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La toxicité en entreprise : le défi humain pour l’entreprise de demain

La toxicité mesure la portée d’un élément à être néfaste, pour l’environnement vivant. Elle est principalement associée à la médecine et à la science. Cependant, ces dernières années ont montré que le terme chimique suscite un intérêt particulier, autour de thématiques de la Psychologie, des Ressources Humaines, de Leadership et de Management.

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La toxicité mesure la portée d’un élément à être néfaste, pour l’environnement vivant. Elle est principalement associée à la médecine et à la science. Cependant, ces dernières années ont montré que le terme chimique suscite un intérêt particulier, autour de thématiques de la Psychologie, des Ressources Humaines, de Leadership et de Management.

Vous avez sûrement déjà lu ou entendu sur le phénomène des « personnes toxiques », ces fauteurs de trouble qui nous « pourrissent » la vie, tant dans la sphère professionnelle que privée. Vous pouvez même identifier, rapidement, une « personne toxique », dans votre entourage…

Cependant, vous êtes-vous déjà demandé ce qu’était une « personne toxique » ?

Lors de mon mémoire académique, j’ai cherché à comprendre pourquoi et de quelle manière le « processus de toxicité » s’installait, en entreprise. Existe-t-il des « personnes toxiques » ? Ou est-ce la nature de différents environnements qui devient le facteur de « toxicité », en entreprise ? Cet article vise à faire part de quelques points-clés sur la toxicité en entreprise.

Le Processus de Toxicité

La toxicité est une combinaison d’éléments qui deviendrait toxique selon différents environnements. Cela signifie que toutes les ressources (humaines, matérielles, immatérielles, financières et informationnelles) sont susceptibles d’être « toxiques » et de développer le « processus de toxicité », au sein d’une entreprise. 

Pour mieux le comprendre, prenons l’exemple des rumeurs d’entreprise. Littéralement, « la rumeur » n’a rien de destructeur. Elle est source de mouvement, de rassemblements humains et de communication. Selon le Larousse, la rumeur est « un ensemble confus de bruits, de sons, de voix provenant d’un lieu où de nombreuses personnes sont rassemblées » (2017). Pourtant, la combinaison entre les hommes et le traitement de l’information devient, bien souvent, source de toxicité. 

En 1947, les psychologues Allport et Postman constatent que la caractéristique de la rumeur est sujette à l’interprétation de chaque individu. Leurs recherches démontrent que la rumeur peut être tronquée, par un processus de réduction ou d’accentuation, ou déformée, par un processus d’assimilation selon les croyances propres à chacun. 

La rumeur d’entreprise devient toxique, quand son propos est surinterprété par une multitude d’acteurs. C’est ainsi qu’elle participe à l’engrenage du processus de toxicité : la rumeur suscite diverses émotions qui peuvent, par la suite, entraîner de nouveaux comportements toxiques. 

Quand la Rumeur passe, les ruminants prennent place

La phrase, « Caroline est promue pour le poste de responsable commercial » peut devenir :

®   Le boss a donné le poste à Caroline. (Processus de réduction)

®   Caroline voulait être responsable commercial. (Processus d’accentuation)

®   Je suis sûre que Caroline a tout fait pour être responsable… (Processus d’assimilation)

L’illustration nous montre comment la rumeur peut devenir une arme de pouvoir que chaque personne peut utiliser à sa manière. Comment réagiront les collègues de Caroline à son égard ? Quel comportement Caroline décidera d’adopter face à ces rumeurs ? 

Ainsi, tout individu est susceptible d’être toxique à autrui, selon le contexte vécu. Le processus de toxicité est donc un mécanisme global, composé de deux principales variables : l’environnement et les personnes. La nature cyclique du processus fait que la toxicité est un éternel recommencement. Si elle n’est pas identifiée, son impact continuera de grossir : de plus en plus de personnes seront touchées et les « situations toxiques » se multiplieront jusqu’à l’explosion.

En effet, quand une entreprise a un haut niveau de toxicité, elle fait face à de nombreuses situations « déguisées » et comportements « masqués ». Cela signifie que la performance d’une entreprise est étroitement reliée à sa manière de gérer son processus de toxicité.

Par exemple, un taux d’absentéisme élevé ou même un chiffre d’affaires bas sont des indicateurs qui bien souvent cachent une toxicité non identifiée. La promotion de Caroline peut ne pas avoir été acceptée par ses collègues. Ces derniers, ayant le sentiment de ne pas avoir été entendus, seront démotivés, de plus en plus absents, voire tomberont malade. Les clients moins bien reçus, se plaindront et ne reviendront pas. Il sera alors difficile de se rendre compte que la source de cette nouvelle toxicité était dû à un changement organisationnel, la promotion de Caroline.

Pour atténuer le processus de toxicité en entreprise, il est important de redonner aux individus leurs responsabilités et les libérer de leurs émotions.        

La Place aux Emotions

Mes premières recherches sur la toxicité m’ont permis de mettre en évidence l’utilisation d’un mécanisme de défense toxique par les individus, en réponse à une soumission à leurs environnements. En effet, cette « contamination » perçue par les hommes, incite ces derniers à devenir toxiques, les uns envers les autres, mais aussi, envers eux-mêmes.

Le processus de toxicité se traduit par deux comportements de protection : le refoulement des émotions et le déni des responsabilités.

1. Nier pour ne pas être responsable :

« Ah non, ce n’est pas de ma faute ! Il n’avait qu’à parler au directeur, s’il voulait le poste ! Et puis, c’est le directeur qui a décidé ; moi, je n’avais rien demandé !», dit Caroline… Quand on nie, on s’interdit de comprendre les autres, donc de créer du lien. Si Caroline prenait ses responsabilités, elle admettrait que sa promotion puisse susciter diverses réactions et choisirait d’écouter ses collègues.

En refusant le dialogue, elle cherche à se rendre victime avant que les autres le fassent. Pourtant, nous avons besoin des autres pour vivre ; nous vivons par nos relations sociales.

Quand on nie, on refuse de prendre toute responsabilité de nos actes, dans la relation. Difficile dans ces conditions de croire en tout succès du futur management de Caroline. Cette illustration démontre également que le rôle de la direction ne devrait pas être réduit à la prise de décisions mais au contraire, ouvert à l’accompagnement de ces dernières.

2. Nier pour cacher la vérité aux autres… et à soi-même :

La dénégation est l’art de ne pas voir la réalité en face… Nous ne pouvons pas être responsable car la réalité est « trop dure » à assumer pour l’autre, ainsi que pour nous-même… Nier donne la sensation de mieux contrôler les autres et soi-même. La relation se brise par le jeu de pouvoir et la perte de confiance des individus.

En se disant que « Caroline a tout fait pour avoir le poste », ses collègues rejettent leur responsabilité (« ce n’est pas de ma faute ») et font culpabiliser (« c’est de sa faute ») pour ne pas perdre du pouvoir. Cependant, le déni de leurs besoins les fait se soumettre au processus de toxicité. En admettant qu’ils auraient souhaité cette promotion, ils reconnaîtraient leur besoin (envie de responsabilités) et leur émotion vécue (colère). Avouer ses besoins et ses émotions, c’est souhaiter se faire confiance (responsabilisation individuelle) et renouer avec la relation.

3. Réprimer ses émotions par peur de celles des autres :

Quand Caroline nie, elle s’interdit d’écouter les émotions des autres. Elle fait même porter la faute aux autres… Pourquoi ? Les émotions et les sentiments, suscités par ses collègues, font peur à Caroline. La répression des émotions apporte la sensation de dominer les autres et par ailleurs, de mieux se contrôler. A tort, les émotions ne se taisent pas, ni chez les autres ni chez soi-même. Quand elles ne s’expriment pas, elles s’emmagasinent et refont surface de manière inadaptée.

Quelques semaines après sa promotion, Caroline pourrait faire face à un conflit général avec son équipe ou à un collaborateur diagnostiqué en dépression. Il sera bien tard à présent de faire le lien avec son ascension professionnelle. Pire, ces nouveaux évènements pourraient entraîner Caroline dans une chute libre à la fois professionnelle et personnelle comme physique (perte de poids, maladie) et psychique (perte de confiance). Ces troubles de Caroline impacteront obligatoirement son équipe et l’entreprise globale (baisse de rendement).

En accueillant les émotions de ses collègues, Caroline aurait compris ce qu’il se passait chez eux. Certains pourraient avoir peur du changement, notamment concernant les missions. D’autres pourraient être en colère de ne pas avoir eu la promotion, souhaitant avoir plus de responsabilités. Enfin, les derniers pourraient être triste de voir « partir » leur collègue Caroline et avoir peur de ne plus la retrouver « comme avant »… Caroline aurait eu des pistes essentielles à suivre pour la cohésion de son équipe, en comprenant les besoins individuels. Par exemple, elle aurait pu mettre en place des sessions de communication sur les nouveaux postes de travail afin de rassurer les plus inquiets au changement. Elle aurait pu également déléguer certaines tâches managériales à des personnes motivées. Enfin, ceux qui étaient triste de « perdre » leur collègue, pourraient avoir été rassuré par Caroline qui dîne avec eux tous les mardis soir…   

4. Refouler ses émotions par peur de soi-même :

Il est plus facile de refouler ses émotions que de les affronter. Quand Caroline ne veut pas entendre les plaintes de ses collègues, elle ne veut pas faire face à ce qu’elle ressent. De la peur ? De la colère ? De la tristesse ? Qu’est-ce que cette promotion lui apporte, concrètement ? Fait-elle le bon choix ? Refouler ses émotions, cela consiste à ne pas vouloir agir en pleine conscience de soi et par conséquent, entretenir la toxicité.

Les collègues de Caroline préfèrent également réprimer leurs émotions. Identifier, accepter et comprendre une émotion, c’est entendre nos besoins vitaux. Par exemple, la colère d’un collègue de Caroline lui apprend que ne pas avoir une promotion le frustre, qu’il trouve cela injuste. Il identifie cette injustice à un besoin de reconnaissance : lui qui a travaillé six années dans cette entreprise, il ne comprend pas la logique de la direction. Il se sent « trahi » par sa direction. Il pourrait décider de partir de l’entreprise car les valeurs organisationnelles ne lui correspondent pas. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il aurait souhaité les missions managériales qui vont pourtant avec le poste !

Par contre, la colère d’un autre collègue peut signifier le souhait d’un poste avec plus de responsabilités. Ce besoin d’évolution peut être perçu comme un choc ou une nouvelle difficulté à appréhender, dans une carrière professionnelle.  

Le processus de toxicité est un mécanisme de défense, développé par les individus subissant leurs environnements de vie. Les hommes deviennent toxiques en niant leurs responsabilités et en refoulant leurs émotions. Permettre à chacun d’exprimer ses émotions est une voie essentielle pour réduire la toxicité, en entreprise.

En effet, l’entreprise de demain devra aligner une culture organisationnelle, prônant les valeurs de la Bienveillance et de l’Empathie, sur les activités du quotidien. Associer les émotions aux projets d’entreprise permettrait d’optimiser une collaboration saine et durable.

« Laissez de la place à votre cœur ; il s’exprime par vos cris, vos rires et vos pleurs

Laissez de la place à votre cœur ; il guide votre raison vers le meilleur. »

 

Sources de cet article :

Allport, G. W., & Postman, L. (1947). The psychology of rumor.          

Le Larousse. (2017). Définition rumeur. Récupéré sur Le Larousse.fr: http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/rumeur/70249

 


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