Un succès à la hauteur de la polémique qu’elle suscite : avec un chiffre d’affaires estimé à 32 milliards de dollars en 2023, la marque Shein est devenue à elle seule l’emblème de l’entreprise de prêt-à-porter 100% en ligne et surtout, de la consommation à outrance. En 2022, elle était même en tête des ventes de mode sur internet avec 963 millions d’euros de revenus dans l’hexagone, devant le français Veepee et l’allemand Zalando.
Il faut dire que les ventes de l’entreprise avaient déjà été multipliées par dix entre 2020 et 2023 grâce aux confinements successifs au moment de la pandémie de Covid-19. Car là est la première spécificité du groupe : aucune boutique, soit autant de couts fixes en moins : aucun vendeur, aucun loyer, aucune assurance… En évitant ces couts liés aux magasins physiques, la marque a pu offrir des produits à des prix défiant toute concurrence, s’adaptant rapidement aux tendances fluctuantes sans les contraintes des stocks physiques, tout en atteignant une audience mondiale.
« Real-time fashion » ou « fast-fashion » ?
Mais l’atout principal de l’entreprise ce n’est pas son modèle de vente, mais bien son modèle de production « à la demande », qui met d’abord sur le marché des articles en quantités limitées pour comprendre et « tester » les attentes de ses consommateurs, avant de lancer la production en millions d’unités si les premiers modèles se sont bien vendus. Une approche qui contraste fortement avec les méthodes de l’industrie traditionnelle, qui produit d’abord des millions de produits avant de tenter de les écouler, avec plus ou moins de succès.
C’est ainsi que Chris Xu, le fondateur de Shein, a fini par terrasser ses concurrents : chaque produit est d’abord créé à seulement quelque 200 exemplaires pour l’intégralité du globe, et le reste de la production est ensuite calibrée en fonction du comportement d’achat des consommateurs sur la boutique en ligne. Résultat : aucun stock, peu de pertes et une formidable capacité pour s’adapter dynamiquement aux gouts changeants de sa clientèle. « Nous avons des stocks d’invendus bien inférieurs à 10%, contre 20% à 40% pour les autres acteurs traditionnels » se justifiait ainsi la directrice de la communication de la filiale française au micro d’Europe 1. Un atout qui limite aussi la consommation de matière premières, en particulier pour les milliers de fournisseurs et sous-traitants du groupe.
Un modèle innovant combiné à une stratégie de communication offensive sur les réseaux sociaux, et en particulier sur Tik-Tok. Sur le réseau social chinois, l’entreprise a multiplié les collaborations, les partenariats et les placements de produits avec des milliers d’influenceurs « pas forcément des influenceurs des grandes villes » selon Silvano Mendes, codirecteur du Master « Mode et industries créatives » à la Sorbonne, mais plutôt des « petits » influenceurs, des jeunes garçons et des jeunes filles, sans passé de stars ou de téléréalité… Et finalement plus proches sociologiquement du coeur de cible de Shein.
Présence massive sur les réseaux sociaux, une production adaptée à la demande et aucun magasin physique : voilà comment Shein arrive à proposer des prix cassés sur les 7000 nouveaux produits chaque jour sur sa boutique en ligne…
Alexandre Bodkine