Tribune de Matthieu Verry, Vice-Président d’Ecologie Responsable et Inspecteur Généraliste dans un groupe bancaire
Alors que nombre de critiques pleuvent sur la finance, la création de cet orage donne naissance à une jeune pousse : la finance verte. Cette nouvelle place dorée est alimentée par les régulateurs qui imposent une législation drastique afin de réorienter les flux de capitaux. Pourtant, certains acteurs financiers dont notamment certains décideurs stratégiques perçoivent cette poule aux œufs d’or par le prisme d’une vision contraignante et coercitive et non de la rentabilité qui en émerge. Ainsi, le monde de la finance se divise en deux catégories : les hussards verts visionnaires et ceux qui creusent la finance dans ses abysses du temps court.
La destruction-créatrice passera par l’humain
Selon le dernier rapport en 2018 de l’Organisation Internationale du Travail sous l’égide de l’ONU, la transition pourrait créer 18 millions d’emplois nets dans le monde. D’autre part, les fonds d’investissements intégrant des critères ESG sont désormais exponentiels – l’application de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance aux décisions d’investissement. Ces nouveaux emplois doivent être considérés comme de la finance à haute valeur ajoutée et donc être davantage rémunérateurs afin de capter les meilleurs talents.
Une législation indigeste
CSDR, rapport LEC 29, SFDR, DPEF, taxonomie… en seulement quelques années, une législation s’est dessinée dans le paysage franco-européen créant la finance durable et sa langue verte. Au vu du chantier, le projet s’éternise entre les mains des politiques prenant pour alliance dorée les étoiles européennes du pacte vert. Ainsi, par la taille de la machine réglementaire, une entreprise se voit offrir deux choix stratégiques : ou bien insuffler de l’énergie, c’est-à-dire de l’argent afin de prendre le lead vert, devenir maître de son destin en devançant la législation ou bien se voir économe et se faire avaler par les abîmes du corpus réglementaire et citoyen afférent. A titre d’illustration, l’assureur MAIF souhaite prendre les devants sur les sujets de transition avec la mise en place du dividende écologique.
Un mouvement de fonds
Bien qu’il existe à ce jour très peu d’experts en finance durable puisque comme compris, les contours de la cartographie réglementaire ne sont pas encore dévoilés, il demeure que des parties prenantes se mobilisent pour former sur ces sujets (cabinets de conseils, fresque de la finance, CFA ESG…). La parole ici n’est pas qu’à la jeunesse, mais aussi et surtout aux plus anciens qui feront du monde d’hier le monde de demain.
Une efficacité positive
Le sujet de l’ESG a toujours été harangué par les prêcheurs de l’Apocalypse, ce qui est d’ailleurs précisé par Hayek dans La Route de la servitude « des gens tombent plus facilement d’accord sur un programme négatif que sur des buts positifs ; c’est presque une loi de la nature humaine ». Pour permettre de transformer l’ESG de la menace à l’opportunité d’affaires, le décideur doit arguer la finance sur trois axes. Tout d’abord, un dirigeant se doit de développer l’offre commerciale, tout nouveau produit doit inclure a minima un référentiel ESG ou bien doit être tourné vers la lumière verte (livret vert, prêt vert). Ensuite, il est urgent que les questions stratégiques sur les politiques d’exclusions soient tranchées par rapport au modèle d’affaires. Enfin, le législateur doit figer la réglementation afin d’offrir un cadre clair au dirigeant.
Bâtissons pour l’entrepreneur une vision positive où le coût d’entrée sera perçu comme une chance au lieu d’une montagne. Le point cardinal du passage de la finance pour se verdir se fera par l’appât du gain. N’en déplaise aux détracteurs, il est possible de conjuguer le couple risques climatiques et rentabilité grâce à l’innovation. Bien qu’il est illusoire de penser que la finance changera seule le monde, elle est le sacro-saint du système actuel permettant de faire basculer la planète vers un profond changement vert.
Matthieu Verry