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Veja, la longue marche des deux Frenchies du running

L’un a fait Hec, l’autre Paris-Dauphine. L’air de rien, Veja, leur entreprise de basket écolo, fondée sur un coin de table en 2004, tutoie les géants du secteur. Déjà 40 millions d’euros de chiffre d’affaires et 120 salariés !

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L’un a fait HEC, l’autre Paris-Dauphine. L’air de rien, Veja, leur entreprise de basket écolo, fondée sur un coin de table en 2004, tutoie les géants du secteur. Déjà 40 millions d’euros de chiffre d’affaires et 120 salariés.

En 2005, la jeune marque Veja (« regarde » en portugais) a fait sensation par son concept. On ne savait pas vraiment s’il s’agissait d’une marque française ou brésilienne, mais tout était nouveau et déjà diablement attirant.

Une équation solide en cinq points

Premièrement, avec son V coloré, la basket Veja est belle, jeune et gaie, et ce bien avant que la sneaker ne devienne reine de la ville. Deuxième point, très tôt, la marque a mis en avant son travail auprès d’associations, en particulier au Brésil, puis en France. En affichant ce côté solidaire issu du commerce équitable, Veja a pris une longueur d’avance. Troisièmement, cette basket est écolo et durable. Caoutchouc sauvage, coton bio, polyester recyclé sont la base des matériaux utilisés. Pas de produits chimiques, pas de procédés polluants.

Quatrièmement, la marque a été inaugurée en fanfare et de façon innovante pour une marque de running : un lancement au Palais de Tokyo, une boutique parisienne et un concept store. Enfin, cinquième point, dès 2006, Veja collabore avec des designers tels qu’Agnès B, Jacadi, Balibaris, Claudie Pierlot, Bleu de Paname et bien d’autres.

Pas de pub, de l’action

L’équation ne serait pas complète sans une conviction centrale : depuis le début de l’aventure, la marque Veja ne fait pas de publicité au sens classique du terme, elle communique sur ses actions, organise des conférences, et consacre presque tous ses moyens à la production. Selon les créateurs, lorsque le produit porte en lui une véritable innovation, qu’elle soit technologique, sociale, ou autre, il n’y a pas besoin d’espace publicitaire.

Aujourd’hui encore, la communication passe par des agences de presse, mais pas d’argent pour les influenceurs ou les stars. Marion Cotillard l’avait spécifié dans un post « I have nothing to do with this brand, this is not publicity, this is just love ». En bref, le « budget » image se monte à moins de 0,5% du chiffre d’affaires.

L’aventure de François-Ghislain et Sébastien

Ils sont bien jeunes (25 ans), Sébastien Kopp et François-Ghislain Morillion lorsqu’ils se retrouvent en 2003 dans une usine chinoise qui travaille dans la mode. Un voyage parmi d’autres qui va leur ouvrir les yeux sur les conditions catastrophiques de travail des ouvrières. C’est ensuite en travaillant pour la marque AlterEco, sur des importations de produits alimentaires, en appliquant les règles du commerce équitable, que leurs idées finissent de se mettre en place. A leur retour à Paris, les deux amis décident non pas de se lancer dans un business sur internet comme les copains, mais d’aller vers un produit, la basket, déjà devenue une icône grâce aux grandes stars de la NBA.

Une stratégie totalement à contre-pied

Un produit qui correspond à leur génération, mais qui est surtout un vrai modèle en termes de coûts. En effet, la part de la publicité dans ce produit est le pourcentage le plus important du prix de revient des baskets des grandes marques, pouvant aller jusqu’à 70%. Veja va prendre le contrepied de cette anomalie pour aller beaucoup plus loin. « En renonçant à la publicité, on pouvait créer des baskets 4 à 5 fois plus chères à fabriquer tout en les proposant au même prix que les grandes marques dans les magasins ».

Un constat incroyable, mais alors pourquoi ne pas proposer de belles baskets à prix cassés ? Parce que la stratégie de la marque est de réallouer cet argent disponible à la production, qu’il s’agisse de la main d’œuvre ou des matières premières, avec une forte dimension environnementale.

Du Brésil jusqu’à Bonneuil-sur-Mane

A 25 ans, on n’est pas vraiment riche, même si l’on a fait de bonnes études, HEC et Paris Dauphine en l’occurrence. Mais on peut partir pour le Brésil, après tout si l’on ne tente pas l’aventure à cet âge là, quand va-t-on le faire ? Le Brésil dispose des matières premières nécessaires et d’usines pour le projet. En avant pour l’Amazonie et le caoutchouc sauvage récolté durablement, puis vers le Nordeste pour le coton bio et une petite coopérative qui travaille selon les règles de l’agro-écologie. L’affaire se fait, trois tonnes de coton bio sont achetées au double du prix normal avec un contrat de 3 ans.

Voici Porto Alegre, au sud, et ses usines disposant de méthodes de travail et de mesures sociales de bon niveau. Enfin, retour en France, à Bonneuil-sur-Marne, où une association de réinsertion est choisie pour devenir prestataire logistique.

Partis quasiment de zéro

6500 euros chacun, voici leur maigre investissement de départ. Pourtant, le succès est quasi immédiat, grâce notamment aux grands magasins parisiens, toujours à l’affut de nouveaux concepts et aux clients qui ont su « regarder » ce qu’il y avait derrière les baskets. Aujourd’hui, Veja est vendu dans 50 pays, plus de 2 millions de paires de baskets ont été commercialisées dans 2000 points de ventes, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne comme en France ou au Benelux. Les matières se diversifient, avec le cuir végétal, le B-Mesh produit à partir de bouteilles en plastique recyclées ramassées à Rio et Sao Paulo. Puis le raisonnement s’est fait plus large, avec le choix de banques qui n’ont pas de filiales dans des paradis fiscaux ou des contrats d’énergies vertes.

Vers une croissance raisonnée

Sébastien Kopp et François-Ghislain Morillion ne sont pas des adeptes de la décroissance, ils favorisent « un capitalisme à la papa » et sont convaincus que les opportunités sont nombreuses, car tout reste à faire. « Il ne s’agit pas de convaincre les autres, on commence par nous-mêmes ». Une transparence et une sincérité qui ont permis la naissance d’une entreprise qui réalise aujourd’hui 100 millions d’euros, même si le chiffre d’affaires n’est que l’arbre qui cache la forêt.

E.S.


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