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Maitriser l’art oratoire en entreprise

Marie-Sophie Ahmadi

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Un tiers des réunions serait inutile et ferait perdre des millions d’euros aux entreprises. Telles sont les conclusions du docteur Steven Rogelberg, professeur de l’Université de Caroline du Nord et ayant travaillé pour des compagnies comme Google, Facebook, Cisco ou encore pour les Nations Unies.

A croire que parler, écouter, co-construire avec ses collègues deviendrait la chronique d’un échec annoncé. Nous demandons pourtant tous à y croire. C’est pourquoi des réunions, des présentations, des face-face remplissent encore nos agendas. Nous nous y rendons avec l’espoir d’un regain de motivation, d’une avancée pour enfin dénouer une crise, et puis…Trop souvent l’échange se termine avec le sentiment, au mieux, d’une routine, au pire, de découragement et de frustration.

Quelques personnes lassées de la parole en entreprise, se sont réjouies de l’explosion du télétravail. Au moins, pendant les réunions en visio, « on peut couper les caméras et faire son vrai travail ».

D’autres valeureux ont essayé de trouver des trucs et astuces pour tout de même laisser une chance à la communication orale. Jeff Bezos, fondateur d’Amazon avait instauré la « two Pizzas rule » : il ne devrait pas y avoir plus de 7 ou 8 personnes à une réunion, en dehors de quoi il n’y aurait pas suffisamment de parts pour tous. A aussi fleuri, dans des entreprises telles que Facebook ou LinkedIn, le « co-walking » : les échanges se font en déambulant dans l’entreprise. En France, sont apparus, les standing meetings où les réunions se déroulent debout car, pense-t-on, les corps se fatiguent et les participants sont forcés d’aller droit au but.

L’engagement du corps

Cette contrainte des corps a également été joliment filmée par Bruno Podalydès dans le film « Les deux Albert ». Le personnage principal, quinquagénaire un peu dépassé par « les nouvelles pratiques managériales » se voit contraint de passer un entretien d’embauche dans une start-up en jouant au ping-pong avec le recruteur.

Aussi farfelues que ce soient ces méthodes, il y a pourtant chez certaines d’entre elles, un dénominateur commun : l’engagement du corps. Mais il n’est pas besoin d’aller jusqu’à contraindre ses collaborateurs à marcher ou faire du ping-pong pour que le corps puisse être engagé. Si la contrainte est trop forte, le style et le tempérament des collaborateurs ne sont plus respectés. La parole devient caricaturale.

Quels sont donc les leviers disponibles chez l’orateur, lui permettant de s’engager physiquement tout en respectant sa nature ?

Il y a d’abord son regard. Grâce à lui, l’orateur s’assure d’être toujours en lien avec son auditoire. L’œil écoute, il permet l’adaptation au public. Puis, avec sa verticalité, l’orateur se mobilise physiquement pour mieux se mobiliser intellectuellement, il est pleinement dans son corps et respire sa fonction. Et pour rappel, la verticalité du corps se tient aussi bien en position assise que debout ! Oui, les sitting- meetings efficaces sont possibles… Enfin grâce à sa voix placée, l’orateur se donne à vivre, ainsi qu’à son public, l’émotion et les intentions de son sujet. Surgit alors une parole juste, servant tout autant son auteur que le public.

La contrainte physique est ici minime : un regard, un dos mobilisé et une voix. Et autour de ces appuis physiques peuvent alors se libérer les mouvements de l’orateur qui lui sont propres ; une façon unique de construire ses phrases, longues ou courtes, une singularité dans ses intonations, ses gestes, sa façon de bouger.

A l’écrit, la nécessité de structurer n’a jamais posé problème. Dès l’école élémentaire, il est demandé de produire des rédactions avec début, milieu, fin, plus tard, des dissertations avec problématique et démonstration. Les textes sont affinés à coups de « couper, copier, coller ». Bref, les écrits sont structurés.

La parole également, si elle veut être professionnelle, doit être structurée mais cette fois physiquement pendant l’action de parler. Se produirait alors le miracle d’une pensée intelligible pour l’auditoire, dans le respect du style de l’orateur.

Chaque collaborateur en entreprise devrait être formé à l’apprentissage physique d’une parole professionnelle. Alors toutes les idées seraient énoncées, pertinentes, sans conflit, impactantes. L’entreprise pourrait concrétiser le rêve d’une réunion somme de l’expression de tous les savoirs. La parole permettrait enfin de créer l’histoire de l’entreprise !

Marie-Sophie Ahmadi
Diplômée de l’ESSEC, des Langues’O en langue et civilisation persanes, titulaire d’une maitrise d’histoire américaine, Marie-Sophie Ahmadi a été comédienne pendant 10 ans.
Aujourd’hui, après un passage par la FEMIS, elle est devenue scénariste et écrit pour le cinéma et la télévision. Elle s’est vue remettre diverses récompenses dans ce domaine.
Elle est professeur d’Art oratoire depuis 2006, en français et en anglais, à l’Ecole de l’Art Oratoire.


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