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« Entreprises et freelances : je t’aime, moi non plus ? »

Charly Gaillard, CEO de Beager

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Tribune. Alors que la France compte d’ores et déjà plus de 4 millions de travailleurs indépendants, les freelances ont pourtant encore du mal à se faire une place de choix auprès des entreprises. Qu’il s’agisse d’une méconnaissance de leur statut ou d’un manque d’adaptation des processus à leurs spécificités, il est temps que les grands groupes s’organisent pour passer rapidement d’un monde où le salariat était la règle à un modèle de total workforce management, également appelé entreprise étendue.

Une organisation inadaptée aux freelances

L’adage populaire dit que « les usages précédent la loi ». C’est en tout cas ce que l’on peut constater en matière de collaboration entre freelances et entreprises. Là. Malgré une volonté croissante pour les entreprises de faire appel à ces talents aux compétences souvent pénuriques sur le marché, elles ont rarement adapté leurs processus pour faciliter cette collaboration. Les freelances doivent par conséquent faire preuve d’une grande dextérité pour jongler entre l’impatience de leur contact métier qui souhaite débuter la mission dès que possible, la rigidité ou le conservatisme de certaines directions achats qui pilotent leurs contrats… et la frustration des directions des ressources humaines de ne pas avoir été sollicitées pour participer à la sélection de ces talents qui vont pourtant travailler pour l’entreprise et ce, pendant des durées allant parfois jusqu’à plusieurs années. Pour autant, cela ne veut pas dire que les processus ne sont pas rigoureux, bien au contraire. Ils ne sont simplement pas adaptés aux enjeux et besoins des indépendants, qui ont besoin de sécurité et de réactivité. Dans ce contexte, difficile par exemple d’accepter un règlement à 60 jours de la part de ses clients ou de démarrer sans contrat signé !

Il s’agit là d’une situation quelque peu étrange car si les entreprises reconnaissent unanimement la qualité et les compétences de ces talents, elles ne parviennent pas en revanche à déployer un cadre favorisant leur intégration. Outre la forte culture du salariat ancrée dans notre société depuis l’après-guerre et dont il est difficile de se départir facilement, les entreprises françaises adoptent généralement un pilotage par les risques. Et en la matière, force est de constater que le cadre juridique actuel reste peu clair. Suivant cette logique, et tant que les freelances seront considérés comme des fournisseurs comme les autres, travailler avec une seule et même personne sera considéré comme risqué par les entreprises. Si certaines sociétés ont désormais déconstruit ce cliché, beaucoup tâtonnent encore dans leurs rapports avec les freelances.

Devenir un hub de compétences

Et si le risque était, précisément, de ne pas collaborer avec ses travailleurs externes toujours plus nombreux et aux compétences rares sur le marché ? Évidemment, il est primordial pour une entreprise de bien analyser ses risques… mais le recours au freelancing est une opportunité à plusieurs niveaux qu’il serait dangereux de louper. Tout d’abord, de plus en plus de salariés deviennent indépendants, ce qui pourrait fortement limiter la capacité des entreprises à recruter à moyen terme. De plus, leur capacité de recul et d’adaptation de ces talents externes, grâce aux nombreuses expériences vécues, est réellement précieuse et permet à l’entreprise de rester compétitive et innovante. Enfin, les entreprises ont accès aux compétences les plus pointues au moment et pour la durée où elles en ont besoin. Au regard de ces avantages, il serait regrettable de ne pas faciliter encore la collaboration avec ces talents dont elles ont besoin. Un travail qui passe d’abord par un nécessaire changement de culture et de gouvernance au sein des entreprises pour devenir un véritable hub de compétences.

Une nouvelle organisation qui doit aussi mener à la création d’une expérience collaborateur incluant les freelances. Certaines entreprises l’ont déjà compris et des palmarès où il fait bon travailler en tant que freelances ont même vu le jour récemment. L’onboarding doit être plus structuré pour faciliter les premiers contacts et la coordination entre les acteurs renforcée. La gestion administrative et financière de ces talents doit également être facilitée. Enfin, une expérience du marché du freelancing est souvent nécessaire pour cartographier les compétences disponibles par type de contrat et les tarifs appliqués. S’appuyer sur un partenaire dans ce contexte peut s’avérer une stratégie gagnante pour identifier les talents aux valeurs les plus compatibles avec la culture d’entreprise et déployer la meilleure expérience de bout-en-bout possible pour les freelances. Certaines entreprises, notamment aux Etats-Unis, vont même jusqu’à recruter un Chief Freelance Officer, chargé de gérer l’on/offboarding, la coordination entre les directions RH, Achats et Métiers et l’animation de la communauté de freelances de l’entreprise.

Faire évoluer notre contrat social

Il est compliqué de militer pour une meilleure prise en compte de ces freelances toujours plus nombreux quand les pouvoirs publics sont aussi peu avenants en la matière. On pourrait bien sûr évoquer le Plan Indépendants conduit par Emmanuel Macron, mais il est nécessaire d’aller encore plus loin, notamment en sécurisant et stabilisant enfin le cadre juridique de la collaboration entre entreprises et freelances. Au cœur d’une société construite sur des acquis sociaux obtenus de haute lutte qui ont conduit au salariat et à la mise en place d’un contrat de travail unique au monde, accorder une place plus importante aux freelances peut faire peur… Pourtant, si talents et entreprises l’appellent de leurs vœux, n’est-ce pas le bon moment pour se saisir du sujet ?

L’effondrement du CDI n’est évidemment ni souhaitable, ni pour demain. Toutefois, le freelancing n’est désormais plus une simple option mais un vrai choix de carrière pour beaucoup. Un nombre croissant de syndicats d’indépendants s’organise pour structurer les relations entre entreprises et freelances et que les droits de ces derniers soient respectés. Le chemin est encore long mais l’inévitable émergence de nouvelles formes d’emploi est le signe, s’il en fallait un, que les pouvoirs publics ne pourront faire de la résistance éternellement et doivent accompagner et encadrer ces nouvelles pratiques.old


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