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Le robot de Bertin Nahum révolutionne le monde de la chirurgie et du traitement des cancers

Entreprendre - Le robot de Bertin Nahum révolutionne le monde de la chirurgie et du traitement des cancers

Élu « 4e entrepreneur high-tech le plus révolutionnaire au monde » derrière Steve Jobs, Zuckerberg, James Cameron par la revue canadienne « Discovery Series », Bertin Nahum continue d’innover.

Dites-nous comment est née la vocation d’un ingénieur pour le domaine de la santé ?
Bertin Nahum :
Effectivement, il est important de préciser que je suis ingénieur en électronique robotique (INSA Lyon), donc a priori je n’étais pas destiné à travailler dans le secteur de la santé. Le hasard a fait que j’ai participé à un projet de fin d’études en collaboration avec l’hôpital de Lyon, il s’agissait de travailler sur un logiciel d’IA de diagnostic automatique pour lésions intracrâniennes, ce fut ma première immersion dans le secteur médical et une vraie révélation. Jusque-là, mes choix se faisaient par défaut, j’étais plus scientifique que littéraire, je suis devenu ingénieur, mais sans savoir exactement ce que je voulais faire. Dans ma promotion, on allait plutôt vers des groupes tels qu’EDF ou Alstom. Et soudain, je découvrais que la technologie pouvait contribuer à soigner les patients. Une révélation.

Je me suis donc orienté vers la santé. J’ai été salarié dans une société à différents postes, R&D, puis terrain. J’accompagnais les praticiens dans la formation et l’utilisation d’outils en bloc opératoire. Des moments riches d’expérience, j’ai vu l’utilité de notre offre, mais aussi ses limites. Avec le temps, j’ai imaginé autre chose pour répondre aux besoins des praticiens. En 2002, j’ai démissionné pour créer Medtech et développer un robot pour les chirurgies du genou. Cela s’est concrétisé par un robot d’assistance à la chirurgie, puis nous sommes passés à la neurochirurgie avec Rosa Brain et la colonne vertébrale avec Rosa Spine avant la revente au groupe Zimmer Biomet en 2016.

Quantum Surgical a été lancé en 2017 et s’est spécialisée sur le traitement du cancer du foie ? Pourquoi cette spécialité en particulier ?
En réalité, avec Medtech, nous avons eu un parcours assez rare. Les spécialités médicales sont habituellement très cloisonnées. Par exemple, Zimmer Biomet, leader mondial de la chirurgie orthopédique ne fait pas 1 seul dollar de chiffre dans secteur du cancer du foie. La spécificité de mon équipe est que nous basculons d’une spécialité à une autre, ce qui exige de savoir s’adapter et comprendre des mondes différents. Nous sommes ingénieurs, pas médecins, nous n’apportons pas de nouveaux traitements, notre logique est d’observer dans une spécialité un traitement qui a démontré son efficacité, mais qui est très peu appliqué.

Pour quelle raison ?
Généralement parce qu’il requiert une expérience, un savoir-faire qu’un nombre limité de praticiens maitrisent. La technologie entre ici en jeu pour « démocratiser » un traitement grâce à l’assistance robotique, permettant à un plus nombre de praticiens de les mettre en œuvre. Avec mes associés, nous avons passé quasiment un an après la création de Quantum Surgical à faire le tour des spécialités, et nous avons conclu que l’on retrouvait les ingrédients recherchés dans le traitement du cancer du foie et des tissus mous. Aujourd’hui, chez les patients diagnostiqués, on privilégie la chirurgie en coupant la partie du foie où se trouve la tumeur, c’est assez efficace, car le foie se régénère. Le problème est d’abord que c’est une procédure lourde, et surtout que ce n’est pas toujours possible, par exemple en cas de lésions multiples, ou quand la tumeur est près d’une vascularisation.

Une solution très efficace existe, l’ablation percutanée, qui existe depuis une vingtaine d’années. Une aiguille liée à un générateur d’énergie est dirigée dans la lésion et vient brûler la ou les tumeurs. Il arrive même que l’on puisse procéder en ambulatoire. Or, moins de 20% de patients potentiels bénéficient de cette technique, car cibler une lésion de quelques millimètres avec un patient qui respire est extrêmement délicat. Notre robot « Epione » va assister le praticien en guidant sa main pour atteindre à tous les coups la lésion, une solution sécure que nous étudions à présent pour l’utiliser sur d’autres tissus mous, rein, poumon, tissu osseux.

Après Medtech, comment ce sont passées les levées de fonds de Quantum Surgical ?
La situation s’est grandement améliorée depuis une dizaine d’années pour les sociétés innovantes. Aujourd’hui, la notion de startup existe, on sait qu’il s’agit d’un vecteur de création de valeur, un écosystème s’est développé autour de la French Tech, à tel point qu’un bon
projet trouve son financement dans les phases précoces, contrairement à ce que j’ai connu avec Medtech. Le savoir-faire innovant français est reconnu au-delà de nos frontières. Mais il reste des progrès à faire pour accompagner ensuite ces startups et les transformer en leaders mondiaux. Avec l’Europe, on doit faire beaucoup mieux pour que ces sociétés ne soient pas toutes rachetées par des groupes américains, voire chinois, car c’est l’argent des subventions qui disparait.

Votre robot Epione a reçu le Prix Galien aux USA en 2022. On vous prête de grandes ambitions suite à un goût d’inachevé avec Medtech, qu’en est-il ?
Compte tenu de notre expérience, notre ambition est grande. Nous avons atteint une autre échelle qu’avec Medtech, mais nous avons toujours les mêmes difficultés à trouver les financements, en France ou en Europe. Or le statu quo n’est pas une option, il faut avancer. Le robot Epione est 100% français, nous avons une filiale aux États-Unis, mais elle uniquement commerciale, nous participons donc à la balance commerciale française en exportant nos robots. Le marché américain est le premier en termes de taille et de financement.

Pour ces deux raisons, il est très compliqué d’envisager une croissance de la société sans aller chercher les opportunités là où elles se trouvent. J’ai déjà passé deux ans aux États-Unis avec ma famille pour Medtech et lors de la revente, 2/3 du CA se faisait en Amérique du Nord, notre second marché était la Chine, qui s’est fermée depuis. Je repars m’installer à nouveau là-bas, car pour percer sur le marché, il s’agit d’une étape incontournable.

Votre ambition à long terme ?
Notre ambition à moyen long terme est de créer un leader. Notre conviction est que ces technologies d’assistance vont se déployer de manière très significative. Les robots sont déjà très développés sur les tissus durs, comme le crâne ou en orthopédie. Tous les grands du secteur ont un robot dans leur offre. Le secteur des tissus mous est en retard, car le défi technologique est plus complexe. Pour bien comprendre, entre le moment où l’on a fait le scanner ou l’IRM, dans les tissus mous, tout a pu changer, les organes bougent, le patient respire, pour le praticien, tout est plus compliqué.

Pour l’instant, peu de sociétés se sont lancées dans ce domaine. Nous avons réussi à répondre au besoin, mais maintenant tout va aller très vite. Dans cette logique, notre ambition est d’être le premier, et de profiter de notre temps d’avance. Nous avons déjà vendu 2 systèmes, à l’Institut Gustave Roussy et au CHU de Lyon. Nous sommes en discussion pour d’autres ventes en France et Europe sans oublier le lancement commercial aux États-Unis. Nous y sommes certifiés depuis an dernier, et espérons très prochainement annoncer les premières ventes de robots.

Quelle est votre soupape en tant que patron de startup ?
J’ai fait de la boxe en compétition et j’aime beaucoup voyager, mais je ne vis pas l’aventure entrepreneuriale comme quelque chose de stressant, c’est une magnifique aventure humaine, la société grandit, nous relevons des défis au quotidien, cela nous nourrit tous collectivement.

Propos recueillis par Anne Florin



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