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Navya, futur leader mondial de la voiture autonome ?

Plébiscitée au niveau mondial, la PME française Navya - 10 M€ de CA, 280 salariés - fait la course en tête sur le marché des véhicules autonomes.

Entreprendre - Navya, futur leader mondial de la voiture autonome ?

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Plébiscitée au niveau mondial, la PME française Navya – 10 M€ de CA, 280 salariés – fait la course en tête sur le marché des véhicules autonomes.

Introduite en Bourse en 2018 et valorisée près de 200 M€, l’entreprise fondée par Christophe Sapet, ancien créateur d’Infogrames, est l’une des potentielles futures licornes françaises. Le véhicule autonome, Christophe Sapet est tombé dedans par hasard. « J’ai été convaincu par l’instance de Bruno Bonnell », précise-t-il. Il y a quelques années, les deux amis d’enfance rencontrent les dirigeants d’Induct, première société à avoir fabriqué un minibus autonome, le Navia. Saluée par la presse internationale, cette invention fut même primée lors du CES de Las Vegas 2014. « Mais le temps qu’on regarde le dossier, la société a dû arrêter ses activités. Ils étaient tellement en avance qu’ils sont restés à l’arrière de la vague… Il y avait aussi quelques problèmes de gestion. » Sapet et Bonnell se retrouvent donc avec un « projet intéressant », mais « à l’arrêt ».

A l’époque, Bruno Bonnell venait de fonder Robolution Capital, un fond dédié à la robotique. En s’appuyant sur les ressources de ce fonds, les deux entrepreneurs créent la société Navya et rachètent tous les actifs d’Induct. « Cela nous a permis de bénéficier d’un véhicule existant, même si on l’a abandonné par la suite », souligne Christophe Sapet. Mieux : lorsque Navya engloutit Induct, la nouvelle structure parvient à conserver toute l’équipe de développement. « Cela nous a permis d’aller très vite, confirme le fondateur d’Infogrames. C’est ce qui explique en partie l’avance actuelle de Navya. »

Très rapidement, la PME lyonnaise se lance dans la construction de son premier véhicule : l’Autonom Shuttle. Il aura fallu un an pour faire émerger ce minibus autonome qui peut transporter jusqu’à 15 personnes et rouler à 25 km/h. C’est le vrai début de l’aventure Navya.

Valeo et Keolis au capital

Le potentiel de la start-up ne tarde pas à faire des émules. Si à l’origine, la quasi totalité des moyens financiers furent amenés par Robolution Capital, l’entreprise a par la suite été rejointe par Gravitation (holding d’investissement de Charles Beigbeder, NDLR) et le fonds régional de co-investissement de la région Île-de-France. En 2016, Navya change de dimension en accueillant deux partenaires industriels à son capital : l’équipementier automobile Valeo, et le transporteur Keolis (SNCF).

« Notre développement s’est déroulé un peu à l’image des autres start-up avec l’atout d’être positionné sur un secteur dont tout le monde considère que c’est l’un des plus porteurs au monde », précise Christophe Sapet. Selon certaines estimations, le marché du véhicule autonome pourrait représenter plus de 500 milliards d’euros d’ici 2030. Il bénéficie de la convergence de deux facteurs : l’accroissement de population dans les grands centres urbains, et l’émergence des problématiques liées à la préservation de l’environnement. Les véhicules autonomes sont-ils pour autant la panacée ? « Non, bien sûr, avance le fondateur de Navya. Ce n’est qu’une des solutions pour améliorer les systèmes de mobilité. L’ambition de Navya, c’est de devenir un acteur majeur du premier et du dernier kilomètre. »

Un concurrent français

Pour asseoir son avance, Navya a recruté des spécialistes dans le domaine du logiciel et de l’automobile. « L’une de nos caractéristiques, détaille Christophe Sapet, c’est d’être l’une des deux seules sociétés au monde à intégrer la conception et la réalisation des logiciels du véhicule, mais aussi la fabrication du véhicule en elle-même. » Intégrer toute la chaîne de valeur permettrait à Navya de « réagir très rapidement ». Et par exemple, de produire un second véhicule : l’Autonom Cab qui pourra atteindre les 90 km/h. Ce robot-taxi présenté en novembre 2017 devrait bénéficier de premières expérimentations au tout début de l’année 2019. Avec ses deux véhicules, Navya se positionne sur deux marchés très différents et fait face à des concurrences diverses.

300 000 personnes transportées par Navya

Sur celui des navettes, qui est plus limité en taille et en valeur (3,5 milliards d’euros à horizon 2021), l’entreprise tricolore doit composer avec une autre société française, Easymile (7,3 M€ de CA en 2017, 162 salariés), également fondée en 2014. L’entreprise toulousaine aux 85 véhicules vendus – « une centaine d’ici fin 2018 », nous précise-t-on chez Easymile – est avec Navya la seule au monde en capacité de livrer des véhicules – leurs concurrents américains ou chinois n’ont pas encore atteint ce stade de développement. « On s’attend à un renforcement de la concurrence, indique Christophe Sapet. Ce ne sera pas facile mais Navya a vocation à rester leader. » Selon son président lyonnais, Navya remporterait aujourd’hui « deux appels d’offres sur trois ». L’autre tiers revenant mécaniquement à Easymile – la direction de la communication de l’entreprise a refusé de confirmer cette information.

Avec plus d’une centaine de véhicules vendus à travers une petite vingtaine de pays et près de 300 000 personnes transportées – sur des sites privés (aéroports, campus universitaires, sites industriels…) ou des routes ouvertes (Fribourg, Perth, Las Vegas…) –, la stratégie mondiale de Navya lui permet de faire la course en tête. En France, les engins de Navya ont débuté leur histoire à Lyon, dans le quartier de la Confluence, avec un parcours d’un peu plus d’un kilomètre réalisé à 20 km/h. En 2017, des Autonom Shuttle ont également circulé sur le parvis de La Défense.

Uber, Google et… Navya

Le second marché marché adressé par Navya est celui du robot-taxi. Ici, la start-up française fait face à une concurrence au profil bien différent : il s’agit principalement de géants de la Silicon Valley comme Waymo (filiale de Google), Uber, Lyft ou Cruise Automation (racheté en 2016 par General Motors). On peut également citer l’équipementier américain Delphi qui a fait main basse en 2017 sur la start-up toulousaine Nutonomy, spécialiste du logiciel de conduite autonome.

Cette segmentation beaucoup plus ample complique la tâche du pure player tricolore. « Il y a en effet plus de doutes sur notre capacité à adresser ce marché que sur celui des Shuttle sur lequel on a déjà fait nos preuves, confirme Christophe Sapet. Mais on ne voit pas de raisons nous empêchant de reproduire, au moins en partie, le succès qu’on rencontre sur les shuttle. »

Si l’on s’en tient à la cartographie des véritables expérimentations, qui restent la source première du développement de toutes les entreprises du secteur, Navya talonne Waymo – la filiale de Google s’apprête à ouvrir ses voitures autonomes au grand public dans l’Arizona. Navya, qui assure avoir fait « autant d’expérimentations » que Waymo, mènera, quant à lui, deux tests : l’un à Lyon et l’autre à Perth (Australie). A la différence de Navya, Waymo ne fabrique pas lui-même ses véhicules : il s’agit de monospaces Chrysler équipés dans un second temps de caméras et de capteurs.

En attendant de lancer ses Autonom Cab sur la route, Navya doit démontrer que ce nouveau système de mobilité est en mesure d’apporter un réel service. « Le véhicule autonome est censé fonctionner en flotte. Il faut imaginer le robot-taxi associé à une application de type Uber. Quand vous êtes habitué à utiliser Uber, ce qui est important, c’est le prix, le service, mais surtout la disponibilité dans un laps de temps très court. Si vous n’avez que cinq véhicules à disposition, le temps d’attente sera très long…. »

Quid de la démocratisation de ces nouveaux usages ? « Compte tenu de nos progrès, on vise au moins des opérations réelles à horizon de 2-3 ans. Il y a une accélération du développement de la technologie. A terme, les opérateurs seront peut-être capables de proposer des courses à 4-5 euros contre 6-7 euros aujourd’hui chez Uber. »

Waymo et Uber n’ayant pas indiqué clairement leur volonté de s’implanter en Europe, Navya fait pour l’heure figure de leader incontesté sur le Vieux continent. Face aux intox permanentes dans un secteur où les technologies soi-disants « révolutionnaires » fleurissent à foison, l’entreprise française se positionne en « acteur pragmatique » face à des nouveaux entrants jugés moins solides.

Des véhicules chers mais rentables ?

Si certains opérateurs pourraient voir d’un bon œil le remplacement des chauffeurs de taxi, l’arrivée des navettes autonomes Navya pourrait également intéresser certaines collectivités. « Ils pourraient proposer ces systèmes à leurs habitants dans des conditions économiques plus attractives qu’aujourd’hui. Sans la composante chauffeur, les économies d’échelle sont très importantes. Dans un transport public, 70 % du prix du transport concerne le chauffeur. Notre avantage est donc plus important dans les pays où le coût de la main d’oeuvre est élevé, comme l’Europe, les Etats-Unis, le Japon… A contrario, si la Chine fait rêver la planète, l’avantage concurrentiel dû à l’absence de chauffeur y est beaucoup plus faible. »

Reste l’épineuse question du prix de ces bijoux de technologies sur roues. Commercialisés à 260 000 euros (pour la navette), et 350 000 euros (pour le robot-taxi), les véhicules de Navya sont-ils hors de prix ? « Non », répond Christophe Sapet. Pour le CEO de la PME française, « ces prix très élevés sont compensés par la logique de partage du véhicule ». « Sur 7 ans, poursuit-il, le coût véhicule est tolérable, surtout s’il est est utilisé neuf heures par jour dans une logique d’usage partagé. » Ces prix élevés qui tiennent compte du « coût du véhicule en lui-même et de l’électronique embarqué (capteurs, logiciels…) », devraient perdurer « au moins pendant 4 à 5 ans ».

« 400 M€ d’ici 2021 »

Du côté du financement, Navya a assuré ses arrières. La PME lyonnaise a levé 80 M€ en 2018. Une somme qui se répartie entre le montant levé lors de l’introduction en Bourse en juillet (37,6 M€), le nouvel investissement des actionnaires historiques et les 30 M€ de crédit accordé par la Banque européenne d’investissement (BEI). « En France, quand vous cherchez entre 3 et 5 M€, il n’y aucun problème. La phase suivante, 5-20 M€, c’est plus compliqué. Au-delà, c’est vraiment très compliqué. » Mais cette difficulté ne semble pas effleurer Navya. Si le plan de développement est couvert par les 80 M€ et qu’aucune nouvelle levée de fonds n’est prévue, Christophe Sapet n’exclut d’ailleurs pas de refaire appel aux marchés. « Si on décide de lancer un troisième véhicule ou, par exemple, de racheter un fabricant de bus, on reviendra pour essayer de convaincre les investisseurs… »

Pour son fondateur, l’entrée en Bourse de Navya assure une « indépendance » au constructeur. « On aimerait rester indépendant, développer un leader mondial et faire plusieurs centaines de millions d’euros de chiffre d’affaires dans 3-4 ans. » Lors de son introduction, Navya a annoncé un objectif de chiffre d’affaires potentiel fixé à 400 M€ à horizon 2021 – et vise 30 M€ pour cette année. « On est très ambitieux, mais tellement de choses se passent dans le monde… On est challengés tous les jours. »


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