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Télévision : les producteurs français ont le vent en poupe

Terminé le temps où les productions télévisuelles françaises faisaient pâle figure face aux séries, téléfilms et jeux américains. Cela fait déjà plusieurs années qu’à l’instar du cinéma, notre pays s’est construit une vraie réputation dans ce domaine, grâce à des producteurs français innovants.

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Terminé le temps où les productions télévisuelles françaises faisaient pâle figure face aux séries, téléfilms et jeux américains. Cela fait déjà plusieurs années qu’à l’instar du cinéma, notre pays s’est construit une vraie réputation dans ce domaine, grâce à des producteurs français innovants.

L’Observatoire de production audiovisuelle du Centre national du cinéma et de l’image animée a mis plusieurs phénomènes en avant et notamment le succès des fictions élaborées et produites en France, telles que « Dix pour cent » ou « Le Bureau des Légendes ». Le public français est fan, mais les téléspectateurs étrangers également.

Le fameux modèle américain

C’est l’avènement des chaînes payantes aux Etats-Unis qui a lancé le phénomène il y a vingt ans. Et notamment la chaîne HBO, dont la stratégie a été couronnée de succès. Cette chaîne a décidé de se différencier des autres par ses créations originales, visant à attirer les abonnés, ce qui fut le cas avec des séries telles que Sex and the City ou Les Sopranos. Force est de constater que cette politique a été reprise par bien d’autres depuis qui ont pu vérifier son bien-fondé.

60 milliards d’euros investis

Ainsi, Netflix, dont le concept était au départ basé sur la possibilité d’accéder à des programmes à succès sur demande, finance le maximum possible de créations lui permettant de garder une part de marché significative face à l’arrivée de nouveaux concurrents aux moyens énormes tels que Disney. Pour donner une idée des montants en question, Netflix investit plus de 8 milliards de dollars annuellement dans la production de nouvelles séries (en France, un épisode de série coûte environ 1 million d’euros). Afin de mettre les choses en perspective, cette somme, qui ne concerne que Netflix, représente le septuple du budget annuel du cinéma français. Au total, 60 milliards d’euros ont été investis en 2019 par les plateformes de streaming, et la courbe est toujours à la croissance.

Canal + et le réveil français

En France, la création sur la télé publique a toujours été soutenue, mais des années plus tard, et à l’instar des Etats-Unis, c’est une chaîne d’abonnement, Canal +, qui a été le facteur innovant dans le monde télévisuel. Là aussi, l’offre de Canal se devait d’être suffisamment spécifique pour attirer des téléspectateurs prêts à payer face à la concurrence de chaînes publiques gratuites.

Une explosion des programmes

Cette évolution des deux côtés de l’Atlantique a provoqué une véritable explosion des programmes avec en mire des spectateurs suivant un régime différent en fonction de leur profil. Il y a les boulimiques qui veulent voir une saison entière en un soir, les gourmets qui préfèrent attendre la semaine suivante pour savoir ce qu’il adviendra suite au dernier coup de théâtre. Comme pour ce bon vieux passe-temps de la lecture, où certains lisent le dernier policier du début à la fin d’une traite, tandis que d’autres avancent lentement durant des semaines au travers des méandres de l’intrigue.

La manne de l’export

Il n’y a pas qu’Airbus et Vuitton qui s’exportent à partir de la France. Les créations françaises également, car même si cela peut sembler étrange, l’univers de nos séries made in France a une touche de véritable « exotisme » pour de très nombreux spectateurs. Ainsi, la série « Versailles » a réussi à trouver un public bien au-delà de nos frontières, de par l’intérêt même qu’éveille le simple nom du château en Europe et dans le monde : la série a été vendue à plus de 130 pays.

Netflix a aussi fortement contribué au succès de cette exportation, car globalement l’animation, les séries télé et les documentaires français se vendent bien, en particulier aux Etats-Unis, en Allemagne, et en Belgique. En revanche, les émissions de jeux ou les magazines ont plus de mal à trouver des clients. Depuis 2016, les recettes ne cessent d’augmenter à l’export, pour atteindre 275,7 millions d’euros en 2018. A noter que la première série française à remporter un Emmy Award fut Braquo en 2012.

Les « showrunners » à la française

Le terme est anglais, mais nettement plus explicite que celui de producteur ou directeur artistique à la française. Le showrunner américain est souvent producteur, mais également impliqué dans l’écriture et la mise en scène des créations pour s’assurer que tout est mis en place pour attirer et fidéliser le spectateur. Une révolution pour les Français qui aiment séparer les spécialités : producteur, coproducteur, producteur délégué, producteur exécutif, associé, directeur de production, autant de fonctions différenciées, notamment sur le point de la responsabilité financière. Le métier est également devenu nettement plus technique, car les diffusions ne sont plus simplement télévisuelles, mais se font en parallèle sur les supports digitaux.

L’incontournable Banijay de Courbit

TPMP, N’oubliez pas les paroles, Taratata et bien d’autres, impossible de ne pas citer Banijay, l’entreprise de Stéphane Courbit, qui avait annoncé clairement la couleur : devenir l’un des grands leaders mondiaux sur ce secteur. C’est aujourd’hui le cas, en matière de télé, le premier producteur mondial de flux est effectivement français avec environ 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires. En douze ans, Stéphane Courbit a gagné son pari, rachetant de nombreuses entreprises en France, mais aussi à l’étranger, y compris aux Etats-Unis.

Air Productions (Nagui), puis H20 Productions (Cyril Hanouna) sans oublier Zodiak et ses émissions stars telles que Fort Boyard ou Le Grand Journal. Avant de dévorer EndemolShine il y a peu, le numéro 3 français avec The Voice Kids, Les Enfants de la Télé, Miss France. Une réussite éclatante pour celui qui avait démarré en tant que simple assistant de Christophe Dechavanne et a su faire preuve d’un flair et d’une persévérance peu communs.

Pascal Breton voit loin avec FE

Pascal Breton préside Fédération Entertainment, qui produit des fictions telles que Marseille, diffusée sur Netflix. Il a également été à l’origine d’une série-feuilleton qui a eu un grand succès, Dolmen et a coproduit plus récemment le Bureau des Légendes. Il met en avant les changements du métier qui permettaient encore une approche assez « amateur » au début des années 2000, car les chaînes clientes étaient moins exigeantes, et la prise de risque plus aisée. A présent, impossible de venir simplement discuter d’une idée et de repartir avec un accord de principe.

L’environnement concurrentiel oblige de travailler de manière plus classique. Le producteur met également en avant que chez Fédération Entertainement, pour un projet acheté, une trentaine ont en réalité été développés, le tout de façon très flexible et très rapide. Ces évolutions ont changé les habitudes du secteur français vers plus de professionnalisme, une amélioration des standards qui s’est faite suite aux exigences des nouveaux venus, tels que Netflix ou Amazon.

Mediawan, l’œil de Pierre-Antoine Capton

C à Vous, C l’Hebdo, Des racines et des ailes, voici quelques-uns des titres qui ont vu le jour sous la baguette de Pierre-Antoine Capton et de son entreprise 3e Œil Productions. L’homme fait aussi et surtout l’actualité avec des pointures de l’économie française, telles Matthieu Pigasse et Xavier Niel via l’entreprise Mediawan. Cette nouvelle structure a des ambitions fortes : constituer un groupe européen de médias dans le secteur des contenus médias ou du divertissement.

Si 3e Œil est spécialiste du flux, Mediawan a pour politique de créer du catalogue. Pour cela, il milite pour une nouvelle loi de l’audiovisuel, qui, il est vrai, date de 1986, soit la préhistoire. A son avis, le fait que les plateformes soient contraintes à investir une partie de leur chiffre d’affaires dans la production en France (comme Canal + dans le cinéma français) pourrait représenter un véritable plus pour le secteur.

Fabrice Larue, de LVMH à Newen

Tout comme P.A. Capton, Fabrice Larue est Normand. Après une brillante carrière en radio, puis en presse au sein du groupe LVMH, il décide de prendre son indépendance en 2003. Ce n’est cependant qu’en 2008 qu’il approche la production avec le rachat de Telfrance qui produit Plus belle la vie. Et en 2010, tout change avec le rachat de 60% des parts de l’agence de presse Capa. Les deux entités se fondent alors en Newen, avec Be Aware et 17 juin Media pour se spécialiser dans le « Made in France ».

Aujourd’hui Newen a été revendue à TF1 pour quelques 300 millions, et c’est à travers sa société FLCP (Fabrice Larue Capital Partners) que l’homme d’affaires cherche à racheter le second producteur français, Lagardère Studios qui produit entre autre la série « Clem » ou « C dans l’air ». Rien n’est encore fait, car les négociations sont en cours depuis un an, mais il semble que Fabrice Larue soit le favori dans cette course. Prêt à lâcher 150 millions d’euros, Lagardère ambitionnerait les 200 millions. A suivre donc.

Producteur, la fortune assurée ?

« Ça eût payé » comme disait le regretté Fernand Raynaud. En effet, les marges ne sont plus ce qu’elles étaient, même s’il est difficile de plaindre les professionnels du secteur. Certes, il faut aujourd’hui être un financier plus avisé que par le passé, car les négociations de contrats sont bien plus tendues de par un environnement qui a beaucoup changé sur la dernière décennie.

Inutile cependant de sortir les mouchoirs. Les bénéfices mirifiques que permettaient certains contrats du passé ont été qualifiés d’abus, en particulier lorsqu’il s’agissait de paiements de la part de chaînes dont le financement provient de l’argent public.On est ainsi revenu à des montants plus raisonnables, qui ne permettent plus vraiment de se construire une fortune en l’espace de quelques années, comme ce fut le cas d’Arthur et d’Endemol au début des années 2000.

Un marché qui évolue rapidement

Les producteurs sont dans une situation moins extrême : moins de sommets, mais peu de bas. La règle veut que les programmes réguliers permettent évidemment un meilleur amortissement des coûts de production, mais un documentaire dont le sujet est bien dans l’actualité peut rencontrer son public, en France comme à l’étranger. Il faut cependant rester attentif aux évolutions constantes du marché. Ainsi, lorsque Netflix s’intéresse à une série, elle négocie directement les droits mondiaux, ce qui prive évidemment les producteurs d’une manne future possible avec des prix de vente des programmes globalement à la baisse.

Sur un autre plan, c’est l’organisation du travail qui est revue et corrigée, à la fois simplifiée en termes de production, mais aussi plus collective, avec de nombreux partenariats en matière de financement, tout comme dans le secteur des travaux d’écriture, de plus en plus partagés entre divers écrivains et scénaristes, en dépit de réticences assez marquées en France. Le fait est que la production française, télévisuelle ou cinématographique, est aujourd’hui devenue un fleuron prestigieux de notre économie.

A.F.


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