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« Après-Covid-19 : vers un renforcement numérique de l’industrie 4.0 »


Par Janick Villanneau, directeur Industrie 4.0 chez Scalian Tribune. Pour assurer une continuité de leurs services durant cette crise sanitaire, les entreprises et tout particulièrement les industries ont dû recourir massivement aux outils digitaux. Si le monde industriel n’est pas celui du service, quoique les différences disparaissent progressivement, l’urgence, dans...

Entreprendre - « Après-Covid-19 : vers un renforcement numérique de l’industrie 4.0 »

Par Janick Villanneau, directeur Industrie 4.0 chez Scalian

Tribune. Pour assurer une continuité de leurs services durant cette crise sanitaire, les entreprises et tout particulièrement les industries ont dû recourir massivement aux outils digitaux. Si le monde industriel n’est pas celui du service, quoique les différences disparaissent progressivement, l’urgence, dans un secteur comme dans l’autre, est à la reprise des activités économiques dans un contexte fragile. Mais alors que les stratégies se conjuguent davantage au présent dans ce contexte encore incertain, il est essentiel d’envisager l’avenir dès aujourd’hui et d’ajuster les roadmaps de l’industrie 4.0 pour pouvoir tirer le plus de valeur possible de cette digitalisation accélérée.

L’industrie 4.0 face à la massification des données

L’industrie 4.0 se définit comme la convergence du monde virtuel, de la conception numérique et de la gestion avec des produits et objets du monde réel. La numérisation ne se limite pas à la dématérialisation de documents, mais englobe tout un processus informatique qui favorise la transformation d’un élément physique en une suite de données digitales. Cette transformation s’accompagne également d’un changement organisationnel, humain, sécuritaire… et doit s’appuyer sur la valeur. Naturellement, la numérisation entraîne une création de plus en plus importante de contenus numériques. Cela est particulièrement vrai pour le monde industriel qui reste avant tout un moyen de production, et donc une formidable « usine » à produire de la donnée.

Les industriels ont été confrontés à une explosion du volume de données et de contenus numériques bien avant la crise sanitaire avec, d’une part, des données structurées provenant de bases de données d’applications et, d’autre part, des données non structurées. Celles-ci peuvent prendre des formats variés (capteurs, image, vidéo, musique, etc.) et provenir de sources diverses comme des documents bureautiques, des applications métiers, de la documentation technique, de nouvelles machines-outils robotisées ou des capteurs (IIOT). C’est particulièrement vrai avec l’IIOT dont la taille de marché mondial devrait passer de 77,3 milliards USD en 2020 à 110,6 milliards USD d’ici 2025, soit un taux de croissance annuel de 7,4%1.

La continuité numérique, rouage essentiel de l’industrie 4.0

L’explosion du volume de données numériques (documents divers, streaming, travail collaboratif…), symptomatique de notre économie moderne, a été exacerbée par cette crise sanitaire. L’enjeu, pour les entreprises est la maîtrise de l’information et donc de la donnée : si cette massification n’est pas bien gouvernée, elle entrainera le chaos sans jamais créer de valeur. C’est particulièrement vrai pour l’industrie, même avant la crise, d’où la nécessité de mettre en place un processus de continuité numérique.

La continuité numérique est, pour l’industrie 4.0, sa capacité à disposer de l’ensemble des informations et flux numériques d’un produit, d’un système ou d’une infrastructure. Elle doit se faire de manière pérenne : les informations doivent être complètes, disponibles et utilisables. Elle permet aux entreprises d’assurer une constance dans ses activités et une qualité de services.

Cette approche doit se faire de « bout en bout ». Si l’on prend l’exemple d’une machine-outil, l’analyse de sa production de données doit se maintenir lorsqu’elle change d’utilisateur. Il faut avoir une vision globale de tout son cycle de vie pour assurer la pérennité des données (exemple de la maintenance « prédictive »). L’enjeu, pour les unités de production, est de s’intéresser pleinement à la gestion et à l’exploitation de leurs données. C’est un travail d’équipe qu’il faut mener avec la DSI.

Établir une stratégie de données en interne

Les données et la valeur ajoutée qu’en tireront les entreprises feront le futur de l’industrie 4.0. Adopter une stratégie de données qui analyse les contenus numériques produits est essentiel. Cela passe avant tout par une bonne collaboration entre « métiers » et « informatique ». Il est également nécessaire d’avoir une vision globale de tous les départements d’une entreprise, compétence dont seule la DSI dispose.

Il est primordial que les experts métier ne se lancent pas tête baissée dans la collecte ou l’analyse d’une trop grande quantité de données potentiellement inexploitables. Par exemple, l’utilisation d’un DataLake est-il pertinent si on ne sait pas quoi faire des données ? Le métier doit se focaliser sur la vision de ce qu’il cherche à accomplir et être le garant de cette valeur. Autre exemple, demander à une DSI d’installer des capteurs en prévision d’un projet d’intelligence artificielle (IA) n’apporte rien à court terme : Les modèles d’IA ont besoin d’un historique conséquent pour créer des modèles et continuer à apprendre – si modèles existent !

Toujours dans un objectif de stratégie de données, il faudra, dans un premier temps, cartographier les actifs de données. On peut les classer sous quatre ensembles :

  • Les données « isolées », syndromes des feuilles de calcul Excel : ce sont des données extraites d’applications, compilées, enrichies et/ou synthétisées au fur et à mesure de leur remontée au niveau managérial ;
  • Les données « cloisonnées » : celles qui sont cachées dans les applications, bases de données fermées et dont on n’utilise pas tout le potentiel ;
  • Les données déjà sous gouvernance ;
  • Les données « opendata »: leur accès et leur usage sont laissés libres aux utilisateurs.

Enfin, il faut considérer les données qui ne sont pas à disposition et dont l’utilisation peut apporter de la valeur sur le long terme. C’est à partir de ce moment où l’on saura si une donnée est exploitable et au travers de quel(s) filtre(s) technologique(s) elle devra passer pour l’être. C’est là ou l’interaction avec les équipes opérationnelles prend tout son sens : on y détermine les données à disposition, leur pertinence, leur localisation, leurs accès et surtout la manière dont elles circulent sein de l’entreprise. C’est dans une vision d’optimisation perpétuelle qu’il faut considérer les données pour développer l’industrie 4.0.

Gérer l’après Covid-19 ou prendre le virage de l’Industrie 4.0 passe par un changement de paradigme drastique dans la façon de travailler et de consommer, la digitalisation est plus que jamais au cœur des enjeux de l’industrie. L’utilisation massive des outils numériques, la gestion numérique et le contrôle de la donnée associée sont aujourd’hui indispensables pour instaurer cette continuité numérique, et le seront davantage encore demain pour faire rayonner ce nouveau visage de l’industrie.

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