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Sibeth Ndiaye : « Nous n’avons pas assez associé les Français »

À l’âge de 39 ans, Sibeth Ndiaye compte parmi les plus fidèles conseillers d’Emmanuel Macron dont elle a assuré les relations de presse durant sa campagne présidentielle de 2017. Diplômée d’un DESS d’économie publique, elle endosse les fonctions de Secrétaire d’État du Premier ministre et de porte-parole du gouvernement depuis avril 2019. Lors d’un entretien exclusif accordé au magazine Entreprendre, Sibeth Ndiaye nous dévoile les coulisses de l’acte II du quinquennat.

Entreprendre - Sibeth Ndiaye : « Nous n’avons pas assez associé les Français »

Sibeth Ndiaye compte parmi les fidèles d’Emmanuel Macron dont elle a assuré les relations de presse durant la campagne présidentielle de 2017. Diplômée d’un DESS d’économie publique, elle a endossé les fonctions de Secrétaire d’État du Premier ministre et de porte-parole du gouvernement en avril dernier. Lors d’un entretien exclusif accordé à Entreprendre, elle nous dévoile les coulisses de l’acte II du quinquennat.

Quels moments charnières retenez- vous depuis votre accession au poste de porte-parole du gouvernement ?

Sibeth Ndiaye : Le lancement de l’acte II du quinquennat par le Président de la République et sa mise en œuvre.

Quelle analyse de la situation de la France dressez-vous aujourd’hui ?

La France évolue aujourd’hui dans un contexte international marqué par un ralentissement de la croissance, induit par de nombreuses incertitudes : guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis, possibilité d’un Brexit dur ou encore tensions autour de l’Iran au Moyen-Orient. Malgré ce contexte peu favorable à la croissance économique, la France, grâce à ses investissements et aux mesures de pouvoir d’achat mises en place par notre gouvernement, résiste mieux. Notre politique commence à porter ses fruits. La création de 500 000 emplois ces deux dernières années, la baisse tangible du chômage (- 1%) au plus bas depuis 10 ans, tout comme la hausse du pouvoir d’achat (+ 850 euros en 2019) en sont autant de témoignages.

La modernisation de la vie démocratique est un sujet phare du gouvernement qui s’est notamment exprimé à l’occasion du Grand Débat national. Qu’est-il concrètement ressorti ?

Beaucoup de nos détracteurs doutaient du Grand Débat, y voyant un moyen de gagner du temps. Il a été pourtant un succès pour notre démocratie. Un succès que l’on doit aux Français qui ont été plus de 1,9 million à participer à réflexion commune sur l’avenir de notre pays. Ce débat a révélé non seulement un besoin d’écoute mais aussi une aspiration à plus de justice et d’équité. Des milliers de contributions, nous avons dégagé quatre axes de consensus : une demande massive de baisse d’impôts, un sentiment d’urgence climatique, une demande de services publics plus proches et une exigence démocratique. Dans la deuxième moitié du quinquennat, nous nous attachons à les traduire concrètement dans l’action du Gouvernement et de la majorité.

Comment analysez-vous ce regain d’implication et de responsabilisation citoyenne ?

Cette mobilisation est le signe d’une démocratie vivante, en alerte, et c’est un très bon signe. Elle a exprimé une profonde volonté des Français d’être mieux et plus consultés, et une forme d’insatisfaction vis-à-vis de la démocratie représentative. C’est pour cela que l’acte II de notre quinquennat se fera pour et avec les Français : nous les ferons entrer dans la « cuisine des réformes ».

L’ampleur du mouvement des Gilets jaunes a-t-il modifié les priorités du gouvernement ?

Le mouvement des Gilets Jaunes a mis l’accent sur un profond sentiment d’injustice sociale, fiscale et territoriale au sein d’une partie de la population française. Il a également montré qu’en agissant vite au service des Français, nous ne les avions pas assez associés. Notre volonté désormais est de continuer à mener les transformations nécessaires pour notre pays, en associant étroitement les Français, comme l’illustre la concertation menée dans le cadre de la réforme des retraites.

Le RIC n’aurait-il pas permis de mettre un terme à la crise des Gilets jaunes ?

Il serait illusoire de penser qu’une seule mesure aurait répondu à la profonde interrogation démocratique qui s’est exprimée. Je crois très profondément dans les vertus des institutions de notre pays, l’Assemblée nationale et le Sénat, qui représentent nos concitoyens. Nous devons les moderniser et c’est l’objet de la réforme institutionnelle présentée il y a peu. Elle propose notamment un abaissement du seuil de signatures pour le Référendum d’Initiative Partagée. Concernant les retraites, l’ambition initiale convergeait vers un système universel (disparition des régimes spéciaux, durée de cotisation, correction des inégalités, redistribution…) clair, unique et équitable.

Où en sommes-nous à ce jour alors que le dialogue avec les partenaires sociaux vient de reprendre et que les appréhensions sont présentes ?

La réforme est porteuse de progrès, mais les appréhensions sont une réaction normale aux appréhensions. Nous prenons le temps nécessaire pour répondre à toutes les questions posées et dissiper ces interrogations.

Quel projet de société sous-tend cette réforme ?

Le système actuel des retraites est illisible et facteur d’ injustices. C’est pourquoi nous voulons construire, de concert avec les partenaires sociaux, les représentants des professions et tous les Français, un système plus juste et plus lisible adapté aux carrières d’aujourd’hui.

Comprenez-vous la vague de contestation émanant des professions libérales (avocats, médecins, infirmières…) ?

J’entends les inquiétudes exprimées. Nous prenons d’ailleurs le temps nécessaire pour la concertation, comme pour la transition. Le système entrera en vigueur en 2025 au plus tôt, et la transition s’étendra ensuite sur environ 15 ans. Le système ne fonctionnera donc à plein régime qu’en 2040. Les acteurs de chaque régime sont par ailleurs actuellement reçus par Jean-Paul Delevoye et chaque ministre en charge afin de définir avec le gouvernement le chemin pour rejoindre le système cible. Si la convergence doit prendre du temps, elle prendra du temps.

Le gouvernement prévoit de faire voter le projet de loi qui définira le nouveau système universel d’ici juillet 2020. Cette échéance vous semble-t-elle réaliste ? Quelles sont les conditions de réussite de ce modèle construit autour d’un régime unique ?

Nous sommes pleinement mobilisés pour mener à bien cette réforme. La méthode que nous voulons utiliser pour ce projet, celle de l’écoute, du dialogue, doit nous permettre d’écrire et de s’engager ensemble dans cette transition. Nous avons donc besoin de l’engagement de tous, et nous sommes prêts à prendre le temps qu’il faudra.

Quelle difficulté existe-t-il à définir la valeur du point de retraite ?

Cette réforme a été bien préparée et le travail engagé depuis plusieurs mois par le Haut-Commissaire Jean-Paul Delevoye a permis de prendre en compte ces difficultés et de poser les bases de ce système par points. Dans ce système, chaque jour travaillé permettra d’acquérir des points et d’augmenter sa retraite. Chaque Français aura accès à son compte en points, et pourra savoir à tout moment où il en est de sa future retraite. La pénibilité sera bien sûr prise en compte.

Selon certains experts, la réforme des retraites risque de pénaliser le privé pour ménager le public. Que leur répondez-vous ?

C’est faux. Ces experts oublient l’un des objectifs principaux de cette réforme : celui d’aboutir à un système équitable entre tous les Français. Aujourd’hui, selon leur statut ou leur métier, les Français ont des règles de calcul différentes pour leur retraite. Ainsi, même lorsqu’ils cotisent la même chose, les Français n’ont pas toujours la même retraite. Le futur système universel de retraite que nous proposons permettra ainsi que les règles soient les mêmes entre salariés du privé et fonctionnaires comme pour les parlementaires et les régimes spéciaux.

Propos recueillis par Isabelle Jouanneau


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