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Les élus et les professeurs méconnaissent le monde de l’entreprise

Entreprendre - Les élus et les professeurs méconnaissent le monde de l’entreprise

Tribune. La législation française s’amplifie sans cesse notamment dans le domaine économique et social. Cette inflation de lois, décrets, règlements, arrêtés et autres circulaires entrave l’économie. La sénatrice Patricia Delmas observait dans une question ministérielle du 15/09/2022 que la production normative avait encore augmenté de 15 % entre 2017 et 2022. A titre d’exemple, le code du travail qui faisait 818 pages en 1956 en contenait 3 889 en 2022, soit + 375 %. Cette inflation normative pousse à tort et à travers et d’autant plus vite et mal que nombre de professeurs d’économie et d’élus méconnaissent l’entreprise.

Quatre économistes de l’Institut des politiques publiques, rattaché à l’Ecole d’économie de Paris, ont publié le 6 juin 2023 une note pour stigmatiser les riches qui ne paieraient pas suffisamment d’impôts, ce qu’ils n’arrivent à soutenir qu’à partir de calculs abracadabrants réalisés en ajoutant aux revenus des plus riches des revenus fictifs et théoriques. Outre le caractère plus idéologique que scientifique de cette étude, ses auteurs voudraient que les sociétés holdings ne puissent plus bénéficier du régime mère/fille qui permet de réduire à peu de chose l’impôt sur les revenus reçus par une société d’une filiale qui a déjà été imposée et parce qu’elle a déjà été imposée. Ce serait évidemment un handicap considérable pour les groupes d’entreprises qui ne pourraient plus s’organiser de manière neutre fiscalement au travers de filiales diverses et variées selon les activités et les territoires. Mais ces « profs » d’économie n’en ont cure parce qu’ils ignorent le monde de l’entreprise.

Loin des excentricités économiques de la gauche extrême, le député MODEM Jean-Paul Mattei a critiqué vertement et à juste titre cette ignorance universitaire (Les Echos du 12/06/23), mais il n’a pas hésité à proposer à son tour d’augmenter la quote-part de frais et charges imposables au niveau des sociétés mères sur les distributions de dividendes de 5 à 10%, comme si c’était négligeable, alors que ce pourrait être très lourd dans les groupes de sociétés disposant de plusieurs niveaux de filialisation.

Pour sa part, l’IREF dénonce depuis longtemps qu’au lycée, la plupart des manuels d’économie enseignent moins ce qu’est l’entreprise que les défaillances du marché et l’indispensable rôle de l’Etat. La culture économique dominante propage ainsi une vision atrophiée et critiquable de l’entreprise sans présenter sa participation fondamentale à la création de richesse et de valeurs.

Il serait souhaitable que tous les enseignants d’économie puissent, voire doivent, passer, avant d’enseigner, un temps suffisant dans les services de gestion d’une entreprise pour comprendre le rôle, les soucis et les pratiques de l’entrepreneur autant que les exigences de l’entreprise. Ce serait plus difficile que les élus soient astreints à la même exigence, mais ne serait-il pas possible que dans le domaine économique, chaque loi ou décret soit soumis aux observations préalables, pour avis, de représentants du monde de l’entreprise ?

Il serait encore possible que les lois et décrets soient plus simples, plus courts, laissant le cas échéant aux individus le droit de contractualiser à leur manière le détail de leurs relations sous le contrôle des tribunaux.

La Suisse est plus respectueuse de la liberté contractuelle des parties au contrat de travail. Elle n’a pas de code du travail uniforme. Ses textes spécifiques en matière de droit du travail tiennent en quelques dizaines de pages et les droits et obligations des salariés et employeurs font référence pour l’essentiel au Code des obligations, lui-même près de dix fois moins important que le code du travail français.

Les salariés suisses travaillent plus qu’en France, mais ils sont pourtant parmi les mieux payés du monde et la Suisse est le ou l’un des pays les plus riches au monde. Il y a peut-être un certain rapport de cause à effet.

Jean-Philippe Delsol, avocat, président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales, IREF 


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