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Le gouvernement préfère des recettes fiscales plutôt que notre santé

Entreprendre - Le gouvernement préfère des recettes fiscales plutôt que notre santé

Par Jean-Philippe DELSOL, Avocat, Président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales, IREF

Tribune. Le projet de loi de finances de la sécurité sociale pour 2023 contient diverses dispositions pour favoriser la prévention, mais à condition que ça ne nuise pas aux recettes fiscales. Du moins en ce qui concerne la lutte contre le tabagisme. Il y est en effet prévu d’augmenter le prix de la cigarette de 7% et celui du tabac à chauffer de 42 à 140%.

Certes, le tabac est la première cause de décès évitable. Mais le meilleur moyen de réduire l’addiction au tabac et ses méfaits – 73 000 morts en France chaque année – est-il fiscal ? Probablement pas, sinon accessoirement. La fiscalité comportementale est souvent inefficace et n’est généralement qu’un prétexte pour augmenter les ressources de l’Etat :

La Finlande est devenue en cinquante ans un des plus importants consommateurs d’alcool d’Europe alors même que ses taxes sur les bois-sons alcoolisées y sont parmi les plus élevées.

Le Danemark a dû très vite abolir une taxe sur la graisse qu’elle avait instituée en 2011 après avoir constaté qu’elle pesait sur les plus pauvres sans être efficace.

En France, une augmentation en 2013 de 160% des taxes sur la bière n’a porté qu’un coup d’arrêt momentané à la consommation, et la taxe qui frappe les sodas depuis 2012 n’a guère eu d’effets…

• En Europe, la prévalence du tabagisme n’est pas toujours corrélée aux prix des cigarettes. L’Italie, avec un paquet de cigarettes à 5,50 euros a une prévalence quotidienne du tabagisme de 19% alors qu’elle est de 26% en France avec un paquet de cigarette à 10€. (…) Proportionner fiscalité et nocivité : le nocis-core.

S’il leur est offert une alternative moins nocive, les consommateurs quittent plus volontiers le tabac brûlé, dont la nocivité est la plus grande. Mais ils ont besoin de comprendre. A cet effet, il paraît souhaitable de proportionner le niveau de fiscalité comportementale à celui de la nocivité des produits taxés.
Un noci-score permettrait d’y parvenir de manière transparente, à la façon des nutri-scores ou de la classification énergétique des appartements ou des appareils ménagers. Il informerait sur la nocivité des produits, sous le contrôle éventuellement d’un comité scien-tifique indépendant. Et pour autant que le prix des produits serait proportionnel à la nocivité, le message serait aussi clairement dans le prix.
Ce qui permettrait aussi de mieux respecter le principe français d’égalité devant l’impôt qui est aujourd’hui bafoué quand une fiscalité dite comportementale frappe de manière désordonnée les produits dont elle a pour objet de dissuader l’usage.

Ce système plus juste serait sans doute plus efficace. Il devrait également contribuer à réduire l’importance des marchés parallèles et offrirait, notamment aux moins favorisés, des produits de substitution moins onéreux. Pour le moins, la hausse considérable des taxes sur le tabac à chauffer envisagée par la loi de finances apparaît comme une erreur contreproductive.

Jean-Philippe Delsol


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