Selon Xavier Niel, Frédéric Mazzella, fondateur de BlaBlaCar, serait aujourd’hui « la plus grande star française de l’Internet ». Entretien avec celui qui a imposé le covoiturage en France et créé l’une des premières start-up « star » de la French Tech.
Frédéric Mazzella, comment vous définissez-vous ?
Comme un entrepreneur. Quand j’ai lancé BlaBlaCar, ce n’était pas perçu comme un vrai métier ; les choses ont bien changé ! Je perçois mon métier comme une mission : apporter une amélioration au monde qui nous entoure, en s’attaquant à une problématique sociale ou environnementale. Cela vient chapeauter toutes mes activités actuelles : via mon rôle de Président-Fondateur de sociétés novatrices comme BlaBlaCar et Captain Cause, par la transmission et l’accompagnement de l’écosystème entrepreneurial que je déploie à l’association France Digitale, par la publication du livre « Mission BlaBlaCar » à destination des entrepreneurs qui souhaitent apprendre les méthodes derrière le succès BlaBlaCar, ou encore grâce à l’émission-podcast hebdomadaire « Les Pionniers » sur BFM Business, dans laquelle je reçois des personnalités qui partagent leurs émotions et leurs méthodes, et des entrepreneurs qui viennent pitcher.
Comment décririez-vous l’esprit d’entreprendre en France ?
Il est désormais profondément tourné vers l’impact. France Digitale a recensé plus de 1 000 startups françaises qui répondent à au moins un des 17 objectifs de développement durable de l’ONU. On a tous en tête des réussites françaises devenues des leaders mondiaux comme BlaBlaCar, Back Market, TooGoodToGo, Ynsect, Verkor ou Yuka. L’esprit entrepreneurial français (et même européen) semble bel et bien animé par la « Tech for Impact », quand d’autres géographies rêvent plutôt de « Tech for Money », ou de « Tech for Control ».
Entreprendre en 2023, c’est plus compliqué qu’en 2006, date de la création de BlaBlaCar ?
Je dirais au contraire que l’entrepreneuriat est plus accessible : l’écosystème s’est structuré, j’en parle beaucoup dans la section « Rien ne se fait seul » à la fin de « Mission BlaBlaCar ». Aujourd’hui, il existe des centaines de structures d’accompagnement qui soutiennent les entrepreneurs dans les premières années de leur projet. Les incubateurs n’existaient quasiment pas il y a 10 ans en France, et les financements étaient beaucoup plus maigres.
L’écosystème entier a changé, il y a désormais de nombreux investisseurs qui savent et veulent investir dans des projets innovants. Et c’est surtout maintenant beaucoup plus commun pour la nouvelle génération de lancer sa boîte. Ce n’est plus « bizarre ». Cependant, trouver un modèle économique viable, ça, ça reste tout aussi difficile : ne cherchez pas d’ascenseur, les entrepreneurs prennent toujours l’escalier !
Ressentez-vous un engouement pour l’entrepreneuriat et une montée d’un nouvel état d’esprit depuis le Covid ?
Crise et opportunité sont deux notions qui vont de pair. D’ailleurs, en chinois, le mot crise s’écrit avec les deux caractères : 危机. Le premier caractère signifie « danger » et le second « opportunité », suggérant qu’il y a dans chaque crise l’opportunité de se poser les bonnes questions. Ces questions nous amènent à nous sortir de crise par la créativité, l’adaptation et l’action, autrement dit, en redoublant d’esprit entrepreneurial !
Mais plus que la pandémie, la volonté grandissante d’entreprendre chez les jeunes (plus de la moitié des jeunes de moins de 30 ans ont une appétence pour l’entrepreneuriat, d’après Ifop/Bpifrance 2022) est guidée par un besoin d’action face aux défis environnementaux et sociétaux de notre temps, une crise pour laquelle il faut agir dès maintenant pour en voir les effets sur le long terme.
L’avenir de la Tech en France ?
Une tech mise au service de l’humain et de la planète et non l’inverse ! Elle jouera un rôle crucial par l’émergence de nouvelles technologies, mais aussi, et surtout, de nouveaux usages de ces technologies, nés de la nécessité d’avoir un impact by design. Nos habitudes vont être bousculées vers des modes de vie plus raisonnables, plus heureux, prenant en compte notre impact sur l’environnement et la société. Ce futur se joue dès maintenant et seule une coopération à l’échelle de l’Europe saura assurer une transition robuste, à la hauteur des menaces actuelles. Pour construire cet avenir, le recrutement reste le nerf de la guerre dans notre secteur. France Digitale y travaille continuellement par ses FDTours en région ou encore son outil de matching des talents, le Mercatech.
À travers votre livre audio « Mission BlaBlaCar », que recherchez-vous ? Et pourquoi l’écouter ?
Ce qui rend ce livre audio unique en son genre, c’est qu’il est le premier à avoir été enregistré… dans une voiture ! C’est une première mondiale que l’on a accomplie avec Audible. Le livre audio est donc une immersion totale dans « les coulisses de la création du phénomène BlaBlaCar », puisqu’on y parle de l’histoire et des méthodes derrière son déploiement, et on se croirait en covoiturage !
Le format audio permet de rendre le contenu du livre encore plus accessible et vivant. Le format de « Mission BlaBlaCar » se prête particulièrement bien à l’écoute personnalisée : chaque chapitre correspond à une thématique (Créer et Grandir / Confiance et Défiance / Présent et Futur, etc.) et peut donc s’écouter comme un épisode de podcast.
Propos recueillis par Angelina Hubner
Au delà de l’exemple de Blablacar, les jeunes entrepreneurs dont je fais partie, sont en effet de plus en plus recherchés. Je le vois à travers mes clients en recherchent constantes d’innovation qui s’éloignent petit à petit des agences qui font « toujours la même chose » selon les « procédures habituelles ». On cherche de l’innovation dans la tech, et de la souplesse et de la réactivité. L’utilisation de l’IA cette année en est encore une preuve et nous sommes des centaines à l’utiliser a bon escient pour être toujours plus performant pour nos clients. A bon entendeur 🙂