Si l’accès au crédit, sensiblement assoupli, favorise la reprise d’un fonds de commerce, encore faut-il trouver la bonne affaire…
Depuis quelques années, le nombre de transactions évolue peu. Sur 5 ans, à l’exception de 2012, le nombre de vente reste voisin de 44.000 par an. Pour 2014, la tendance se confirme avec la reprise de 43.799 fonds de commerce, soit un léger recul de -1,6% par rapport à 2013*. «Cette baisse s’explique par le manque de dynamisme de la création d’entreprise.
Si, à partir de septembre 2014, les créations ont retrouvé un rythme annuel de 164.000 nouvelles sociétés, il demeure que, depuis 2012, les immatriculations stagnent autour de 160.000 sur 12 mois», décrypte Thierry Millon, directeur des études Altares. Or, 8 reprises sur 10 s’opèrent sous forme de société. Reprendre un fonds de commerce nécessite, en outre, de disposer d’un financement en propre ou, plus généralement, par emprunt à rembourser par les résultats dégagés par l’activité.
Un marché stable et en bonne santé
La question est donc de savoir si l’affaire permettra de dégager une rentabilité suffisante. «Le marché se porte bien si l’on en juge par le montant moyen des transactions effectuées. Proche de 190.000 € en moyenne, la valeur des fonds résiste. Cela traduit une certaine qualité des fonds repris.
Cependant, il faut rester prudent car le baromètre Bodacc traite des transactions effectuées et non de celles qui ont avorté parce que le fonds de commerce proposé est en difficulté, mal situé, que le concept est dépassé ou que la remise aux normes des installations s’avère onéreuse par exemple».
Ainsi, le premier obstacle serait conjoncturel. «Le manque d’activité favorise les reprises de fonds par les PME déjà installées qui peuvent bénéficier de belles opportunités de croissance externe. En revanche, la panne de croissance freine les ardeurs des créateurs. Or, ils portent la moitié des opérations».
Les PME manquent souvent de fonds propres
«Les écarts de prix sont très variables selon les métiers, de moins de 50 K€ pour un institut de beauté à plus de 1 M€ pour une pharmacie. Si l’accès au crédit s’est très sensiblement assoupli, il demeure que c’est la qualité du fonds comme celle du repreneur qui définissent le niveau de risque de l’opération à financer, de son acceptation par le banquier et du taux de crédit. Or, il est souvent reproché aux PME de manquer de fonds propres pour assurer leur croissance, encore pire pour les repreneurs». Enfin dernière barrière, celle de la logistique.
«Le cédant imagine un repreneur local réduisant ainsi son champ des possibles. Alors que la population active semble aspirer à “changer de vie”, de territoire, de métier, le marché de la transmission peine à se digitaliser, s’organiser, pour s’élargir et favoriser la rencontre des offres et des demandes au-delà de toutes les frontières, à commencer par les frontières du seul bassin d’emplois», regrette Thierry Millon.
Reprendre un fonds de commerce ?
Pour autant, privilégier une reprise plutôt qu’une création ex nihilo reste plus pérenne. «Altares constate que près de 9 repreneurs sur 10 sont encore actifs 5 ans plus tard, taux globalement stable au fil des ans, à la différence des créateurs. Rappelons que l’Insee observe un taux de survie des entreprises à 5 ans d’à peine plus de 1 sur 2».
Un argument de poids ! Surtout, racheter un fonds de commerce permet à son repreneur de gagner du temps. «Reprendre un fonds de commerce présente l’avantage de démarrer son activité rapidement, puisque l’affaire est connue, la clientèle existante, voire acquise, les collaborateurs éventuellement déjà en place et qualifiés…
À l’inverse, créer une affaire ex nihilo nécessite davantage de temps pour engranger du CA. La reprise semble donc être un meilleur choix. Attention cependant car ces avantages se transforment en inconvénients si le repreneur n’est pas en mesure d’embrasser la gérance dès sa prise de fonction. Le fonds de commerce doit pouvoir redémarrer très vite. La décision n’est donc pas qu’une affaire de prix», avertit l’expert.
Cerains secteurs sont plus prisés que d’autres
La restauration traditionnelle demeure l’activité la plus attractive avec 5.218 reprises, devant la restauration rapide (2.911) et les débits de boisson (2.311). Ces trois métiers concentrent à eux seuls plus de 10.000 transactions, près du quart de l’ensemble des opérations (44.000).
La boulangerie-pâtisserie (1.725) et la coiffure (1.339) concluent ce Top 5. Certains territoires présentent également plus d’opportunités. C’est le cas des grandes régions économiques qui concentrent naturellement davantage de repreneurs. L’Île-de-France conforte son leadership avec 8.900 reprises devant Rhône-Alpes (5.200) et PACA (4.000).
Aquitaine, Bretagne, Languedoc-Roussillon et Pays de la Loire comptabilisent plus de 2.000 échanges. Au-delà du nombre, le prix moyen est un reflet de dynamisme intéressant. Les repreneurs, qui sont prêts à mettre le prix pour acquérir un fonds de qualité, se situent en Île-de-France où les transactions se concluent à 285.000 € en moyenne, montant en hausse de 6%, mais aussi en Picardie (202.000 €, +6%) et en Corse (218.000 €, +2%), région où le prix est tiré par la vente de pharmacies.
L’outre-mer n’est pas en reste avec plus de 500 échanges traités au prix moyen de 246.000 € (+20%), très au-dessus des valeurs observées en métropole.
Faire une bonne affaire ?
Pas toujours évident de réaliser une bonne affaire. Difficile aussi d’estimer la valeur d’un fonds de commerce. «L’estimation de la valeur est toujours délicate car elle fait intervenir une analyse rationnelle au travers des bilans, afin de mesurer la rentabilité de l’entreprise et sa performance économique, mais aussi une appréciation “physique” du fonds, c’est-à-dire son emplacement, sa surface, la qualité de l’outil de travail, sans oublier une analyse plus affective autour de la réputation.
La valorisation doit aussi tenir compte des prix pratiqués dans des affaires de même nature sur un même secteur géographique. Au terme de ces approches, le schéma classique demeure souvent celui de la méthode des multiples. Il est courant de prendre le CA TTC comme base d’évaluation et d’y appliquer un coefficient multiplicateur variant globalement de 1 à 3 années de CA. Le résultat d’exploitation peut également être la base de référence».
Surtout, la passation d’une activité n’est pas un processus anodin dans la mesure où elle porte en elle tout un affect. «Céder son fonds de commerce ou en reprendre nécessite une réflexion de plusieurs mois. Franchir le pas n’est guère aisé, pour le vendeur comme pour le repreneur, l’objectif étant de réussir la transmission. Le prix n’est alors qu’un référentiel d’échange, c’est la qualité du fonds qui emporte la décision finale». Reprendre un fonds de commerce reste donc une bonne alternative à la création d’une activité, à condition que le repreneur reste attentif…
Source : 5ème édition du baromètre Bodacc (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) édité par la DILA (Direction de l’information légale et administrative), en partenariat avec Altares, publié en mars 2015