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Eric Kayser : « J’ai souhaité apporter au pain les atouts de l’innovation »

Si le e secteur de la boulangerie a considérablement évolué en l’espace de deux décennies, Eric Kayser, qui a reçu le goût du pain en héritage, n’y est pas étranger. Depuis 1996, ce « philosophe du pain », humaniste avide d’apprendre et d’enseigner, a fait de la Maison Kayser une entreprise artisanale dynamique et ouverte sur le monde.

Entreprendre - Eric Kayser : « J’ai souhaité apporter au pain les atouts de l’innovation »

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Si le e secteur de la boulangerie a considérablement évolué en l’espace de deux décennies, Eric Kayser, qui a reçu le goût du pain en héritage, n’y est pas étranger. Depuis 1996, ce « philosophe du pain », humaniste avide d’apprendre et d’enseigner, a fait de la Maison Kayser une entreprise artisanale dynamique et ouverte sur le monde.

Qui est Eric Kayser ?

J’ai fondé la maison Kayser au 8 rue Monge à l’automne 1996. Aujourd’hui, nous sommes présents dans 26 pays (Japon, Amérique du Sud, Emirats Arabes Unis, Mexique, Portugal…) avec près de 200 magasins.

Je suis passionné de boulangerie depuis mon plus jeune âge. À l’âge de 16 ans, j’ai fait mon apprentissage en boulangerie avant de rejoindre  les Compagnons du tour de France pendant cinq années durant lesquelles j’ai perpétué la tradition et développé mon goût pour la transmission et l’évolution de la connaissance.

Je suis ensuite devenu formateur pour les Compagnons du Devoir puis pour l’Institut National de la Boulangerie-Pâtisserie. J’ai travaillé main dans la main avec un autre formateur de l’INPB sur l’équipement et plus spécifiquement sur  la machine Fermentolevain qui permet de maintenir un levain liquide à température constante et ainsi faciliter sa mise en œuvre mais aussi sur la qualité des farines, l’idée étant de refaire des recettes du passé, adaptées à un matériel et un monde moderne. Fort de ces expériences, j’ai souhaité entreprendre et lancé ma propre affaire.

Quelles sont vos passions ?

Ma première passion, ce sont les voyages. J’ai la chance de pouvoir vivre pleinement cette passion à travers les déplacements que je fais dans le cadre de mon travail. J’aime rencontrer des gens, découvrir de nouvelles traditions, m’inspirer d’autres  cultures et de nourriture différentes.  Je suis toujours en quête de nouvelles choses.

J’ai affectionné plus particulièrement certains pays en fonction de mes voyages et des périodes de ma vie à laquelle je les ai découverts. Je me suis entiché du Japon, de certaines villes des États-Unis, de l’Amérique du Sud… Mes préférences varient en fonction des périodes, de lieux où l’on s’implante, de ce que l’on y fait et des personnes que je rencontre. Les voyages sont avant tout faits de rencontres d’hommes et de femmes.

J’aime apprendre, transmettre et partager. Dans l’entreprise, j’ai la chance de pouvoir apprendre au contact des  personnes qui m’entourent et échanger. Formateur pendant près de 10 ans à l’Institut National de la Boulangerie-Pâtisserie (INBP), puis au sein de ma propre entité de conseil, je suis constamment dans une démarche de partage et d’échanges avec  les boulangers du monde entier afin de faire rayonner le savoir-faire français.

Quelle hygiène de vie vous imposez-vous ?

Je fais beaucoup de courses à pied.  Je cours très régulièrement et je participe par ailleurs à des marathons (2 ou 3 par an) et des semis marathons (3 ou 4 par ans). J’ai participé au marathon de New-York il y a quelques années. Il est important de s’entretenir au quotidien.

Au bout d’une quarantaine de minutes, les endorphines que l’on dégage  permettent de se sentir bien, de bien réfléchir et de penser efficacement en étant puissant. Je cours partout dans le monde et je transporte toujours une paire de basket et une tenue de sport dans ma valise. J’ai plaisir à courir avec des gens qui travaillent avec nous, c’est un moment très convivial.

Avez-vous un rêve ?

À terme, je souhaiterais lancer des écoles de formation. Nous travaillons actuellement avec une association au Cambodge afin de pouvoir former des jeunes qui sont élevés dans la rue à nos métiers. Ce rêve va donc devenir réalité.

Quelle est la genèse de votre projet entrepreneurial ?

L’entrepreneuriat offre l’opportunité d’apprendre différentes choses en dehors de notre métier. Lorsque vous gérez des entreprises à travers de multiples pays, vous devez avoir des connaissances juridiques, comptables etc. C’est passionnant car cela permet d’apprendre et de se former en permanence. Chaque pays à des mœurs spécifiques, des façons de s’alimenter particulières, il nous faut donc observer afin de pouvoir comprendre et nous adapter.

Quels ont été les moments forts dans l’histoire de l’entreprise ?

L’ouverture du premier magasin le vendredi 13 septembre 1996 avait quelque chose de magique. Pour la première fois, je lançais une boutique de boulangerie pâtisserie à mon nom. L’ouverture au Japon, il y a 16 ans, fut un autre moment fort ainsi que notre lancement aux États-Unis en 2012. Chaque pays ouvert, chaque développement, chaque accroissement de l’entreprise sont des moments inoubliables.

Nous avons eu la chance de participer au G8 organisé à Toya au Japon en 2008, nous avons également eu le privilège de représenter la boulangerie française à Davos où la France était invitée d’honneur. Ces évènements marquent une entreprise et sont inscrits dans notre histoire.

Quelle philosophie sous-tend vos actions et vos choix ? Quelles valeurs souhaitez-vous incarner ?

Je souhaite pousser les gens, et en particulier les jeunes, à aller jusqu’au bout des choses pour réaliser leur rêve. Je souhaite leur communiquer l’envie de se perfectionner quelque soit leur métier. L’apprentissage et la transmission sont pour moi des valeurs phares que j’essaye de porter.

Il est très important de respecter les autres. Je m’énerve rarement et je ne crie jamais. En revanche, j’explique les choses aux gens que cela soit bien fait ou mal fait en essayant d’être le plus pédagogue possible. En qualité de formateur, j’ai eu la chance d’apprendre et de faire progresser les personnes. Certains collaborateurs ont commencé comme salarié dans une boutique en France, avec leur accord, je les ai envoyés gérer un pays et à présent ils sont revenus pour certains. Lorsqu’ils en ont envie, je trouve que c’est une possibilité très sympa.

Comment réussir à conjuguer l’innovation et la tradition ?

On pourrait s’imaginer que l’innovation n’est pas un élément fondamental du métier d’artisan boulanger, porté couramment par les traditions et des méthodes ancestrales. Ce n’est pourtant pas ma conviction, j’ai souhaité multiplier les travaux pour apporter au pain les atouts de l’innovation.

Il est vrai que nous sommes sur un métier traditionnel mais en l’espace de deux décennies, il a considérablement évolué. Il y a 20 ans, on trouvait à Paris 80% de baguette blanche et des boutiques à l’ancienne. Aujourd’hui, la baguette tradition s’impose tandis que les boutiques sont devenues modernes, conceptuelles et bien agencées. On faisait de la boulangerie et de la pâtisserie, désormais, on fait de la restauration, du café, de la sandwicherie… Notre métier a très largement évolué que cela soit au niveau du matériel et des matières premières par exemple.

Chaque mois, nous sortons de nouveaux produits en fonction des saisons. Nous avons le souci de respecter les saisons en travaillant proprement sans additif et sans conservateur.

Les voyages sont une grande source d’inspiration. Je regarde attentivement ce qui m’entoure, j’observe. Je suis très curieux de tout et je fais des photos de tout. L’autre jour, alors que je me promenais dans Paris, j’ai vu qu’un artisan avait apposé la mention « Nos viennoiseries sont fabriquées par nos artisans sur place ». J’ai pris une photo et je me suis dit qu’il fallait faire la même chose dans nos magasins. Je m’intéresse à tout, que cela soit dans le domaine de la boulangerie ou indépendamment, je suis passionné d’architecture, de design, de peinture, en résumé tout m’intéresse. J’essaye donc de mettre cela au service de l’entreprise dont je suis le serviteur.

Comment vous différenciez-vous dans votre environnement concurrentiel ?

Il existe  32 000 boulangeries artisanales en France dont 5 000 en région parisienne, cela fait du monde ! Cependant, de plus en plus de personnes mangent dehors où souhaitent trouver des endroits qui garantissent une sorte de traçabilité des produits. Il est donc important pour les gens de pouvoir se repérer à travers un réseau comme le nôtre. Nous sommes sans cesse obligés d’innover et en grossissant un peu, on peut se permettre d’allouer une personne ou deux à la recherche et au développement, c’est essentiel.

Quelle est votre stratégie de développement à l’export ?

Nous disposons aujourd’hui d’une cinquantaine de magasins en France et de 150 à l’étranger, de façon assez logique, nous réalisons donc entre 35 et 40% de notre chiffre d’affaires en France et le reste à l’étranger. Mécaniquement, l’export est amené à se renforcer.

Nous travaillons beaucoup les Etats-Unis  ainsi que l’Asie. Par ailleurs, nous allons ouvrir en fin d’année en Côte d’Ivoire. Nous souhaitons également développer d’autres pays d’Afrique, ces projets étant en cours de réalisation. Nous avons ouvert 20 magasins au Mexique en 3 ans et nous en ouvrirons 10 autres  l’année prochaine.

Que représente, à vos yeux, le « Made in France » ?

Dans tout ce qui est artisanal, le made in France est un symbole de qualité pour les étrangers. Lorsque vous allez à New-York, tout le monde se rappelle que la statue de la liberté a été offerte par les Français, ces mêmes Français qui on fait le toit de leurs églises et de leurs cathédrales … L’artisanat français a une très belle aura à travers le monde mais on n’a pas fait assez de lois pour le protéger et le développer. Les formations manuelles sont très peu encouragées, pourtant, les  métiers manuels sont tout juste exceptionnels. Les niveaux de salaires des artisans sont élevés mais ces métiers ne sont pas défendus, c’est très dommage. On a le sentiment aujourd’hui que les politiques entendent se pencher sur le sujet, c’est un véritable chantier où il existe un énorme créneau à faire valoir.

Quid implantation à l’étranger ? Est-il nécessaire d’adapter votre offre ?

Au Japon, nous savons pertinemment qu’ils ne mangeront pas les sandwichs tels que nous les consommons en France ou aux Etats-Unis, le sandwich doit rentrer en une seule bouchée dans la bouche. S’adapter, cela peut être miniaturiser ou augmenter les tailles des produits, cela peut également consisté à mettre plus de beurre ou plus de sucre pour le Mexique où ils raffolent du sucre. Au Japon, cela peut-être ajouté du thé vert dans les recettes de croissants aux amandes. Aux  Etats-Unis, il est question de proposer une offre de restauration plus importante ou de proposer plus massivement du café car l’Américain new-yorkais boit trois fois plus de café que le Français. 

Quel sont les objectifs de la Maison Kayser à l’avenir ?

Même si notre entreprise a grandi, elle a conservé son caractère artisanal avec des structures proches des individus et de leurs aspirations. C’est ainsi que dans tous les pays où nous sommes présents, de la France au Mexique, en passant par les Emirats Arabes Unis, le Sénégal ou le Portugal… Chacun se met au service de la passion du bon pain.

Nous allons continuer à nous développer et d’ouvrir une école de formation pour les enfants au Cambodge. Demain, je souhaiterais également en ouvrir une au Mexique et dans différents autres pays qui se développent comme l’Afrique. Nous allons essayer de continuer à avoir le sourire comme chaque jour lorsque nous allons faire notre production de pain ou de pâtisserie. Je suis un homme comblé et heureux.

Kayser en bref :

CA 2016 : Non communiqué

Effectifs :

700

personnes en France, des milliers à l’étranger

Implantation : Paris (75)

Chiffres clés : présence dans 26 pays, 200 magasins (50 en France, 150 à l’étranger)

Concurrence : Maison Landemaine, Liberté, L’Atelier des Pains & Co, Paul, Saines Saveurs…


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