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Haro sur les riches, le slogan trompeur

Bernard Arnault, président-directeur général de LVMH, 1ère fortune de France (Photo Eliot Blondet/ABACAPRESS.COM)

Par Jean-Philippe Delsol, avocat, président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales, IREF

Une Initiative citoyenne européenne a été enregistrée par la Commission européenne. Elle vise à inviter à instaurer un impôt européen sur les 1% les plus riches pour amplifier et pérenniser les politiques européennes de transition environnementale, sociale et de coopération au développement. Elle souhaite que cet impôt constitue une nouvelle ressource propre de l’Union destinée à la lutte contre le changement climatique et à la lutte contre les inégalités. 

Cette initiative purement idéologique n’aurait jamais dû être reçue par la Commission puisque la Commission ne peut enregistrer, parmi d’autres critères, que les initiatives qui concernent un domaine de compétence de la Commission. Ce que n’est évidemment pas l’institution d’un impôt européen sur la fortune puisque la fiscalité reste un domaine réservé aux Etats. Il y a donc manifestement un abus de pouvoir de la Commission dans la suite de son projet de directive relative à la mise en place d’un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes multinationaux dans l’Union européenne et de son accord de septembre 2022 pour taxer les superprofits des entreprises  qui élargissent les intervention de l’Europe au-delà des traités. Comme le font les emprunts contractés par l’Europe pour créer des fonds de soutien divers qui l’obligeront bientôt à réclamer d’autres ressources fiscales propres pour les rembourser.

Pour que la Commission ait à examiner l’initiative, celle-ci devra avoir reçu un million de signatures (dans au moins sept pays et en un an), ce qui n’est sans doute pas très difficile sur ce thème populiste. Ça n’aboutira pas forcément à une décision européenne en ce sens, mais le débat autour de cette initiative vise à banaliser l’idée qu’il faut taxer les riches pour financer la transition énergétique, celle-ci servant peut-être de prétexte à ceux dont l’objectif est de niveler le monde plutôt que favoriser sa prospérité.  

Mais en taxant la fortune, qui n’est pas toujours très importante, l’Europe frapperait les entreprises. Selon l’Insee, début 2021, les 5% des ménages vivant en France les mieux dotés détenaient 34% du patrimoine, et les 1%, qui ont plus de 2 239 200€ de patrimoine brut, 15%. Cette répartition est stable par rapport à lé précédente étude de 2018. Au sein de ce patrimoine, la composante professionnelle est la plus concentrée : les 5 % les mieux dotés en patrimoine professionnel en possèdent 95 %, et les 1 % les mieux dotés, 66 %. Ce qui démontre que l’essentiel du patrimoine des 1% les plus riches est constitué des actions des entreprises qu’ils animent le plus souvent. Leur faire payer un impôt sur la fortune sur ce patrimoine nuira aux entreprises elles-mêmes incitées à distribuer plus qu’elles ne devraient pour permettre aux actionnaires de s’acquitter de cet impôt. C’est ce qui est arrivé en France avec l’ISF qui frappait les actionnaires non considérés comme professionnels.

Plus généralement, l’impôt sur la fortune est perçu comme une atteinte au droit de propriété et un impôt sur la création de richesse qui profite à tous. Car la création et le développement des entreprises est moteur d’innovation et crée l’emploi tandis que la constitution de patrimoines immobiliers locatifs permet d’offrir logements, usine et bureaux à ceux qui préfèrent les louer.

Certaines fortunes paraissent indécentes. Elles sont pourtant généralement le fruit du travail et des idées de leurs détenteurs, sans lesquels le progrès serait moindre pour tous.  Seules les richesses accumulées par la corruption ou dans l’accaparement de monopoles indus devraient être plus que surtaxées, confisquées. Mais c’est l’Etat insatiable qui le plus souvent favorise ces mauvaises richesses dans un socialisme de connivence consistant à attribuer à quelques-uns, qui peuvent être des copains, les marchés, les études, les fonctions ou les concessions exclusives qui permettent de tromper les consommateurs à l’abri de toute concurrence.

Ne nous trompons pas de combat. L’Union européenne a été établie notamment pour garantir la liberté des échanges des biens, des services et des capitaux, en veillant à la libre concurrence entre tous. Mais elle protège encore de nombreux monopoles d’Etat et elle impose désormais tant de contraintes aux entreprises qu’elle en entrave la création et le développement au profit de celles qui détiennent déjà les marchés. Elle multiplie ainsi les freins à l’entrée et tue la bonne concurrence qui consiste à permettre à tous ceux qui veulent innover et construire des entreprises de le faire facilement pour mordre les mollets des entreprises trustant les marchés et les obliger à évoluer ou à mourir. Alors les richesses tourneraient plus dans l’intérêt commun. Ce serait plus efficace que de nouveaux impôts.    

Jean-Philippe Delsol


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