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Pourquoi nos entreprises ne veulent-elles plus employer de seniors ? 

Dominique Podesta

« Ils tombent malades, ils sont trop chers, ils s’absentent tout le temps, ils vont moins vite… » Les clichés sur les seniors au travail ne manquent pas. Or, pour Dominique Podesta (cabinet de management de transition Louis Dupont), les entreprises ont tort de ne pas s’intéresser suffisamment aux profils seniors. Explications.

Pourquoi les entreprises doivent-elles faire appel à davantage de seniors ?

Dominique Podesta : Parce que c’est urgent. Le rapport de février 2023 du Haut-Commissariat au Plan met en exergue les arguments rationnels à la faveur des profils seniors : en 50 ans, l’être humain a gagné 10 ans d’espérance de vie. A l’heure de l’accélération des transformations et de la création de nouveaux emplois dans le numérique et dans la « silver » économie, il serait dommage de se priver de ces compétences. Les projets des entreprises se gèrent dans l’impatience et les émotions envahissent les relations au travail : il est donc vital de préserver un équilibre des âges et des compétences ; les seniors permettent de garder la tête froide. 

Le monde VUCA, fait de vulnérabilité, d’incertitude, de complexité et d’ambiguïté exige du sang-froid, de l’expérience : les dirigeants le savent. Ils ont plus de 50 ans en majorité et s’entourent des meilleures équipes. Les jeunes à fort potentiel accélèrent les transformations numériques, associés à des seniors, qui apportent tout leur savoir-faire.

Les entreprises sont-elles réticentes à employer des seniors ? 

D.P. Sur cette question, il est nécessaire de segmenter les typologies de besoins de recrutement. Les emplois dans le secteur du numérique sont plus facilement assurés par la génération Z qui baigne dans cet univers et qui a suivi des cursus de formation qui n’existaient pas il y a 15 ans. Dans les emplois du social, dans la Silver économie, l’industrie, l’immobilier ou encore dans l’aéronautique, l’expertise est requise. Les directeurs des opérations et industriels sont à la recherche de savoir-faire et sont prêts à les payer à leur juste valeur.

Il faut aussi segmenter par catégorie professionnelle : dans le cas des métiers pénibles physiquement, l’entreprise craindra les arrêts maladie des plus anciens. À l’inverse, sur une ligne de production ou en logistique, la disponibilité et la souplesse des seniors sera appréciée. Elle permet d’équilibrer les contraintes avec celles des jeunes papas ou mamans où l’aménagement des horaires peut s’avérer nécessaire.  

Selon une récente étude, 1 senior sur 3 se dit victime de discrimination en entreprise : quels sont les principaux obstacles que rencontrent les seniors en entreprise aujourd’hui ?

D.P. : Toutes les études et les rapports s’accordent à évoquer les préjugés : ils tombent malades, ils sont trop chers, ils s’absentent tout le temps, ils vont moins vite. 

A nouveau, il est nécessaire de compartimenter la réponse : sur une population homogène de salariés exerçant des métiers semblables -des consultants, des ouvriers dans l’usine, des techniciens en travaux publics ou en bâtiment- des seniors peuvent coûter très cher. A l’inverse, sur des expertises uniques, rares, spécifiques, aux savoir-faire aiguisés – dans le luxe, dans la verrerie, dans les métiers industriels atypiques, sur des outils de gestion « cœur du réacteur » d’une entreprise, les seniors sont plus rares et pèsent moins lourd. La discrimination se fait sur les compétences et non sur le salaire.

C’est vrai que les investissements dans les programmes de formation onéreux sont réservés au plus jeunes : on parle de Hauts potentiels qui ont entre 25 et 35 ans. En même temps, le déploiement de plateformes de e-learning est une opportunité pour les séniors. Un des obstacles moins cités, ce sont les croyances des seniors eux-mêmes et leur propre rigidité parfois.

Vie d’entreprise : quels sont les avantages de la diversité intergénérationnelle ? 

D.P. : La diversité intergénérationnelle présente de multiples avantages. Elle est une source d’enrichissement collectif grâce à la confrontation des points de vue et des cultures générationnelles différentes. Cette diversité est un terreau fertile pour stimuler l’innovation. Enfin, elle contribue à une meilleure cohésion sociale dans l’entreprise en rapprochant des populations qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble. Elle est également source de créativité et de performance.

Dans les mois voire années à venir, les entreprises doivent se préparer à des transformations, des stratégies de rupture qui exigent de l’audace, de la prise de risque. Elles seront pilotées par des dirigeants seniors du SBF120 et des ETI qui s’entoureront des jeunes hauts potentiels et des seniors experts.

Propos recueillis par Angelina Hubner


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