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Aqualines : Guillaume Catala, l’homme qui crée des bateaux volants à Bayonne

Créer le premier TGV des mers et mettre sur pied le premier centre mondial R&D pour des avions-bateaux au Pays Basque, cela semble incroyable. Pourtant le rêve de l’entrepreneur-baroudeur autodidacte Guillaume Catala est en passe de devenir réalité.

Entreprendre - Aqualines : Guillaume Catala, l’homme qui crée des bateaux volants à Bayonne

Créer le premier TGV des mers et mettre sur pied le premier centre mondial R&D pour des avions-bateaux au Pays Basque, cela semble incroyable. Pourtant, le rêve de l’entrepreneur autodidacte Guillaume Catala est en passe de devenir réalité.

Vous avez la réputation d’être un globe-trotteur ?

Guillaume Catala : Je dis fréquemment que j’ai suivi un cursus « bac moins 3 », je me suis donc tourné vers des secteurs qui acceptent ce type de profil. Les industries créatives, la photo, la musique, la télé entre 1989 et 1993. Je suis ensuite parti pour une année sabbatique avec ma copine et mon sac à dos. Elle est rentrée et quant à moi, mon année a duré 28 ans.

C’est en Asie-Pacifique que vous vous êtes fixé ?

G.C. : Ma mère, disparue tôt, s’y était rendue. Inconsciemment, je suis allée sur ses pas. Il y avait aussi un grand-oncle à l’origine de l’aquarium de Nouméa après ses découvertes sur la fluorescence des coraux. La région m’a bien plu, j’ai passé près de 30 ans dans 8 pays et j’ai même obtenu la nationalité australienne.

Comment est née votre fibre entrepreneuriale ?

G.C. : Lors de mes premiers jobs avant de partir, j’ai eu la chance de travailler dans les milieux télé et je voyais deux films par jour au cinéma, je pense que cela a été le moteur de mes rêves et ambitions. Le quotidien routinier n’était plus là, dans ces films, il y avait des messages inspirants et motivants. Cela a développé une fibre pour la communication, l’expression créative, l’exploration des autres. Et le monde a été ma salle de classe.

C’est en Australie que vous êtes devenu entrepreneur ?

G.C. : Oui entre autres, j’ai cofondé une chaîne d’une vingtaine d’internet cafés automatisés au début des années 2000. Ce fut ensuite la création d’une Académie de moto GP sur le circuit de Philip Island, près de Melbourne. Au fil des années, j’ai travaillé dans la production cinéma, de documentaires au gré des rencontres, on peut dire que ma spécialité est la diversité. J’ai même été un moment chargé d’affaires culturelles au consulat de France de Surabaya en Indonésie en 1995. Ce qui m’intéresse profondément est l’aspect cross-culturel, ce côté transverse me passionne, et se démocratise aujourd’hui y compris dans des milieux traditionnels, tels que l’industrie.

Qu’en est-il de ce concept d’hôtels resorts zéro carbone ?

G.C. : Il y a près de quatre ans, nous avons monté un family office, Steinberg Protocol à Singapour. C’est un fonds d’impact dans le secteur de l’innovation durable et sociale. Mais nous ne voulons pas d’écologie punitive, notre ADN, c’est l’impact « désirable » pour modifier la perception du public quant à la transition écologique. Ce fonds d’amorçage a aussi pour objectif de participer à une prise de conscience, celle que l’on peut plus continuer à vivre dans l’abondance mais avoir une vie tout aussi éclatante grâce à l’écoconception.

Nous avons donc créé un resort de luxe qui aurait dû ouvrir le 20 mars dernier, dont les besoins énergétiques sont totalement couverts par les énergies renouvelables. Il est en attente de la reprise touristique et se situe à Gili Air, un archipel de trois îles entre Bali et Lombok.

Comment est né votre trio d’associés ?

G.C. : J’aime le côté collaboratif, on est toujours plus fort à plusieurs, c’est aussi un garde-fou garantissant une ligne de raison à plusieurs. Cela permet des rencontres. Lorsque nous travaillions sur la conception d’un hôtel net zéro carbone émission, nous examinions les trajets pour se rendre à l’hôtel, avons fait des recherches dans le cadre de Steinberg Protocol et sommes tombés sur le projet de Pavel Tsarapkin. Nous l’avons rencontré à Singapour, et suite à notre discussion, nous avons décidé de nous associer pour utiliser, internationaliser et « verdir » son projet.

Il fallait tout redimensionner pour réutiliser cette ancienne technologie en France, un pays aujourd’hui second exportateur d’aéronautique mondial et disposant de la seconde zone maritime mondiale. Laurent Godin nous a rejoint en début d’année 2021, c’est un professionnel du spatial et de l’aviation depuis 30 ans, ancien dirigeant d’Airbus en Indonésie.

Dites-nous en plus sur ce fameux projet Aqualines ?

G.C. : L’un des grands avantages de cette technologie était au départ de permettre de naviguer sans déranger la biodiversité marine, étant donné qu’il n’y a pas d’immersion en vitesse de croisière, pas de vibration, un décollage d’une minute, permettant l’usage de nouvelles formes d’énergie, aujourd’hui électrique et hydrogène. Les propulseurs avant chassent l’air sous la carlingue et le propulseur arrière génère la poussée. A partir de 90-100 km/h, il n’y a plus besoin d’énergie pour maintenir l’effet de sol, ce qui en fait un moyen de transport très économe.

Le projet se positionne sur le secteur de la mobilité verte avec le business model d’un constructeur aéronautique. Il comprend un bureau d’études, une activité intégrateur-assembleur (des éléments sous-traités), de la certification, de la commercialisation et de la maintenance.

Quels sont vos objectifs dans un futur proche ?

G.C. : Nous nous sommes projetés sur 10 ans, en commençant par des véhicules de 3 places pour aller jusqu’à des vaisseaux de mer de 300 places avec voitures. Nous ciblons les opérateurs aériens et de ferries qui voyagent entre 50 et 500 kms, car notre solution est très compétitive et plus rapide. La loi Climat & Résilience va dans ce sens également. Par exemple, les 80 kms Tallin-Helsinki se font soit via 2h30 de bateau ou quasiment la même chose par avion, même si le vol ne dure qu’un quart d’heure et est très polluant, car l’avion décolle pour atterrir immédiatement.

Ce sont habituellement 30 000 passagers par jour qui sont concernés uniquement sur ce trajet et… sans mal de mer. Nous avons d’ores et déjà reçu quelques 180 demandes à travers le monde, principalement de la part d’opérateurs maritimes et aériens, puis des distributeurs de technologie et des agences gouvernementales (dans le cadre de contrôles de trafic de drogue, traite humaine, pêche illégale, zones protégées où il faut contrôler sans polluer). Notre premier prototype 3 places sera prêt dans 18 mois pour commercialisation, mi-2024, nous aurons aussi un démonstrateur cabine 8 places pour aller ensuite vers des modèles plus lourds.

Votre cible ?

G.C. : Nous étudions par satellite le globe terrestre pour déterminer les zones les plus aptes à recevoir notre solution, étant entendu que nos petits appareils commerciaux supportent 1,50 mètre de houle et les plus grands jusqu’à 4 mètres et que nous voulons être opérationnels au moins 90% de l’année. Étant donné que la population mondiale se concentre de plus en plus sur les zones littorales, les opportunités sont nombreuses, tout comme les besoins d’un nouveau mode de transport. C’est ce que nous proposons avec notre « TGV des mers », un TGV qui ne demande quasiment aucune infrastructure, ni route, ni rail, la surface est gratuite et on ne l’abîme pas.

Et du côté des investisseurs ?

G.C. : Pour l’instant, nous avons travaillé à partir de nos fonds propres, et commençons les levées de fonds comme les recherches de partenaires. Nous désirons privilégier des capitaux français, mais cela est assez compliqué. Car ici nous ne parlons pas de technologie digitale, mais industrielle, avec des cycles longs de 3 à 5 ans, pour une maturité à 10 ans. Une activité fortement génératrice d’emplois, mais sur le long terme. Nous constatons un manque de dispositifs transverses pour motiver les fonds privés ou les particuliers. De fait, cela est compliqué, même si nous avons en France les talents et que le Made in France bénéficie d’une solide crédibilité dans le monde. La région Nouvelle-Aquitaine est partenaire, et nous sommes en discussion avec la BPI et les fonds européens.

Vous avez choisi Bayonne pour vous implanter ?

G.C. : Effectivement, nous y installons cette année notre centre mondial R&D, puis l’unité de production pour le continent européen. Nous avons sécurisé un terrain, le permis de construire est en passe d’être déposé pour des infrastructures semi-permanentes. Vu qu’il ne s’agit pas seulement de la création d’une unité industrielle, mais bien de la création d’une toute nouvelle filière industrielle, nous espérons que la France sera au rendez-vous.

Propos recueillis par Anne Florin


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