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Hakim Benotmane : « Monter le premier groupe mondial du Kebab »


Il est sur un nuage le self-made-man tourangeau. Parti de zéro, il est devenu leader européen du kebab, et cela ne fait que commencer...

Entreprendre - Hakim Benotmane : « Monter le premier groupe mondial du Kebab »

Il est sur un nuage le self-made-man tourangeau. Parti de zéro, il est devenu leader européen du kebab, et cela ne fait que commencer…

Comment avez-vous fait pour vous lancer de zéro ?

J’ai ouvert mon premier restaurant 2003 à Tours à l’âge de 19 ans. Ensuite en 2009, j’ai créé un réseau car je voulais tout de suite développer la franchise. Avec Nabab Kebab, on est monté jusqu’à 120-130 restaurants il y a quelques années, avant de freiner le développement. Nous sommes en pleine restructuration jusqu’à fin 2020.

Comment expliquer ce trou d’air ?

J’ai travaillé dans plusieurs domaines – le numérique, la promotion immobilière… – aux Etats-Unis et en Asie. J’ai donc laissé des personnes me remplacer sur le développement du groupe, et cela n’a pas vraiment fonctionné. Après 3 ans passés à l’étranger, je suis revenu en France en 2015. A mon retour, je me suis dit que le moment était venu de créer un groupe de restauration regroupant plusieurs enseignes. Ce qu’on a fait avec des marques comme Takos King, New York Factory…

Nabab Kebab est monté jusqu’à 92 M€ de CA, avant de redescendre à 55 M€ aujourd’hui. Nous avons rencontré des problèmes. Durant mon absence, ce fut délicat, chacun faisait un peu comme il voulait… Je n’ai pas nommé des personnes assez compétentes pour réaliser ce travail. Vous avez ouvert votre premier restaurant avec un investissement initial de 8500 euros…

Nous avons repris un magasin d’une chaîne qui s’appelait Croq’O Pain. J’ai payé le retard de loyer du propriétaire et j’ai laissé le magasin tel quel : c’est pour cette raison que les premiers restaurants Nabab étaient rouge et jaune et que le logo était ovale.. Ça a démarré très fort : on a très vite multiplié par dix le chiffre d’affaires.

Vous avez été vraiment le pionnier ?

J’ai créé la première chaîne de restauration halal en Europe, qui était aussi la première chaîne de kebab au monde.

À l’époque, certains ont cherché à vous mettre des bâtons dans les roues ?

Ça a été très difficile… Le kebab avait une très mauvaise réputation. Les relations avec les mairies, les propriétaires et les banques étaient très compliquées. On a perdu 5-6 ans, soit le temps qu’il aura fallu pour construire une image de marque et rassurer les clients.

Comment analysez-vous ces réticences ?

À l’ époque, personne ne voulait d’ un kebab en bas de chez soi. C’était mal vu, surtout dans des petites villes de province. Le kebab était associé au blanchiment d’argent…

Quel était la physionomie du marché du fastfood il y a 15 ans ?

Il n’y avait rien, à part McDo et les kebabs. Il n’ y avait pas Subway, Starbucks… L’offre était très limitée.

Quel est votre modèle économique ?

75% en franchise, 25% en filiale. Le chiffre d’affaires moyen d’un restaurant est de 900 000 euros, pour une marge moyenne de 70% et un ticket de 11 euros.

Quel est votre objectif en termes de chiffre d’affaires ?

En France, nous visons 300 M€ sous enseigne d’ici 5 ans. On a débauché des personnes de chaînes concurrentes comme McDo. On a tout retravaillé : le concept, la charte graphique, les menus… A partir de 2019, on pourra ouvrir entre 50 et 60 restaurants chaque année.

Comment s’est déroulée la restructuration ? Quelle stratégie avez-vous adoptée pour remettre le groupe sur pied ?

J’étais le plus jeune franchiseur de France. Le marché du kebab est difficile, très fermé, contrairement au marché du sushi, où vous avez des concurrents : Sushi Shop, Planet Sushi…. A part moi, aucune chaîne de kebab n’a réussi à tenir. Our Kebab est en train de fermer ; O’kebab en avait ouvert 4-5 à Metz, ils ferment aussi ; France Kebab a investi 2 M€ au Mans, ils ont déposé le bilan 6 mois après.

De notre côté, on est en train de tout restruc- turer pour repartir sur un développement rapide à partir de 2019. Nous prévoyons encore une vingtaine d’ouvertures d’ici la fin de l’année.

Qu’est-ce qui différencie le kebab des autres concepts qu’on voit fleurir (pâtes, tacos…) ?

Contrairement au kebab, les autres chaînes sont dans la composition. Chez McDo, Subway ou dans votre pizzeria, on compose. Le kebab, c’est de la transformation : je dois d’abord couper la viande pour ensuite la mettre dans le sandwich, je ne la mets pas directement dedans. Ça rajoute de la masse salariale.

Comment votre clientèle a-t-elle évolué ?

À nos débuts, elle était totalement différente : les gens ne cherchaient pas de la nouveauté, il fallait garder certains codes. On ne pouvait pas « McDonaliser » un kebab. Aujourd’hui, on a toujours une belle image. Notre clientèle est fidèle. Elle est très cosmopolite, ce qui surprend les franchisés. Nous servons l’étudiant du coin comme la retraitée de 70 ans. Ils font confiance au produit.

Quelle est votre vision de l’avenir de votre groupe FBH Food ?

Les Français musulmans consomment sept fois plus de viande que le reste de la population. Beaucoup de chaînes de restauration en périphérie, ne sont pas halal. Or, le marché qui est en train de grossir spécifiquement en France, c’est le marché halal. A côté des grands groupes de restauration (Bertrand, Le Duff…), il y a un vrai marché pour un groupe de restauration halal.

Quels objectifs poursuivez-vous ?

Nous avons plusieurs ambitions. Atteindre 300 restaurants et 150 pour Takos. Plus globalement, mon vrai objectif, c’est de créer des restaurants familiaux. Les enfants d’immigrés, qui ont aujourd’hui 35-40 ans, découvrent le concept du restaurant. Il faut donc des restaurants halal en périphérie. On est en train de lancer une chaîne autour du poulet braisé – on est en négociation avec les poulets de Loué – et une autre autour de la viande rouge.

Avez-vous un rêve ?

Monter le premier groupe de restauration au monde autour du halal. A l’image de 3G Capital (Burger King, Heinz…), ou des grands groupes français comme Le Duff, Bertrand… On aimerait avoir 3-4 chaînes de fast food et 2-3 chaînes de restaurants sur le marché de la restauration halal.

En revanche, vous ne croyez pas au tacos ?

Pas à long terme. Mais comme il y a un indéniable effet de mode, autant en profiter. J’ignore si un produit sans origine peut durer dans le temps. Nous avons étudié la question avec des experts en nutrition. La plupart des produit ont une origine bien identifiée : le sandwich froid, c’est français ; burger, c’est américain, un kebab, c’est turc, une pizza c’est italien, un tacos c’est mexicain…

Vous avez tout de même ouvert 50 restaurants Takos King, et votre enseigne se situe tout de même deuxième derrière le leader, O’Tacos…

C’est vrai, on suit la tendance. On est un challenger sur ce secteur. On verra avec le temps…

FBH Food recense une dizaine de marques. Votre vision est-elle d’occuper tout l’espace en termes d’offre ?

Tout à fait. On veut occuper tous les marchés. On ne veut pas forcément être leader à chaque fois. Sur le kebab, on est leader, mais sur d’autres produits on est en position de challenger. Quoi qu’il en soit, on permet à un franchisé d’ouvrir son restaurant avec un budget beaucoup plus faible. Ouvrir un restaurant de burger gourmet, comme Big Fernand, coûte 400 000 euros. Chez nous, l’investissement avoisine les 100 000 euros. C’ est l’ un des gros objectifs du groupe : réduire au maximum l’investissement du franchisé.

Vous misez énormément sur la franchise ?

Dans les années à venir, tout le monde voudra se mettre à son compte. On le voit avec Deliveroo ou Uber. On voit arriver une génération d’auto-entrepreneurs. Il faut offrir à ces gens-là la possibilité de se mettre à leur compte à moindre coût. Il y a 10 ans, je disais à mes collaborateurs : à terme, la France ne sera que franchise, les indépendants disparaitront. C’ est exactement ce qu’ il s’est passé. A l’époque, j’ai même raté le coche.

J’aurais dû ramener des franchises des Etats-Unis et les développer, car il n’y avait pas grand chose. Aujourd’hui, c’est un peu ce que fait le Groupe Bertrand en reprenant des chaînes complètes (Quick) ou des groupes (Flo) à la casse pour des prix raisonnables. Mais derrière, il y a tout un plan de restructuration. Et là, il faut des hommes et des compétences.

Des groupes comme Bertrand ou Le Duff sont-ils des modèles de développement ?

Absolument. Des groupes comme Le Duff qui font deux milliards de chiffre d’affaires sont forcément des modèles. Je suis admiratif. Ce sont de fabuleuses réussites. J’ai eu la chance de les rencontrer.

Quelle est votre stratégie de développement à l’international ?

Nous sommes présents en Australie, à Miami, en Angleterre, au Portugal… On ouvre Takos King et Nabab à Doha (Qatar) et on travaille sur le Canada.

Combien avez-vous d’établissements aux Etats-Unis ?

Une dizaine, répartis entre Miami et Los Angeles. Mais les Etats-Unis ne sont pas notre meilleure expérience, ce n’est pas là que ça fonctionne le mieux… L’international n’est pas votre priorité ? L’Europe nous intéresse. Quand on des demandes à l’international, on ouvre. Mais cela représente beaucoup de travail pour une rentabilité faible.

La France est-elle votre meilleur marché ?

Oui, mais c’est vrai pour tout le monde. Il y a beaucoup de chiffres d’affaires records en France. Le KFC de Châtelet est le numéro deux mondial de l’enseigne. Burger King à Saint-Lazare est également numéro un ou deux.

Allez-vous faire appel à un nouveau fonds pour soutenir votre développement ?

Oui, un fonds français. Il arrivera courant 2019. Je ne peux pas en dire plus.

Avec le recul, quelles erreurs auriez-vous pu éviter ?

Créer son entreprise à 19 ans, c’est bien parce qu’on peut gagner du temps, mais on manque d’expérience. Si c’était à refaire, je serais allé travailler chez un concurrent, type McDo, pendant 3-4 ans pour comprendre comment on monte un réseau de franchises avant de monter le mien.

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