Présenté comme une réforme choc permettant de moderniser la taxation des revenus, le prélèvement à la source qui entrera en vigueur en janvier 2019 est loin d’être à l’avantage des entrepreneurs. Romain Gérardin-Fresse, Associé Fondateur du Cabinet GFK Conseil-Juridis décrypte pour Entreprendre ce mécanisme sibyllin, qui va révolutionner le système fiscal français.
Il y a ceux à la fiscalité simple, qui ont adoptés depuis plusieurs années la mensualisation de leurs impôts, et qui vont, de fait, sentir l’effet d’allégement promis par Bercy, et puis il y a les autres:
– ceux qui bénéficient de crédits d’impôt ;
– ceux qui préféraient régler en trois tiers, gérant leur trésorerie personnelle en fonction de leurs impératifs immédiats ;
– ceux qui n’arrivaient pas à y faire face et qui sollicitaient un moratoire auprès de l’administration ;
– ceux qui entreprennent en indépendant ;
– ceux qui dirigent une PME.
Pour ces deux dernières catégories de contribuables, force est de constater que la méthodologie n’est pas la plus aisée.
Il convient déjà de rappeler à titre liminaire que 2018 n’est pas une année blanche, mais une « année de transition ».
Pour l’administration fiscale, tout est dans la nuance.
Ainsi, la Direction Générale des Finances Publiques en a déjà annoncé la couleur.
Elle vérifiera que le contribuable n’aura pas perçu de revenus exceptionnels, et si tel est le cas, alors ils seront utilement taxés.
Le schéma de base est assez simple.
Le tout à chacun déposera sa déclaration de revenus comme les années précédentes, et l’administration la comptabilisera comme tel.
Nonobstant, sur l’avis d’impôt qui sera par la suite édité, une ligne créditrice compensera le solde dû, libellée « Crédit d’Impôt de Modernisation du Recouvrement ».
Problème ; comment définir ce qu’est un revenu exceptionnel, lorsque vous jouissez d’une certaine latitude dans la fixation de votre rémunération ?
Il était donc impérieux pour Bercy de développer une équation anti-abus.
Le caractère exceptionnel sera apprécié sur la base des revenus déclarés les trois années précédentes (2015,2016 et 2017).
Si la déclaration déposée en 2018 fait apparaitre un revenu supérieur au plus haut revenu déclaré au cours de la période triennale précédente, alors le surplus sera considéré comme un bénéfice exceptionnel, et sera taxé.
Seul avantage, l’imposition de ces revenus sera plus modérée qu’actuellement (17,5% contre 30% en moyenne).
Le but affiché est clair ;
Eviter à tout prix que les revenus 2018 soit artificiellement majorés par ceux qui peuvent le faire.
A cet effet, sont concernés de manière générale tous les dirigeants d’entreprises, mais aussi ceux qui déclarent des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux, ainsi que des bénéfices agricoles.
Seule exception concédée, ceux qui déclareront en 2018 leur premier revenu catégoriel. Pour eux, il est prévu ad-hoc une exemption totale.
Attention néanmoins, si les revenus 2019 qui seront par la suite déclarés s’avèrent plus faibles que ceux de 2018, alors l’exemption ne produira plus ses effets, l’administration considérant dès lors qu’il y avait lieu à retenir des revenus exceptionnels, qui seront de fait taxés rétroactivement en 2020.
Mais l’imposition née de la variation de revenus n’est pas irréversible.
En cela, si le bénéfice continue d’augmenter en 2019, le Trésor Public considérera la perception des revenus issus de l’activité de 2018 comme régulière et non exceptionnelle.
Dans ce cas précis, le surplus payé en 2018 donnera lieu à une répétition de l’indu et sera assimilé à une avance sur la redevance fiscale due au titre de l’année 2019.
Il sera alors accordé un dégrèvement à hauteur de ce montant, qui viendra en déduction de l’impôt devant être versé en 2020.
De même, si le revenu baisse en 2019, mais reste néanmoins plus élevé que ceux de la période 2015-2017, alors le revenu imposable déclaré en 2018 deviendra le nouveau référent.
A cet effet, un correctif rétroactif sera opéré sur la taxation 2018, et un CIMR sera adjoint au contribuable, venant se retrancher à sa redevance fiscale de 2019.
Le troisième cas particulier résulte de la baisse du bénéfice perçu en 2019, qui est à la fois inférieur à celui déclaré en 2018, mais aussi au plus haut revenu de la période triennale précédente.
En ce cas, l’impôt payé au titre du surplus de ses revenus de 2018 pourra être rétrocédé à l’entrepreneur sous la forme d’un Crédit d’Impôt de Modernisation du Recouvrement, à la condition sine qua non qu’il démontre exhaustivement que les revenus taxés provenaient, sic, « d’un surcroît d’activité régulière ».
A l‘instar de cette disposition, le dirigeant d’une PME devra apporter la preuve que la hausse de sa rémunération était strictement symétrique à celle de ses responsabilités.
En somme rien n’est figé, mais si la taxation s’opérera d’office en fonction de l’effet mécanique de seuil, le reversement lui, s’effectuera au cas par cas, après demande initiale de remboursement.
Et il y a fort à parier que les délais et le nombre de pièces à fournir seront susceptibles d’en décourager plus d’un.
Romain Gérardin-Fresse est expert juridique et fondateur du Cabinet GFK CONSEILS-JURIDIS, affilié à la Fédération Nationale des Chambres Professionnelles du Conseil. Spécialiste des stratégies d’entreprise et conseiller renommé de nombre de dirigeants et de personnalités publiques, il signe chaque mois une tribune autour d’un sujet d’actualité.