Les prix sur Paris continuent de flamber. Au premier trimestre, ils ont grimpé de 6,4 % dans la capitale, contre 3 % en France. Face à cette surchauffe, l’actif président de la FNAIM du Grand Paris Michel Platero nous livre ses solutions. Son groupement représente 1 500 professionnels de l’immobilier.
Paris vient de franchir le cap des 10 000 € de prix moyens, quelle est votre analyse en tant que Président de la FNAIM du Grand Paris ?
Michel Platero : Depuis 40 ans, la politique du logement n’est pas adaptée, pas plus à notre démographie qu’au mouvement d’urbanisation de notre société. Nous sommes de plus en plus nombreux et nous affluons vers les villes. Pour prendre l’exemple du Grand Paris, il est évident que nous ne construisons pas assez à Paris et sur la première ceinture. Et nous ne construisons pas assez haut non plus, la faute aux contraintes administratives. Par incidence logique, les prix du logement ne font qu’augmenter. Si on poursuit ce mouvement, l’Etat ne pourra pas subvenir aux besoins réels en Ile-de-France, et encore moins avec les Jeux Olympiques qui arrivent en 2024.
Le paradoxe, c’est également que les logements sociaux contribuent à faire augmenter les prix…
Oui, c’est exact. S’il est évident qu’il faut construire des logements sociaux et intermédiaires pour accueillir les familles qui ont des difficultés à se loger, les financements de ces logements ne sont pas adaptés et pèsent sur les organismes sociaux, sur les promoteurs privés, et par voie de conséquence sur les propriétaires.
Aujourd’hui, les prix au mètre carré pour un logement social sont souvent divisés par deux par rapport au prix moyen sur Paris, première et deuxième ceinture. Pour simplifier, si un immeuble est construit et que 50% des logements sont destinés à être des logements sociaux, les 50% restants supporteront la différence de prix. Cette politique ne peut plus durer, il faut la réétudier.
Comment ralentir la hausse des prix ?
La FNAIM du Grand Paris, au-delà de ces deux problématiques identifiées, propose un changement de méthode global en Ile -de-France pour enfin stopper la hausse des prix. Nous demandons à ce qu’un « Pacte Qualité/Prix » soit instauré et soutenu par l’Etat. Faut-il revoir la politique de logements sociaux qui coûte cher à la collectivité n’est pas toujours juste et contribue même à la hausse des prix ?
Aujourd’hui, le système fait financer aux acquéreurs d’appartements dits classiques, une partie du financement des logements sociaux (de 25% à 50%) imposée par la mairie. Ce constat est une première explication à la hausse des prix de vente et par incidence à la hausse des loyers. Prenons des chiffres simples pour bien comprendre. Si un constructeur réalise une résidence de 100 appartements identiques qu’il veut vendre à 10 000 €/M2, mais que l’Etat l’oblige à ce que 50 logements sur les 100 soient des logements sociaux ou intermédiaires, comment va-t-il financer son immeuble ? ***
Les 50 logements sociaux seront vendus à 5 000 €/M2 environ au lieu de 10 000 €. Le manque à gagner sera répercuté sur les autres logements vendus à 15 000 €/ M2 pour compenser.
Quelle solution pour éviter cette hausse ?
La solution serait de créer des foncières dirigées par les communes ou les régions pour couvrir le financement des terrains, sur le même principe que ce qui a été fait pour le bail à construction (séparation du terrain et du bâti). Selon les cas, la durée de financement du terrain pourrait aller de 30 à 70 ans. Concernant le bâti, les loyers perçus par les bailleurs sociaux permettraient de le financer. Si cette solution était appliquée, elle aurait un impact direct sur le prix du logement, puisque le prix des constructions sociales ne serait plus supporté par les particuliers. Un logement moins cher revient à dire loyer moins cher.
Vous préconisez donc une réorientation du financement de la construction sociale ?
Absolument, nous voulons revenir sur le mode de financement des logements intermédiaires et sociaux en France qui joue un rôle clé sur la hausse des prix de vente des logements dits classiques et par défaut sur les loyers des bailleurs privés. Pour être bien clair, le nombre de logements sociaux n’est pas en cause, c’est son financement qui pèse aujourd’hui sur les acquéreurs et donc sur les locataires.
Vous nous parliez d’un changement de méthode avec l’instauration d’un « Pacte Qualité/Prix », de quoi s’agit-il ?
Nous voulons mettre fin à la hausse des prix de l’immobilier en Ile-de-France. Beaucoup de gens travaillent dur et ne peuvent plus se loger décemment. La situation est allée trop loin : le prix de l’immobilier sur le Grand Paris a explosé et les propriétaires sont contraints de proposer des loyers élevés. Nous voulons inverser cette tendance et offrir à tous les moyens de se loger. Cela rejoint les propositions que nous avons faites dans le cadre du grand débat national sur l’amélioration de l’accessibilité au logement. Dans ce cadre, nous proposons une meilleure mise en place du permis de louer qui permette à chacun, dès lors qu’il passe par un professionnel, de s’assurer un logement sain, salubre et sécurisé.
Nous demandons une réflexion sur l’extension des garanties de loyer Visale à des publics fragiles souvent oubliés, les retraités et les indépendants. Enfin, nous souhaitons la mise en oeuvre d’une grande campagne de relogement des SDF en Ile- de-France. Aujourd’hui, nous souhaiterions un changement de méthode sur la base d’un « Pacte Qualité/Prix ».
Qu’est-ce que ce pacte ?
La concurrence a toujours été favorable à la baisse des prix. Mais aujourd’hui, elle ne joue pas, car elle est faussée. Depuis dix ans, les propriétaires pensent vendre mieux et les acheteurs acquérir à meilleur prix, en évitant de passer par un professionnel.
Aujourd’hui plus de 30% des transactions se font sans professionnels. Or depuis 10 ans, les prix ne font qu’augmenter. Les problèmes de salubrité et de sécurité se multiplient. Cette solution ne fonctionne pas en l’état. Il faut casser cette mauvaise spirale. Nous, professionnels demandons le soutien des autorités publiques dans la mise en oeuvre d’un « Pacte Qualité/Prix » que nous sommes seuls à pouvoir certifier.
En tant que professionnels agrées, nous assurerons des logements sécurisés, salubres et nous expertiserons les biens pour définir les bons prix. Nous voulons que les gens se logent dans des logements sains et à des prix raisonnables. Notre premier combat est de mettre un terme au système des marchands de sommeil. Ce pacte nous en offre la certitude.
Si certains propriétaires refusent de passer par des professionnels, il est indispensable que le gouvernement les oblige à assurer l’acheteur de la salubrité, de la sécurité du bien et de son bon prix.
Vous militez pour plus de transparence…
Oui, trop souvent les gens ne se rendent pas compte de ce qu’ils achètent, parfois au-delà de la question des prix. Ils se font avoir. Certains propriétaires jouent sur la rareté et l’urgence pour vendre très chers des biens qui ne le valent pas. Salubrité, sécurité, et prix maîtrisés. Voilà ce qu’est le « Pacte Qualité/Prix ». Pendant trois ans, lançons l’expérimentation dans le Grand Paris. Il faut le supprimer l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) que la France est un des derniers pays occidentaux à avoir conservé… Bien sûr, l’idéal pour relancer le marché de l’investissement immobilier et faire baisser les prix aurait été la suppression de l’IFI, au moins pour le parc immobilier mis en location. Et cela aurait pu être fait avec en contrepartie une exigence de mise en sécurité des biens. On y viendra un jour.
(Je rappelle que la part de fiscalité sur le logement est la plus élevée d’Europe, 54 500 € pour un bien de 200 000 € contre 20 400 € en Allemagne (source Build Europe).
Vous avez écrit au président de la République sur le sujet…
Oui, je lui ai fait des propositions. Si nous sommes d’accords pour participer à un effort national, en revanche, nous proposons un nouveau fléchage de l’impôt qui permette de rendre le logement plus accessible aux plus démunis, ou aux familles qui ont un parent atteint d’Alzheimer. A l’image de ce qui fut réalisé pour l’impôt sur la fortune avec les fonds de financement en direction des PME. Nous proposons que soit offerte la possibilité aux personnes soumises à l’IFI d’investir les sommes dédiées à l’impôt dans des fonds d’aide au logement des plus démunis ou des personnes dépendantes.
Le consentement à l’impôt passe par la parfaite connaissance de son utilité. Ces propositions pragmatiques ne peuvent que générer des conséquences positives : création d’emplois, de richesse, hausse des recettes d’IS et des recettes de TVA pour l’Etat, tout en mettant fin à cette hausse des prix infernale.
*** Certains PLU intègrent des emplacements réservés dans lesquels les logements sociaux peuvent atteindre jusqu’à 50 % de la surface développée. Néanmoins, lorsqu’un promoteur est confronté à ces règles qui sont connues d’avance, il en tient compte dans la négociation du prix du terrain.