La société de gestion indépendante Chahine Capital, pionnière de la gestion « Quantitative Momentum » mène en permanence des travaux de recherche qui sont à l’origine de la performance de ses fonds. Entretien avec Michaël Sellam, Président de Chahine Capital.
Chaque société de gestion de fonds possède ses propres caractéristiques. Qu’est-ce qui différencie Chahine Capital de ses concurrents ?
Michaël Sellam : L’ADN de Chahine Capital, c’est la gestion quantitative. Nous sommes le pionnier européen de l’approche « Momentum » appliquée à la gestion actions. Nous nous distinguons par la performance remarquable de notre Sicav à multi compartiments Digital Funds qui depuis plus de 20 ans est régulièrement récompensée par des distinctions très convoitées, telles que les Lipper Awards.
A quel type d’investisseurs vous adressez-vous ?
Notre développement s’est bâti grâce au soutien de grands comptes institutionnels (banques privées, assureurs, fonds de retraites, mutuelles) qui nous sont fidèles depuis de nombreuses années. Récemment, nous avons décidé de mettre également notre offre à la disposition de la clientèle des particuliers. Nos fonds sont désormais accessibles dans les principaux contrats d’assurance-vie.
En quoi consiste votre expertise en gestion quantitative ?
Nous nous consacrons à la sélection de titres qui disposent d’un potentiel d’appréciation exceptionnel en mettant en œuvre une méthode propriétaire dont la philosophie est « Momentum ». En d’autres termes, ce sont les dynamiques que notre modèle prend en compte pour construire nos portefeuilles. Concrètement, au sein d’un univers de plusieurs milliers de valeurs, notre modèle opère une sélection en fonction de deux critères complémentaires.
Le premier, s’intéresse à la dynamique court/moyen terme du cours de bourse (« price momentum »). Il est donc purement comportemental. Le second critère exploite la dynamique de révision par les analystes des perspectives bénéficiaires (« earnings momentum ») de chacune des sociétés qui composent notre univers. Il associe ainsi une dimension plus fondamentale dans la sélection.
« La recherche a toujours été au cœur de notre gestion »
Quel est l’intérêt pour un investisseur d’opter pour ce type de fonds ?
Au-delà de la surperformance régulière que notre modèle permet de générer, notre approche purement scientifique est hautement différenciante. Elle vient compléter idéalement les savoir-faire plus traditionnels, fondamentaux et discrétionnaires qui sont majoritaires chez nos confrères gérants actions. De surcroit, le moteur « Momentum » permet de s’adapter à des régimes de marché qui évoluent, ce qui nous a permis historiquement de bien nous comporter en relatif aux indices, quelle que soit la configuration du marché.
Votre Sicav « Digital Funds », créée en 1998, offre l’une des meilleures performances du secteur depuis plus de 20 ans. Quelle est le secret de cette régularité ?
Il n’y a, au risque de vous décevoir, aucun secret. Pour proposer une bonne gestion quantitative, il faut réunir deux conditions : disposer d’un modèle performant et s’appuyer sur un savoir-faire opérationnel solide. Ce qui fait la différence, c’est notre capacité à analyser rationnellement chaque mois les cas d’investissement de plusieurs milliers de valeurs, couplée à notre discipline dans la mise en œuvre de notre gestion.
Comment a évolué ce fonds ces dernières années ? Le gérez-vous de la même façon qu’il y a 20 ans ?
La recherche a toujours été au cœur de notre gestion. Notre modèle est fréquemment amélioré grâce aux résultats de ces recherches. Nous cherchons en permanence l’évolution, mais jamais la révolution. A titre d’exemple nous avons intégré progressivement des procédures d’exception (« lissage de point d’inflexion ») dans notre modèle. Leur but est de réduire nos paris actifs quand nous considérons que notre approche « Momentum » est conjoncturellement à risque. Nous pouvons également mentionner l’intégration récente d’un nouveau « moteur » optimisé par de l’intelligence artificielle.
Vous avez lancé un nouveau fonds en début d’année. Quelles en sont les caractéristiques ?
Nous avons en effet lancé Digital Market Neutral Europe en janvier. Ce fonds vient compléter notre gamme « 100 % actions » et permet de mettre à disposition des investisseurs notre savoir-faire dans le cadre d’un nouveau profil décoléré. Il apporte une solution pour les allocataires d’actifs qui font face au challenge inédit et probablement durable de la faiblesse des taux d’intérêt.
Le fonds exploite deux moteurs de performance complémentaires. Le moteur « Top-Down » s’appuie sur un modèle d’allocation d’actif prenant en compte la dynamique de croissance économique, les politiques monétaires, les fondamentaux de valorisation et le momentum boursier afin de sélectionner en « long » les meilleurs secteurs et en « short » les secteurs jugés les moins attractifs. L’objectif est ici de dégager une plus-value d’allocation sectorielle. Le second moteur « Bottom-Up » vise quant à lui à générer une plus-value par la sélection « longue » ou « short » des valeurs selon un modèle multi-factoriel.
« faire évoluer notre modèle sans en dénaturer l’ADN »
Vos travaux de recherche reposent sur une équipe d’ingénieurs-mathématiciens experts en bases de données financières. Comment procèdent-ils concrètement pour analyser le comportement des fonds ?
Nous sommes certes une équipe exclusivement composée d’ingénieurs, mais nous accordons une grande importance à la connaissance des mécanismes de marché. C’est notre expérience concrète que nous mettons en équation, et non l’inverse. Comme toute stratégie active, notre modèle peut ponctuellement sous-performer, et notre recherche vise à réduire au maximum la fréquence et l’amplitude des phases moins favorables. Notre connaissance macro-économique et fondamentale est clé dans cette démarche.
Quelle place occupe l’intelligence artificielle dans les technologies développées par Chahine Capital ?
Nous travaillons depuis près de trois ans sur l’intelligence artificielle. Les travaux de recherche menés depuis cette date ont été suffisamment concluants pour que nous l’intégrions progressivement à hauteur de 30 % dans nos fonds. C’est ce que nous avons commencé à implémenter depuis l’automne dernier en utilisant un modèle neuronal. Une nouvelle fois, ce que nous recherchons, c’est faire évoluer notre modèle sans en dénaturer l’ADN. L’intelligence artificielle mise en œuvre avec d’infinies précautions, telles que la maitrise des « inputs » et de la période d’apprentissage, permet d’améliorer sensiblement le profil rendement/risque de nos fonds tout en conservant ce profil « Momentum » qui nous est cher.
La Luxembourg Finance Labelling Agency (LuxFLAG) a accordé le label ESG à vos fonds. Vous avez par ailleurs rejoint le réseau des investisseurs signataires des « Principes Pour L’Investissement Responsables des Nations Unies » (UNPRI). Une finance vertueuse et responsable est-elle réellement possible ?
Pourquoi la finance devrait-elle échapper à toute vertu ? La finance ne peut être utile à la société qu’en respectant un certain nombre de règles élémentaires de diligence. La réglementation rentre dans ce cadre et chacun est d’accord pour juger qu’elle est nécessaire. La prise en compte de considérations environnementales, sociales et de gouvernance dans la finance est une évolution logique et saine qui fait notamment écho à la brutale prise de conscience par les populations des problèmes environnementaux. Il était normal que nous prenions en considération ces sujets dans notre gestion.
Qu’est-ce que le label ESG changera à la composition de vos fonds ?
Un process dédié à l’ESG a été introduit en 2019. C’est avant tout une démarche de contrôle de risque. Ne pas être irréprochable en termes de politique sociale, environnementale et de gouvernance engendre des risques pour l’investisseur, que notre processus vise à réduire. Notre approche est d’exclure les sociétés qui enfreignent l’un des dix principes du Pacte Mondial des Nations Unies (UNGC), celles qui sont impliquées dans le tabac, le charbon, l’armement non-conventionnel et nucléaire, en ligne avec la liste d’exclusion de la Norges Bank, et enfin celles qui sont les plus « controversées » avec l’aide de l’outil RepRisk.
« Ne pas être irréprochable en termes de politique sociale, environnementale et de gouvernance engendre des risques pour l’investisseur »
Historiquement, Chahine Capital était positionné sur la clientèle des investisseurs institutionnels et des banques privées. Pourquoi avez-vous décidé de vous adresser également au marché des conseils en gestion de patrimoine ?
Parce que nous sommes convaincus que la clientèle « retail » et les conseillers en gestion de patrimoine qui l’accompagne sont désormais prêts à s’intéresser à un savoir-faire moderne, transparent, différenciant et performant tel que le nôtre.
Comment la crise liée à l’épidémie du coronavirus va-t-elle impacter l’économie mondiale ?
Ce qui est désormais certain, c’est que cette crise sanitaire va affecter les échanges mondiaux à court terme. Néanmoins, les leçons du passé nous enseignent que ce type de crise provoque souvent des craintes exagérées. Nous pensons que l’économie mondiale retrouvera la trajectoire favorable dans laquelle elle était engagée depuis l’automne.
La trêve entre la Chine et les États-Unis signifie-t-elle réellement la fin de la guerre commerciale qui inquiète tant les investisseurs ?
L’accord dit de « phase 1 » a mis un terme à la bataille que M. Trump a initié au printemps 2018 avec les autorités chinoises, mais pas à la guerre. Il faut donc s’attendre à de nouveaux épisodes, même si à moins d’un an des élections américaines, et alors que la crise du coronavirus bat son plein, il nous semble peu probable que cela gâche l’année 2020.
Selon vous, comment le Brexit va-t-il impacter les marchés ? Le Royaume-Uni offre-t-il encore des opportunités intéressantes pour les investisseurs français ?
Comme il fallait s’y attendre en cas de Brexit négocié, les impacts sur les marchés ont été globalement marginaux. Il faut dire que l’intégration du Royaume-Uni à l’Europe n’aura jamais été totale, ce qui limite la portée du divorce. Il s’agit toutefois d’un changement structurel et cela est toujours une source d’opportunités pour les gérants que nous sommes, aussi bien au Royaume-Uni que dans l’Europe continentale.
Propos recueillis par David Attali