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« Faut-il taxer les robots ? »

Entreprendre - « Faut-il taxer les robots ? »

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Par Jean-Philippe Delsol, avocat, président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales, IREF

Tribune. Désormais la Chine a plus de robots par habitant que la France. Selon le rapport 2020 de la Fédération internationale de la robotique la Chine a doublé sa densité de robots en deux ans et en avait, en 2019, 187 pour 10 000 employés contre 177 en France, 346 en Allemagne, 855 en Corée du Sud, et 918 à Singapour. L’Asie connait un développement intensif et accéléré de la robotisation et nous taillera des croupières si nous ne réagissons pas.

En effet, les entreprises qui automatisent leur production peuvent faire baisser leurs prix, améliorer leur qualité, gagner des parts de marché et embaucher. Elles augmentent leurs emplois plus que les autres sans constater une dégradation de la qualité ou du niveau des emplois créés. Le taux de chômage des pays les plus robotisés est inférieur aux autres. En Allemagne et en Corée, il est environ deux fois inférieur à celui de la France. Et si l’automobile française reste compétitive, c’est parce qu’elle a fait d’importants investissements robotiques. L’économiste Xavier Jaravel, explique que contrairement à la doxa française, la robotisation favorise toutes les catégories d’emploi et augmente les niveaux de rémunération. Si la robotisation fait disparaître des emplois, elle en créé d’autres, différents, souvent plus valorisants.

Mais les Français ont encore le réflexe des Luddites et des Canuts contre les métiers à tisser. Ils ont peur que les robots volent leurs emplois et mettent à mal les systèmes d’assurance sociale fondés sur les revenus du travail.  Plus généralement les Etats s’inquiètent de la baisse de leurs revenus qui accompagnerait la réduction du travail des hommes et guettent les robots pour en faire de nouveaux contribuables. Bill Gates souhaite taxer les robots à un niveau identique à celui des salariés pour financer les adaptations sociales et professionnelle au nouveau monde.

Ces frayeurs sont sans doute aussi vaines que celles de l’An Mille. A moins qu’elles ne soient que prétextes à la croissance de l’emprise fiscale du pouvoir politique.

Taxer les robots ou taxer le progrès

Taxer les robots seraient un grand retour en arrière, à la taxe professionnelle qui frappait les immobilisations corporelles. La CVAE l’a remplacée intelligemment et taxe la valeur ajoutée. Si les robots augmentent la valeur ajoutée et les profits, ils sont donc déjà indirectement imposés à ce titre tant au titre de la CVAE que de l’impôt sur les sociétés. Ajouter une nouvelle taxe spécifique sur les robots doublonnerait les impôts sur un même bien, à l’encontre d’ailleurs du principe « non bis in idem » qui veut qu’il n’y ait pas double imposition des mêmes biens ou revenus. Au surplus, ce serait la création d’un nouvel impôt de production, déconnecté du résultat, alors qu’on commence à comprendre que ces impôts de production, près de 2,5 fois supérieurs en France qu’en Allemagne, nuisent à la compétitivité de l’industrie.

Au demeurant, sur un plan pratique les robots ne sont que des machines améliorées. Qui définirait qu’un matériel est un robot tandis qu’un autre ne l’est pas ? Et pourquoi taxerait-on les uns et pas les autres ?  Taxer les robots aux lieu et place des employés pour payer les assurances sociales de ces derniers, comme certains l’envisagent, serait un moyen supplémentaire de déresponsabiliser les assurés sociaux.

Une taxe sur les robots freinerait la productivité qui elle-même favorise la baisse des prix et l’augmentation des salaires, au bénéfice des consommateurs et des employés. Elle retarderait la modernisation de notre économie et favoriserait l’importation de biens produits à l’étranger par des robots à des prix préférentiels. Elle retarderait la création de nouveaux services souvent assurés par des indépendants et la transformation du travail de métiers manuels vers des métiers plus conceptuels, de tâches standardisées vers des fonctions plus autonomes.  

Faut-il avoir peur des robots

L’idée de taxer les robots tient peut-être aussi au fait qu’une opinion commune a peur des robots ou plus généralement de l’Intelligence Artificielle. Pourtant les robots restent des machines. L’intelligence, c’est la capacité créatrice alors que la robotisation et l’IA relèvent de la copie. Les robots resteront donc à la main de l’homme.

Dans La France contre les robots, en 1947, Bernanos s’inquiétait déjà que la Civilisation des machines soit «  la civilisation de la quantité opposée à celle de la qualité. Les imbéciles y dominent donc par le nombre, ils y sont le nombre ». Il avait tort, l’intelligence artificielle, dont les robots sont le fruit, est due toute entière à la créativité humaine et requiert l’accompagnement d’hommes de plus en plus qualifiés. La France a moins besoin de taxer les robots que de développer la formation des futurs employés capables de gérer cette transformation.

 Il faut bien entendu veiller à ce que les Hommes ne confondent pas les chabots avec leurs anges gardiens, qu’ils n’y perdent pas leur conscience, mais qu’au contraire ils l’éveillent pour toujours distinguer les limites de la machine. 

Les robots sont des machines comme d’autres, plus développées que d’autres. Elles ne méritent pas de faire l’objet d’une taxation distinctes, supérieures comme pour les punir.

Jean-Philippe Delsol, avocat, président de l’IREF, essayiste, dernier ouvrage : L’Eloge de l’inégalité, Les Belles Lettres/Manitoba


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1 commentaires sur « « Faut-il taxer les robots ? » »

  1. Aucune des trois révolutions industrielles n’a généré d’elle-même des meilleures conditions de vie pour le plus grand nombre et le IV révolution en cours ne fait pas exception. Ce sont les Etats qui l’ont fait en prenant les mesures nécessaires pour raccorder les revenus des administrés aux revenus des entreprises par l’impôt et la sécurité sociale.

    Le but de l’automatisation des entreprises privées est de maximiser le rapport productivité/masse salariale, pas de créer des emplois. Elle ne serait pas Il est donc évident que la baisse des prix ne profitera qu’à ceux qui auront des revenus pour les acheter, càd les actionnaires des entreprises autonomes. En l’absence d’intervention publique, le régime économique actuelle disparaîtra au profit d’une économie palatiale axée sur la satisfaction des besoins d’un petit nombre de rentiers.

    C’est en grande partie grâce à des avantages fiscaux et subventions des pouvoirs publics que les industriels développent l’automatisation et peuvent espérer conserver leur position face à leurs concurrents asiatiques. Il est légitime que les contribuables recherchent une contrepartie et elle ne tombera pas du ciel.

    Les masses populaires peuvent échapper à ce sort grâce à une réforme du financement des institutions publiques en instituant un fond souverain et en réduisant le système fiscal à un unique impôt sur les revenus entrepreneuriaux. Celui-ci ne serait payable que par la cession d’action représentative de voix. Seul seraient déductibles les salaires et dividendes versés à des salariés-actionnaires. Les entreprises auraient les choix entre embaucher des salariés ou devenir une source de dividende pour l’Etat. Le financement de l’Etat étant de plus en plus défiscalisé, il s’affranchit progressivement du dumping fiscal.

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