par Olivier Binet, CEO de Bridge
L’adoption progressive de la facturation électronique dès 2024 va introduire dans les usages un nouveau maillage technologique favorisant le recours au paiement bancaire par virement Open Banking. Cette évolution représente une véritable opportunité pour les entreprises françaises de devenir plus compétitives.
Le paiement par virement instantané ou immédiat, mis en avant par l’évolution de la réglementation sur l’Open Banking (DSP2), est un moyen de paiement qui offre de nombreux avantages aux entreprises en termes de rapidité, de fluidité des échanges financiers et de sécurité des données financières. Cependant, il reste encore peu utilisé en raison du manque d’infrastructures techniques à son déploiement, et du modèle d’affaire actuel des banques.
L’arrivée de la facturation électronique obligatoire à partir de 2024 pourrait néanmoins jouer en faveur du paiement instantané. En effet, toutes les entreprises vont être obligées d’émettre leurs factures au format structuré (donc dématérialisé) en utilisant la portail public Chorus Pro ou les PDP (pour plateformes de dématérialisation partenaires de l’État), qui offrent un service de facturation électronique de bout en bout.
Il sera notamment possible de payer une facture par virement immédiat via l’intégration d’un lien ou d’un QR code, ce qui réduit grandement les délais de paiement, et représente donc une vraie opportunité d’utilisation, à plus grande échelle, pour la facilitation du paiement instantané et du recouvrement.
Cela permettra ainsi aux entreprises de résoudre les retards de paiement du fait de la diminution de la charge associée au traitement et au suivi des factures, mais aussi en améliorant la collecte de TVA et la lutte contre la fraude, en simplifiant les obligations de déclaration, et grâce à la visibilité requise sur le statut du paiement, en facilitant le recouvrement. C’est un moyen pour elles de devenir à la fois plus compétitives et plus résilientes.
Une opportunité de digitalisation pour les entreprises
L’adoption de la facturation électronique obligatoire s’inscrit dans la lignée de la DSP2 (Directive sur les services de paiement), qui depuis son entrée en vigueur en 2018 a incité les entreprises à digitaliser leurs processus financiers.
Ces deux mesures visent à accélérer la pénétration de la technologie et de solutions qui puissent répondre à l’évolution numérique de l’économie, telles que le paiement instantané. Dans le cadre de l’Open Banking, des acteurs tiers agréés (développeurs, fintechs, logiciels…) peuvent en effet accéder aux données clients des banques (avec leur consentement) et proposer des services d’initiation de paiement.
Aussi, les PDP, logiciels de gestion d’entreprise (ERP) et de comptabilité ont déjà la possibilité d’émettre des factures électroniques qui intègrent des fonctionnalités telles que la collecte automatique des données de TVA, l’envoi des factures par virement instantané, la réconciliation et le lettrage automatisé .
Remédier à l’écart de TVA et aux difficultés de paiements
Le premier problème que l’arrivée de la facturation électronique doit affronter est la réduction de l’écart de TVA, qui correspond à la différence entre les recettes attendues par l’Etat et le montant effectivement perçu. Celui-ci s’élèvent actuellement à 14 milliards d’euros par an, il est donc primordial pour les finances publiques car il s’agit de l’impôt qui rapporte le plus.
Les délais de paiement représentent un autre enjeu pouvant être adressé par la visibilité du statut de paiement rendue obligatoire par le devoir de e-reporting. En effet, les impayés impactent fortement l’activité des entreprises et touchent en premier lieu les petites et moyennes entreprises, alors même qu’elles forment l’essentiel du tissu économique. Les entreprises sont payées avec 12,5 jours de retard en moyenne par rapport aux délais réglementaires qui sont de 30 ou 60 jours, d’après le rapport de l’Observatoire des délais de paiement en 2021.
Enfin, la lenteur des moyens de paiement actuels est le dernier défi que l’arrivée de la facturation électronique devrait surmonter. Malgré son délai d’exécution assez lent (entre deux et trois jours), le virement classique domine les paiements B2B, et ce, bien que le montant des sommes bloquées durant ce « délai de flottement » soit estimé à 200 milliards d’euros par jour par la Commission européenne.
Rapide (dix secondes entre l’ouverture du lien de paiement et l’exécution du virement), sécurisé (dix fois plus qu’un paiement par CB), et rentable (deux fois plus qu’un autre moyen de paiement), le paiement instantané représente donc une solution viable aux problèmes de paiement des entreprises et leur permet de soulager leur trésorerie en proie aux faillites notamment (en hausse de 35% entre le second trimestre 2022 et troisième trimestre 2023).
L’Open Banking pour une économie plus résiliente
La possibilité de transférer des sommes, sans limite de montant, en quelques secondes seulement permet notamment aux entreprises d’améliorer leurs flux de trésorerie grâce à un encaissement plus rapide et un rapprochement bancaire automatisé.
Il est donc tout naturel que la Commission européenne souhaite faire du paiement instantané un moyen de paiement souverain, comme le montre le vote récent d’une proposition de loi dont le but est d’en favoriser l’adoption. C’est dans ce sens que va également la DSP3 (pour troisième Directive européenne sur les services de paiement), qui a été présentée par la Commission européenne il y a quelques semaines.
La facturation électronique est donc LE moyen permettant de propulser cette nouvelle infrastructure de paiement dont font partie les PDP proposant le paiement par virement instantané. En effet, il est possible d’intégrer le paiement instantané à la facture électronique, via un lien ou un QR code transmis par email en même temps que les factures à l’entreprise cliente. Il ne reste pour l’entreprise qu’à sélectionner sa banque, s’authentifier et donner un ordre de paiement, et ce sans avoir à communiquer la moindre donnée bancaire ! Une vraie simplification des tâches administratives et comptables.
Dans ce contexte de transition, les logiciels et les PDP ont la possibilité de se différencier. En effet, tous les acteurs du secteur vont devoir se conformer à l’arrivée de la facturation électronique obligatoire. Cependant, ils ne proposent pas encore tous des fonctionnalités Open Banking comme le paiement instantané, qui représente une vraie opportunité pour la digitalisation des paiements des entreprises et une aubaine en termes de services supplémentaires proposés par les plateformes de dématérialisation.
Olivier Binet