Les questions entourant le droit du travail ne doivent pas être considérées isolément. Il s’agit d’un ensemble qui prend sa signification du cumul de ses particularités, cumul que l’on ne retrouve dans aucun autre pays comparable à la France et qui constitue un frein au développement de son économie.
La France est en effet le pays où :
– la réglementation du travail est la plus lourde
(taille du Code du travail), la plus impérative (absence de dérogations) et la plus pénalisante pour l’employeur (quasiment toutes les dispositions sont exigées sous peine de sanctions pénales, auxquelles s’ajoute l’incrimination générale et de «droit mou» de l’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel) ;
– la durée légale de travail est la plus faible
(35 heures par semaine), contraignant à payer des heures supplémentaires majorées dès que cette durée est dépassée, et où en même temps le nombre d’heures travaillées sur l’année à temps plein est l’une des plus faibles, en grande partie en raison des jours de RTT ;
– le salaire minimum
est à la fois de loin le plus élevé et le plus rigide tant en ce qui concerne l’automaticité de son évolution que son application universelle quels que soient l’âge et le lieu de l’activité ;
– l’exigence relative à la cause du licenciement
est l’une des plus, sinon la plus sévère, et la procédure et les obligations de l’employeur (reclassement) les plus lourdes ;
– les règles de flexibilité
concernant le temps de travail et la rémunération ont le moins évolué ces dernières années et sont encore largement trop rigides ;
– la dualité des contrats de travail
(CDI et CDD) conduit à une inégalité dans la protection des salariés particulièrement marquée ;
– les salariés jouissant des protections et avantages du statut public
sont les plus nombreux, ce qui conduit à un sentiment d’injustice ressenti par les salariés du secteur privé ;
– les prélèvements sociaux
sont à la fois les plus lourds et reposent le plus sur les revenus du travail ;
– le coût du travail
est particulièrement élevé ;
– le taux de syndicalisation est le plus faible
(7,9%) des 26 pays pris en compte par l’OCDE (contre une moyenne UE de 23% et une moyenne OCDE de 16,7%).
Nombreux sont les sujets sur lesquels il faut agir, sans se contenter d’une action limitée. En même temps, une action tous azimuts serait impossible à gérer. Il est donc nécessaire d’établir des priorités, en groupant les sujets de réformes pour proposer un ensemble à la fois prioritaire et cohérent.
Peut-on vraiment réformer le Code du travail ?
Avec plus de 3.300 pages, le Code du travail est un monstre illisible, notamment pour les TPE et PME. Si ce Code réglemente de façon pointilliste toutes les situations imaginables, c’est qu’il est presque exclusivement tourné vers la protection du salarié considéré comme un mineur dans ses relations avec un patron, qui est de plus assimilé à un «salaud» potentiel, voire systématique.
Cette vision n’est assurément pas près de se ternir. Il est donc vain de compter sur un allègement, comme en témoigne la direction prise par le gouvernement qui, après les différents rapports, notamment le rapport Combrexelle, se prononce en faveur d’une méthode consistant à définir les grands principes d’ordre public sur lesquels aucun aménagement n’est possible, puis à définir les sujets auxquels les partenaires sociaux seront libres par accord de déroger, et enfin à déterminer les dispositions supplétives destinées à s’appliquer en l’absence d’accord des partenaires sociaux. Travail de longue haleine, dont le rapport Combrexelle fixe l’échéance à… 2020.
On remarque qu’il ne s’agit pas de simplifier le Code du travail ni de le réduire, mais de l’assouplir en autorisant des dérogations au-delà du socle d’ordre public dont le contenu reste encore à définir.
On peut même dire que bien loin de simplifier, tout assouplissement nécessitera bien au contraire une meilleure connaissance du Code du travail, puisqu’on ne peut déroger qu’à condition de savoir à quoi l’on veut déroger. Sur ce sujet général du Code du travail, retenons donc cette méthode d’assouplissements et de dérogations, sans espérer mieux quant aux simplifications.
Cela laisse entière la question des réformes substantielles à apporter à la loi, et que seul le législateur peut décider. Or, sur ce point, il n’y a semble-t-il rien à espérer. Comme l’a précisé à plusieurs reprises le gouvernement, il n’est pas envisagé de modifier la législation concernant la durée légale de 35 heures, le contrat de travail ou encore le Smic.