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Entreprendre à deux : bonne ou mauvaise idée ?

Qu’ils soient en couple ou pas, liés par l’amour, l’amitié ou les liens du sang, les duos de choc se multiplient à la tête des entreprises françaises, dans tous les secteurs, notamment la restauration.

Christophe Michalak et Delphine McCarty

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Qu’ils soient en couple ou pas, liés par l’amour, l’amitié ou les liens du sang, les duos de choc se multiplient à la tête des entreprises françaises, dans tous les secteurs, notamment la restauration.

Entreprendre ensemble… ou pas Certains sont des individualistes forcenés, et n’imaginent pas une seconde une association, car cela n’entre pas dans leur schéma de pensée. Pour rester seul maître à bord, ils sont prêts à assumer tous les risques inhérents à leur statut d’entrepreneur. S’entourer, oui, mais pas via le partage du capital et encore moins des futurs (éventuels) bénéfices. Pour d’autres, l’association va de soi, c’est souvent le cas chez les couples, parfois les frères et sœurs, les parents et enfants, pour lesquels un lancement d’entreprise est le prolongement naturel de leur histoire personnelle et privée.

Souvent, l’idée se fait jour dans la période des études, au lycée ou plus tard. C’est le cas de Michel de Rovira et Augustin Paluel-Marmont, créateurs de la marque « Michel et Augustin », rachetée par Danone, et de bien d’autres. Certaines associations tiennent le choc, d’autres beaucoup moins bien, rien de très surprenant, ainsi va la vie. Mais on ne peut que constater que la solitude et le stress pèsent parfois trop sur les épaules des entrepreneurs. Pouvoir compter sur une personne de confiance, un alter ego, peut s’avérer tout à fait essentiel, en cas de difficultés passagères, de maladie ou de crise sanitaire.

Jean-François & Elodie Piège

La cuisine est souvent affaire de famille, c’est entendu. Apprendre à faire un gâteau, rater sa première blanquette, voici qui crée des souvenirs. Nul doute que les deux enfants de Jean-François et Elodie Piège, Antoine et Pia, auront l’occasion d’apprendre à faire honneur à leurs invités. Pour l’instant, nés en 2015 et 2020, ils ont le temps de voir venir. Le plus important pour eux est certainement que leurs parents soient inséparables, ils font tout à deux, y compris dans leur vie professionnelle. Depuis leur rencontre en 2007 à Paris, le sort leur a souri. Sous les hauts plafonds du Crillon, Jean-François Piège brillait déjà en cuisine, Elodie Tavares quant à elle postulait pour le poste de directrice de communication du célèbre hôtel.

Trois ans plus tard, le mariage se célébrait, trois ans de plus, et c’est une entreprise qui se concrétisait pour le couple. Jean-François Piège se voyait bien ouvrir des restaurants chaque année, ce qu’il a entrepris avec sa jeune épouse. Cinq restaurants sont nés, chacun disposant de sa propre personnalité au niveau de la carte comme de l’ambiance. Elodie est devenue l’alter ego de son mari, son « bras droit », aux relations publiques et à la communication, avant de prendre d’autres responsabilités en termes de management d’équipe et d’affaires.

Les deux entrepreneurs ont suivi un chemin bien connu des restaurateurs : les recherches et créations de nouveaux lieux, les emprunts, les lancements, les réussites. Une belle entreprise mise en partie à l’arrêt l’an dernier en raison de la crise sanitaire, ce qui ne les pas empêchés de rebondir en créant leur service de click and collect, jeanfrancoispiegealamaison.com. Le couple a dévoilé l’un des secrets de leur entente, il s’agit de la complémentarité bien évidemment, mais aussi du fait que chacun gère son activité. Travailler ensemble ne signifie pas ne pas se quitter d’un pas, bien au contraire. Le couple fonctionne donc de façon assez similaire à un duo d’associés classique. Une belle aventure qui fait vivre 80 salariés autour d’eux.

Christophe Michalak & Delphine McCarty

Le couple (photo ci-dessus) s’est marié en 2013, une date importante également en termes professionnels, puisque cette même année ils ont créé leur société pour travailler ensemble au développement d’affaires qui mettent en avant le talent de pâtissier de Christophe Michalak. Ce dernier a fait ses armes en pâtisserie auprès des plus grands, qu’il s’agisse de Pierre Hermé ou des maisons Fauchon et Ladurée. Mais c’est au Plazza Athénée qu’il est devenu une figure connue et incontournable ds ce secteur gastronomique. Champion du monde de Pâtisserie en 2005, habitué des médias et des récompenses, cet hyperactif est sans cesse en mouvement.

Face à ce tourbillon qu’est Christophe Michalak, Delphine McCarty semble avoir trouvé la recette. Cette Française d’origine écossaise a fait ses classes en tant qu’humoriste et actrice souvent repérée dans les grandes séries françaises. Puis, elle se lance dans un tournant professionnel, encouragée par son mari, suit une formation, et avec ses propres clients, pratique sa passion, la photographie, à la fois pour elle, mais aussi pour mettre en avant les créations pâtissières de son époux.

Une activité complémentaire à celle qu’elle exerce main dans la main dans l’entreprise Michalak. Car Delphine est aussi l’associée de Christophe, ils sont ensemble pour développer cette entreprise « familiale et artisanale » qui emploie à ce jour environ 45 personnes. Des boutiques, cafés, salons de thé, ont vu le jour en France d’abord, puis à Tokyo en 2018, un pays que Christophe Michalak connaît pour y avoir travaillé pendant sa formation. Sans oublier une école, la Michalak Masterclass. En bref, de quoi largement remplir une vie, et même deux…

Le secret : trouver le bon équilibre

Sans doute est-ce le secret de la réussite d’une association au long cours, qu’il s’agisse de sphère privée ou professionnelle. Avec Christophe, tout va vite, même si tout s’élabore avec précision, pâtisserie oblige. Il aime à voir Delphine entreprendre et s’épanouir dans de nouvelles activités, mais avoue clairement que c’est auprès d’elle qu’il trouve l’équilibre nécessaire à ses multiples activités. Cette complémentarité s’exprime même en cuisine où, côté salé, c’est Madame qui assure, et côté sucré, c’est Monsieur. Une association qui fonctionne à merveille, comme le dit Christophe « Seul, on avance vite, mais à deux, on va plus loin ! ».

Adeline & Eléonore Guérard

Les deux jeunes femmes portent un nom célèbre dans la haute gastronomie française mais aussi dans le tourisme thermal. Filles de Michel et Christine Guérard, elles ont vu leurs parents travailler toute leur vie à la création et au développement d’une entreprise de première dimension. Loin d’être effrayées par cet héritage impressionnant, elles unissent leurs forces pour développer l’existant en se lançant dans le bien-être via la création d’une nouvelle marque, « Sources ». Si Michel Guérard a créé une image dans le monde de la restauration, son épouse Christine avait hérité de la Chaîne Thermale du Soleil.

Santé et gastronomie ont donc toujours fait bon ménage chez les Guérard, car le chef fut le créateur et porte-parole de la cuisine minceur, rajeunissant l’image d’une cuisine bourgeoise qui était devenue de plus en plus riche au fil du temps. Ce défi fut relevé avec brio avec l’aventure des « Prés d’Eugénie » à Eugénie-les-Bains. Un premier pas vers l’alliance du thermalisme et de la gastronomie, qui n’a cessé de croître, avec spa, salons, lounge bar, auberge, logis, etc.

Au décès de son épouse Christine, c’est Michel qui assure la transmission à leurs deux filles, Adeline et Eléonore. Comme toujours dans les bonnes associations, à chacune son pré carré. Les Prés d’Eugénie, les questions institutionnelles ou relatives à la santé sont du ressort de la benjamine, Adeline, tandis que l’ainée, Eléonore, est en charge du marketing et de la communication de la Chaîne Thermale du Soleil. Elles portent également les derniers projets, en particulier l’Institut Guérard, qui propose des formations aux professionnels de la cuisine, alliant plaisir et nutrition dans le but avoué de lutter contre les maladies chroniques (obésité, diabète et maladies cardiovasculaires).

Pour consolider ce fonctionnement en place depuis déjà quelques années, Eléonore et Adeline ont fait un « bébé » entrepreneurial en commun prénommé « Sources », une marque qui recouvre un concept de retraite détox. Les deux trentenaires savent ce que signifie gérer une entreprise et avoir une vie familiale, toutes deux ayant des enfants. Cette situation commune leur a fait imaginer un endroit où elles pourraient se réfugier pour recharger des batteries parfois à bout de souffle. Les Prés d’Eugénie, Maisons Marines, et Grand Hôtel/Château de Riell ont été choisis pour un concept qui allie rééquilibrage alimentaire, cuisine botanique, jeûne végétal, mais aussi activité physique, yoga ou initiations à l’herboristerie entre autres.

Le « ressourcé » est entouré d’une équipe professionnelle de diététiciens, kinés, sophrologues, naturopathes… Une belle façon de marquer de leur empreinte un groupe qui approche les 130 millions d’euros de chiffre d’affaires, rassemble 2000 salariés et n’attend que la fin de la crise pour reprendre son envol.

Philippe Benacin & Jean Madar

Ce duo de choc peut étonner par sa longévité. Leur entreprise commune, Interparfums, fêtera en effet l’année prochaine ses quarante ans. C’est en 1985 qu’Interparfums Inc. est créée aux Etats-Unis, avant d’entrer au Nasdaq de New York en 1988. Pour l’entreprise française, ce sera le second marché en 1995 à Paris. On le sait la valeur n’attend pas le nombre des années, mais tout va très vite pour les deux hommes qui se répartissent très tôt leur territoire, ce sera l’Amérique pour Jean Madar et l’Europe pour Philippe Benacin.

Cet éloignement ne les empêche pas de prendre toutes les décisions stratégiques ensemble. Les deux entrepreneurs ont tous deux étudié à l’ESSEC, ils ont su traverser les tempêtes, même à distance. Le savoir-faire de l’entreprise se centre sur toute la filière du parfum, de la création à la distribution, mais aussi sur la capacité à savoir se concentrer sur le territoire de chaque marque cliente en particulier. Pourtant, le cœur du réacteur reste l’accord de licence. Au départ, les deux jeunes amis ont acquis leur expérience sur une marque populaire, Ray Marjory, avant de rapidement s’orienter sur le luxe. Rien ne s’est fait par hasard. Ils ont su convaincre des marques prestigieuses pour des lancements de parfums sous licence.

Paul Smith, Van Cleef & Arpels, Jimmy Choo, Montblanc, Boucheron, Repetto entre autres de ce côté-ci de l’Atlantique et Agent Provocateur, Oscar de la Renta, Dunhill, du côté américain. Deux exceptions à la règle : ils ont racheté les marques Lanvin et Maison Rochas, pour les segments parfums, mais également mode. Leur force est aussi de savoir encaisser les coups durs et de repartir de plus belle. Leur première licence en 1993 fut Burberry, un coup de maître qui représentait quasiment la moitié du chiffre d’affaires d’Interparfums en 2013, date de la rupture avec la marque britannique après une fin de relation conflictuelle.

Autant dire que la rumeur les disait déjà morts. Mais la pente a été remontée, grâce à de nombreux autres accords dans le luxe, un travail intensif, et la certitude que les relations doivent toujours être gagnant-gagnant. Mieux vaut trancher dans le vif et repartir de plus belle. Ce qui a été fait de belle façon puisque le groupe réalise quasiment 500 millions d’euros de chiffre d’affaires, avec l’arrivée de Moncler en 2020 dans le cercle. On n’arrête pas un duo gagnant !

V.D.


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