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L’immobilier, la fiscalité et la crise sanitaire

Entreprendre - L’immobilier, la fiscalité et la crise sanitaire

Par Jean-Claude Drie, avocat associé au barreau de Paris, spécialisé en droit fiscal (École nationale des impôts/Docteur en droit) et avocat fiscaliste de la FNAIM du Grand Paris

Tribune. L’immobilier a toujours été prisé par l’impôt ! La pierre est là, on peut la voir, on peut la toucher, on peut la mesurer, on peut l’évaluer assez facilement et surtout elle ne peut pas partir rapidement. Ce n’est pas elle qui va se délocaliser ! La pierre est stable dans le temps. Elle a quelque chose de rassurant pour l’Etat mais aussi pour les français. Dans cette période de crise épidémique, l’immobilier devient par ci par là, la cible privilégiée de ceux qui cherchent par tous moyens à renflouer les caisses de l’Etat. C’est tellement simple. Heureusement, la FNAIM du Grand Paris milite encore et toujours pour défendre la pierre envers et contre tous. Défendre la pierre c’est tout simplement défendre le droit de tous à se loger dans un premier temps mais aussi à loger les autres dans un deuxième temps. Surtaxer la pierre, comme c’est le réflexe de certains, conduirait inévitablement à un appauvrissement général de tous les citoyens.

Rappelons-nous très simplement ce qui arrive à un français moyen qui épargne pour acheter son bien immeuble : son salaire est soumis à l’impôt sur le revenu et aux charges sociales. Avec ce qu’il réussit à épargner et parce qu’il s’endette, il achète son appartement qui va être soumis aux droits d’enregistrement quand il s’agit de l’ancien et à la TVA quand il s’agit du neuf. Et quand il acquiert enfin son bien, il paiera chaque année son impôt local qui n’est autre qu’un impôt sur le patrimoine. Et s’il habite Paris, dont le prix au mètre carré s’est envolé, il a de grandes chances de payer l’IFI qui taxe les patrimoines immobiliers à partir de 1 300 000 € nets.

Vouloir concentrer encore plus d’impôt sur la pierre serait une erreur économique certaine comme l’indique la FNAIM du Grand Paris. Le Parlement devrait se concentrer plutôt sur ce qui relance l’immobilier et non sur ce qui le freine. Mais qu’en est-il aujourd’hui en matière fiscale ? Nous pouvons encore faire de bons investissements immobiliers avec l’aide de la fiscalité. Ne parlons pas seulement des produits défiscalisant qu’il convient toujours de bien sélectionner, mais des produits immobiliers classiques. Des économies peuvent être réalisées en travaillant sur la façon de construire son patrimoine, à la manière des gestionnaires de patrimoine.

Prenons quelques exemples lors de l’acquisition d’un bien immeuble :

– Un premier exemple : la location nue est souvent un réflexe de l’investisseur, mais la location en meublé est peut être préférable à la location nue. Dans certaines situations, la location en meublé permet d’effacer totalement l’impôt lié à la location, alors que ce n’est pas le cas de la location nue. Une des grandes différences entre la location nue et la location en meublé réside dans les frais déductibles. Dans un cas ils ne sont déductibles qu’avec parcimonie (revenus fonciers) et dans l’autre cas ils sont totalement déductibles, directement ou indirectement, par la voie de l’amortissement. Le sort du bien acheté est également traité de manière différente. Dans un cas il n’est pas déductible (revenus fonciers) alors que dans l’autre cas il peut être déduit toujours par le biais de l’amortissement. Ainsi, un raisonnement fiscal plus poussé pourrait démontrer que l’on peut payer de l’impôt dans la catégorie des revenus fonciers …sur des revenus qui n’ont pas été perçus ! La location en meublé évite dans certains cas bien des soucis. Certes tous les biens ne peuvent être loués en meublé mais une réflexion peut être menée par l’investisseur pour gérer au mieux ses intérêts fiscaux.

– Un deuxième exemple : il faut se méfier du reflexe du citoyen consistant à acquérir un bien en direct, c’est-à-dire sans le moyen d’une société interposée. C’est parfois une erreur à la fois économique en premier lieu et fiscale en second lieu. Pourquoi ? Parce que la détention par le biais d’une société, bien souvent la SCI qui opte pour l’IS, peut résoudre nombre de problèmes de surtaxation à l’IR. Combien de fois rencontre-t-on des investisseurs qui détiennent en direct un bien loué nu (ou par le biais d’une SCI transparente) et qui sont dans des situations fiscales d’étranglement. Ils sont dans cette situation tout simplement parce que leur choix de la détention en direct les a entrainés à une surtaxation personnelle. Le choix de la détention en direct est souvent motivé par l’exonération fiscale de la plus-value lors de la vente du bien c’est-à-dire au bout de 30 ans…au bout de ce temps l’investisseur a parfois largement payé à l’IR la plus-value dont il voulait s’exonérer. Il a même fait l’avance ! Là encore un arbitrage fiscal et des simulations en amont de l’achat sont parfois utiles.

– Un troisième exemple : en matière d’IFI la détention directe d’un immeuble ne laisse aucune manœuvre pour déclarer. Le bien est à déclarer pour son prix du marché, hormis l’abattement pour résidence principale. En revanche, quand le bien est détenu via une structure, il est à déclarer au regard de sa valeur dans l’actif. Pour les sociétés par exemple soumises à l’IS, il convient de prendre en compte certains particularismes liés au fait que le bien est porté par une structure dite opaque (sans que cela soit péjoratif), c’est à dire une structure non transparente fiscalement. Des abattements peuvent être pratiqués dans certains cas au profit du déclarant, ce qui allège la base imposable à l’IFI et ce d’une manière tout à fait légale.

Ces trois exemples illustrent que le choix de l’organisation patrimoniale des investisseurs peut être utile à la rentabilité de l’opération immobilière. Ce choix se fait dans un premier temps d’un point de vue économique et dans un second temps d’un point de vue fiscal. L’un ne va pas sans l’autre mais ce serait assurément une faute que d’oublier l’impact de la fiscalité dans cette approche.

Pour montrer qu’il existe encore une certaine attractivité fiscale de l’immobilier, notons également la question de l’impôt local dont le premier de tous est l’impôt foncier ; il reste lourd c’est certain. Mais nombre de citoyens contribuables ou de société ignorent les bases sur lesquelles sont calculés ces impôts. Un examen particulier des bases imposables permet assez souvent d’éclaircir certaines zones d’ombre et de permettre certaines économies. Par exemple, les particuliers ont des logements évalués selon une méthode dite VL70. Il y a dans cette méthode complexe et très opaque des zones d’erreur qui se sont parfois logées au détriment du contribuable. Ces erreurs sont reconduites chaque année générant un impôt surévalué. Des économies sont à faire en ce domaine. Et pour les sociétés il en est de même malgré la réforme de 2017 qui prend en compte elle aussi cette VL70 pour la mise en œuvre de la réforme.

Si l’on passe sur la détermination des bases imposables elles-mêmes notons que des exonérations sont liés à certains logements considérés comme économes en énergie. Quels sont les contribuables qui s’en préoccupent ? Et plus dans l’actualité, il convient de surveiller étroitement le calcul des baisses prévues pour tous les acteurs qui on pris de plein fouet le confinement. Par exemple, des exonérations sont à la clé en cas de vacance du local loué pendant trois mois. Le dispositif a été bien sûr soumis à conditions mais il faut le suivre précisément et ne pas passer à côté de certaines aides récentes.

L’immobilier est toujours attractif économiquement. Il ne cessera de l’être à condition de ne pas l’étouffer sous des charges fiscales qui sont déjà suffisamment lourdes aux dires de tous les propriétaires.


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