérêt public, en abandonnant l’exploitation minière. Sous l’impulsion de son fils, Malta David Forrest, directeur général depuis 2011, le groupe se réoriente ainsi largement vers les énergies renouvelables, en créant en 2013 Congo Energy, à qui l’on doit notamment la centrale de production d’énergie solaire de Manono, la plus grande centrale solaire 100% off-grid de la région. Forrest International investit également dans l’agroalimentaire et les travaux publics, une expertise vitale pour un pays encore trop faiblement nanti en infrastructures. Une manière de participer au développement socio-économique du continent en misant sur des activités économiques aux externalités positives indéniables.

Si, dans la plus pure tradition de l’entreprise familiale, 3 de ses 4 enfants occupent des postes de direction au sein du groupe, George Forrest reste directeur exécutif et, à ce titre, demeure au cœur des grandes décisions stratégiques. Son vœu est simple : faire en sorte que sa descendance continue de faire du Groupe Forrest International une « fierté nationale » pour le Congo. Quoi qu’il en soit, à la manœuvre derrière la rénovation de l’hopital Sendwe, l’avenue Kasavubu à Lubumbashi, l’aérodrome de Kalemie ou les grands champs éolien et solaire de Lake Turkana et Manono, le groupe Forrest a d’ores et déjà imprimé sa marque sur le territoire. Et dans les cœurs des Congolais.


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