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JO 2024 : le coup de maître du Coq Sportif

Tony Estanguet

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Né en 1882, c’est un passionné qui décida de créer des maillots pour ses amis sportifs. Émile camuset, propriétaire du bar Romillon, à Romilly-sur-Seine, ne savait pas qu’il serait à l’origine d’une entreprise devenue emblématique du pavillon national. Choisi comme équipementier des équipes de France, l’industriel de l’Aube accélère sa relocalisation et cherche à investir 30 millions d’euros pour pouvoir tenir les délais.

Être une entreprise textile nécessite un esprit résistant à toute épreuve, sportive ou pas. Le secteur a connu des heures de gloire et des époques noires, mais certaines marques ont réussi à survivre, adaptant leur stratégie en fonction de leur environnement, favorable ou hostile.

L’ÉQUIPEMENTIER FAVORI DES CHAMPIONS FRANÇAIS

Le Coq Sportif a équipé sans discontinuer de 1912 à 1972 des champions français aux différents Jeux Olympiques qui se sont succédés sur cette période. Il est revenu au premier plan en mars 2020 avec l’annonce concernant les JO 2024 : la marque redevenait le partenaire premium de l’équipe de France Olympique et Paralympique ainsi que partenaire de Paris 2024. Remarquable, d’autant que l’histoire de la marque se poursuit encore aujourd’hui dans le berceau initial, dans l’Aube à Romilly-sur-Seine. La raison en est que cette région, près de Troyes, était connue à l’époque pour son savoir-faire en matière de bonneterie. De là, à la fabrication de tenues de sport, il n’y avait qu’un pas, allégrement franchi.

UNE HISTOIRE RICHE ET INTERNATIONALE

Les premiers maillots jersey à sortir de l’usine en 1882 étaient destinés aux joueurs de l’équipe de football de l’AS Romilly. La marque a ensuite connu une renommée internationale, habillant les plus grands sportifs de l’époque. Au fil des décennies, elle a su rester un symbole du sport français et de la qualité, tout en élargissant sa portée à l’échelle mondiale.

LA RÉSURRECTION DE LA MARQUE

Le Coq Sportif a connu des moments difficiles dans les années 2000, mais il a réussi à se redresser en misant sur son héritage historique et en renforçant son positionnement sur le marché de la mode sportive. Aujourd’hui, la marque est à nouveau prisée pour son style rétro et sa qualité, tout en continuant à soutenir le sport français et international.

L’IMPORTANCE DE L’ADAPTATION

L’histoire du Coq Sportif est un exemple de la façon dont une entreprise textile peut survivre et prospérer en s’adaptant aux évolutions du marché. En restant fidèle à ses racines tout en étant ouverte aux opportunités internationales, la marque a su traverser les époques et rester pertinente pour les consommateurs.

Il est essentiel pour les entreprises textiles de rester flexibles et de réagir aux tendances changeantes de l’industrie de la mode pour maintenir leur succès à long terme.

L’atelier textile créé par Émile Camuset à Romilly-sur-Seine était destiné à des cyclistes. Quelques années plus tard, le premier jogging de l’histoire est créé par la marque. Ce survêtement, comme on disait à l’époque, en 1939, est considéré comme la tenue décontractée du dimanche. Une innovation devenue aujourd’hui un must contemporain, récupéré et réinventé par toutes les marques. Le Coq Sportif est devenu l’équipementier des grands sportifs et des équipes de France de football, de rugby, du Tour de France, de Yannick Noah lors de sa victoire à Roland Garros, de la boxe avec Tony Yoka, d’Alpine, pour évoquer quelques exemples français, mais elle habillera aussi des équipes en Angleterre, en Italie, au Sénégal ou au Cameroun.

RÉINDUSTRIALISATION ET RELOCALISATION, RIEN D’IMPOSSIBLE POUR LE COQ

Depuis 2005, bien avant la période COVID, l’entreprise a lancé une opération de relocalisation dans sa région. Tous les tricots et les teintures sont donc effectués en France, même si la confection en tant que telle s’effectuait alors également au Portugal et au Maroc. Aujourd’hui, c’est l’usine marocaine proche de Marrakech qui réalise la majorité de la confection, pour des raisons de coût et de maintien des prix par rapport à la concurrence. Ses 2500 salariés travaillent pour le Coq Sportif en complet partenariat depuis des années. Pour les chaussures de sport que la marque commercialise depuis les années 80, la situation est évidemment plus compliquée, le savoir-faire étant aujourd’hui transféré dans des zones hors Europe.

Le mouvement est cependant lancé par la direction qui persévère en ce sens en dépit des difficultés. Cette volonté a permis la création de quelques 150 emplois depuis 2010, grâce notamment au référencement de nouveaux fournisseurs locaux pour tendre vers du 100% made in France. Ce mouvement s’accompagne par la proposition de tissus spécifiques plus respectueux de l’environnement, via le retrait entre autres de certains produits chimiques. De là tout l’intérêt d’avoir signé le contrat de partenariat avec les JO 2024, sous-tendu par de nouveaux projets de relocalisation et un projet d’extension d’usine enfin concrétisé !

La surface de production va doubler, un nouveau bâtiment va voir le jour et 60 nouveaux emplois sont prévus cette année. Les activités de prototypage, de production, l’administratif, le centre de formation sont aujourd’hui regroupés. Une première étape d’un plan global qui a duré dix ans. Il n’y a plus qu’à, il faut qu’on… effectivement il va falloir mettre les bouchées doubles pour produire les 150 000 pièces devant habiller non seulement les sportifs, mais aussi leurs accompagnateurs ainsi que les salariés du Comité des Jeux Olympiques. C’est Stéphane Ashpool qui est en charge du travail de création artistique. Ceci signifie des investissements et des besoins de trésorerie conséquents pour le Coq Sportif.

MARC-HENRI BEAUSIRE, ACTEUR D’UNE MÉTAMORPHOSE

Le président du Coq Sportif a racheté l’entreprise en 2009. Elle réalisait 5 millions d’euros de chiffre d’affaires à l’époque. Il en est devenu actionnaire majoritaire via son fonds d’investissement suisse Airesis. Ce professionnel de la finance a démarré au guichet caisse d’une banque avant d’évoluer jusqu’au sommet au Crédit Suisse, et d’être l’un des fondateurs du groupe Hazard. Il dit être devenu entrepreneur, car il s’agissait d’une façon de « se mettre face à soi-même ». Dès son arrivée, il a marqué de son empreinte le projet d’entreprise avec deux choix marquants.

En premier lieu, Marc-Henri Beausire poursuit le travail commencé il y a une quinzaine d’années pour aller vers des produits toujours plus qualitatifs et compétitifs par rapport à l’offre asiatique. Un défi long et complexe, mais qui peut aboutir sur un succès durable, dans les deux sens du terme. La circularité fait effectivement partie intégrante des préoccupations de l’entrepreneur. En second lieu, il prend la décision de cesser de concentrer l’offre sur la chaussure de sport. Pour des raisons historiques de savoir-faire, la marque est une pro du textile, et pour des raisons industrielles, car comment relocaliser une fabrication sur un savoir-faire aujourd’hui largement transféré en Asie.

La chaussure n’est pas abandonnée loin de là (une collaboration a vu le jour avec Chamatex en France), mais l’arène choisie pour mener le combat avec la concurrence reste le textile sportif.

Excellent choix stratégique sans lequel il est probable que la marque n’aurait pu signer le contrat des JO.

UN DÉFI INDUSTRIEL

Lorsque l’on a en face de soi des marques telles que Nike, Adidas et autre Puma, mieux vaut avoir son objectif bien en tête sans se laisser distraire. C’est le cas de Marc-Henri Beausire qui espère que son chiffre d’affaires bondira de l’ordre de 60% à très court terme, cette année et l’année prochaine. Avec 150 millions d’euros de chiffre d’affaires, l’entreprise commence à faire son chemin, même si elle reste un challenger. Autre élément important qui joue en la faveur de la marque, la coupe du monde de rugby pendant laquelle le Coq Sportif équipe la France jusqu’à la fin de l’année prochaine.

Le vrai défi du dirigeant sera 2025 et la vision internationale mise en place à partir des JO 2024. Certains signes sont plus qu’encourageants. Ainsi le Coq Sportif performe par rapport à ses concurrents dans une enseigne comme Intersport, démontrant que l’entreprise française a repris sa place dans le cœur des clients.

Anne Florin


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