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Pier Augé : un jeune couple pour se refaire une beauté

Diane de Comte et son compagnon Charles Dupont

La vieille marque cosmétique endormie de Châteauroux ne demandait qu’à revivre. Il a fallu que Diane de Comte, 26 ans, et son compagnon Charles Dupont, 29 ans, ne tombent sur l’annonce du redressement judiciaire de Pier Augé, pour que la marque de soin emblématique créée en 1961 par un pharmacien visionnaire, Pierre-Jules Augé, de l’anti-âge ne revive.

Que faisiez-vous avant de reprendre Pier Augé ?

Charles Dupont : J’ai étudié l’économie en Belgique et en France, j’ai ensuite travaillé pour une banque d’affaires en Suisse, puis chez Rémy Cointreau en tant que responsable de trésorerie à Bruxelles. En parallèle, j’avais créé une activité de location de bâtiments sur des baux long terme où je sous-louais prin-cipalement à des touristes, cela fonc-tionnait bien au point de quitter mon emploi, puis la pandémie et arrivée.

Diane de Comte : Quant à moi, j’ai suivi une école de commerce, pendant mes études j’ai cofondé une marque de shampoings biologiques et personnalisables. L’activité s’est arrêtée après trois ans, car notre business model n’était pas adapté, la production était sous-traitée, les marges trop faibles, une erreur de débutant. Suite à cette expérience, je me suis mise à la recherche d’un laboratoire où je maitriserai la chaine de production de A à Z. Je lisais les annonces légales, et mes parents sont tombés sur la marque Pier Augé que ma mère connaissait très bien. Finalement, nous avons repris les actifs de la société, sans aucun passif.

Comment se sont passés les débuts ?

C.D. : La première année, notre objectif était de remettre l’entreprise à flot de manière opérationnelle, il a fallu refaire des stocks ce qui est très onéreux, moderniser l’outil de production, et surtout nous appuyer sur les salariés. En parallèle, il y a aussi eu une part de chance. Des contrats sont presque tombés du ciel alors que nous traversions des moments difficiles au niveau trésorerie. Nous avons pu continuer à investir avec le soutien des banques, de l’État, du département et de la région. L’emprunt bancaire a servi à l’acquisition des actifs et au besoin au fonds de roulement, mais il y a eu besoin de bien plus, par exemple pour créer notre salle blanche.

D.C. : Nous avons effectué un grand nettoyage pour restructurer la société, mais les confinements dans le monde n’ayant pas lieu au même moment, nous avons eu de grosses commandes de Corée, puis en France, des vases communicants bienvenus entre l’export et la France.

L’entreprise ne réalisait plus qu’1,3 million d’euros avec 13 personnes lors de la reprise le 23 juillet 2020 ?

D. C. : Cette équipe de 13 personnes avait vécu des changements de propriétaires depuis une dizaine d’années, avec beaucoup d’incertitudes, il fallait donc redonner confiance, et l’envie de travailler pour le futur de la marque. Personne ne nous connaissait. Depuis, ils nous suivent dans nos projets parfois un peu fous. Nous sommes 40 personnes aujourd’hui.

C.D. : Il y a eu un manque d’investisse-ment pendant 15 ou 20 ans, il fallait agir sur tous les fronts, y compris la commu-nication, internet, sur l’image pour la-quelle nous avons pris une agence conseil sur le Pier Augé de demain. Nous avons pour le moment des bureaux au siège à Châteauroux, à Amsterdam, Bruxelles et un bureau administratif à Paris.

Comment avez-vous pu redonner confiance ?

D.C. : Ce fut un gros travail de notre part et pour les équipes commerciales. Nous sa-vons à présent qu’il y a une place à prendre. Il ne faut pas oublier que Pier Augé était le leader de l’institut de beauté dans les an-nées 80/90. Autre élément, nous avons ef-fectué un gros tri dans la gamme, car nous devions concentrer nos ressources sur les produits les plus prometteurs. Nous avons aujourd’hui 105 références grand public, hors les produits professionnels pour instituts.

C.D. : Un de nos plus gros clients au moment du confinement était Royal Air Maroc, et l’espace aérien a fermé. Pourtant, nous avons réussi à réaliser 50% de progression la première année, et nous sommes cette année sur une projec-tion de 3,5 millions. La conjoncture est positive pour la cosmétique, car même si cela est contre-intuitif, les clients continuent à dépenser en temps de crise.

Quels sont les atouts de la marque ?

D.C. : Notre force est la maitrise totale de la chaine de valeur et de production de A à Z, du développement jusqu’à la vente. Cela nous permet de maitriser les coûts. L’autre point est la fidélité client qui bat des records, nous avons un taux de rétention de clientèle de 98%. Le gros travail consiste aujourd’hui à recruter de nou-veaux clients, nous ne nous inquiétons pas sur notre capacité à les garder. Enfin, nous sommes sur une niche et n’avons pas pour ambition de suivre toutes les tendances du moment. Nous restons fidèles à la vision du créateur, l’efficacité avant tout. Pier Augé est une marque de référence disposant d’une base de clientèle solide.

Parlez-nous du partenariat stratégique avec S’Young (plateforme de distribution filiale du second groupe de cosmétique chinois) ?

C.D. : Au départ, nous avions le minimum vital pour survivre la première année, mais pour imaginer le Pier Augé de demain, nous avions be-soin de nouveaux fonds. S’Young a distribué Pier Augé en Chine, les ventes étaient très bonnes, ils ont décidé d’investir chez nous, en devenant actionnaires minoritaires avec 32% des parts. Cela nous permet de rester indépendants et d’aller vraiment sur l’international. Pour l’instant, nous réalisons plus de 80% de notre chiffre en Asie, et enregistrons +20% en France. Le grand export va nous permettre de mettre les bouchées doubles sur les marchés fran-çais et européen.

D.C. : S’Young vend sur le marché chinois, Hong-Kong et Macao, et nous, sur le reste du monde. Ce partenariat nous permet aussi de bénéficier de certains services, par exemple la possibilité de faire certains tests produits dans leurs laboratoires, car ils disposent déjà de tous les équipements. Mais le labo R&D reste à Châteauroux.

Quels sont vos projets à moyen terme ?

D.C. : Nous avons déjà sorti trois nouveautés, d’autres sont prévues pour l’année prochaine permettant de mettre en avant des actifs, textures, formules in-novants. Mais notre pro-duit iconique, acheté par 60% de la clientèle reste « Ental Delicate », depuis 38 ans !

C.D. : Les ventes réalisées en Chine vont nous permettre de réinvestir ail-leurs, d’abord en Belgique, dans les pays proches, mais nous souhaitons aussi re-partir en Amérique du Nord. Le Canada et les États-Unis sont des territoires in-contournables pour la cosmétique, une autre Chine pour nous.


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