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Etudes techniques de la construction : l’incontournable n’est pas toujours visible

A group of engineers standing against concrete wall on construction site, holding blueprints. Copy space.

Par Olivier Sorin

Nous habitons chaque jour nos immeubles ou nos maisons ; passons plusieurs heures au travail dans des immeubles de bureau, des usines, des magasins, des centres logistiques… ; fréquentons des commerces de toutes sortes, des restaurants, des salles de concert, des musées… ; empruntons des routes, traversons des ponts… Nous utilisons ou habitons quotidiennement ces ouvrages parfaitement visibles du monde de la construction, pour lesquels sont spontanément et schématiquement associés les architectes et les grandes entreprises de travaux.

C’est omettre un maillon essentiel de la chaîne de valeur de la construction : le domaine des études des infrastructures. Est-ce parce que nos prestations interviennent bien en amont des projets de BTP ? Est-ce parce qu’ils sont souterrains et donc invisibles à l’œil nu ? Toujours est-il que notre monde des études techniques et ses métiers n’est guère identifié. Il reste une mécanique souterraine et inconnue. Qui sait par exemple définir la géotechnique ? la géophysique ? l’hydrogéologie ?

A l’un de nos maitres-sondeurs en géotechnique qui tentait de faire deviner son métier en donnant pour indice le fait qu’il « faisait des trous », quelqu’un répondit : « fossoyeur ». Peu de personnes savent ainsi expliciter que, de l’amont à l’aval de chaque projet, la géotechnique « creuse » pour étudier les sols et leurs propriétés, et définir les solutions techniques propres à assurer la stabilité d’une construction. Peu savent énoncer que cette expertise est incontournable quel que soit l’ouvrage, car l’étude des fondations d’un pavillon sur des sols argileux sensibles à la sécheresse est aussi indispensable que celle d’une tour de vingt étages posée sur du rocher ou des sables.

Chaque jour, les études de sols mobilisent une foultitude de compétences : des techniciens pour préparer les chantiers, des sondeurs et aide-sondeurs pour recueillir les échantillons de sols, des spécialistes des matériels et de l’entretien des machines pour permettre le bon fonctionnement des opérations, des laborantins pour analyser les échantillons de sols, des assistants pour assurer la gestion administrative des dossiers, des ingénieurs pour interpréter, modéliser, calculer, préconiser les fondations les plus adaptées au terrain et à la construction envisagée…

Autant de compétences essentielles à la stabilité et la longévité des constructions qui nous entourent, mais qui ne semblent plus attractives. Est-ce lié à un système éducatif qui n’est plus, ou plus en quantité suffisante, à même d’orienter vers nos métiers de l’ingénierie ? A l’absence d’un cursus scolaire balisé pour nos métiers de terrain et de laboratoire ? Ou tout simplement à notre incapacité à nous, métiers techniques, à créer l’envie, à faire briller les yeux… à rendre l’invisible séduisant ?

Force est de constater que la formation ou la transmission de notre savoir-faire par nos propres moyens ne semblent pas suffire. Notre dynamique de croissance nous permet pourtant de recruter et de continuer à offrir de belles carrières contribuant concrètement à l’aménagement de notre territoire et au façonnage de nos paysages.

Dans notre pays en proie à un chômage en continuelle augmentation, nos difficultés à être visibles auprès de ceux qui ont toute leur place pour nous rejoindre sont douloureusement aigües. Et dans ce monde hyperconnecté, notre capacité à toucher les meilleures volontés est de plus en plus ténue. Alors, face à ce manque de visibilité, nous essayons de faire face grâce à la cooptation et au compagnonnage, car il n’existe pas meilleurs ambassadeurs de nos métiers que ceux qui le pratiquent aujourd’hui, et par notre énergie à aller chercher nos futurs collaborateurs dans les villes, les quartiers, les campagnes…

Le marché invisible de l’emploi, en dehors de la publication d’offres d’emploi, est notre allié naturel, notamment pour tous nos métiers de terrain qui ne demandent pas de formation préalable. Mais pourquoi devrions-nous nous en contenter ? Nous pouvons être fiers de nos équipes, de tous ces savoir-être sans formation particulière qui sont chaque jour habités par l’envie d’apprendre et de transmettre. Nous nous réjouissons de ces humanités qui nous ont rejoints, qui travaillent en équipe sur des projets variés, partagent, progressent, sont fiers de faire partie du quotidien de leurs contemporains. C’est pour redonner toute leur place à ces métiers méconnus que nous avons créé collectivement, au niveau de nos instances représentatives, une école de sondeurs et une valorisation des acquis de l’expérience créant le diplôme de sondeur en géotechnique.

Nos réalisations ne sont pas visibles puisque nous étudions les sols mais notre savoir-faire est à portée de vue partout où vous vous trouvez. Il nous appartient maintenant de toucher toutes celles et tous ceux qui désirent apprendre et travailler, partout en France, de rendre accessibles nos métiers d’ingénierie et de terrain, et d’en transmette la noblesse et l’excellence. La reconnaissance par un diplôme des savoir-faire de nos métiers d’investigations géotechniques en est la première pierre.

Car nous croyons avec force en la richesse de la diversité des parcours de chacun.

Olivier Sorin
Président-directeur général du groupe Fondasol, spécialisé en ingénierie-conseil de la construction


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