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Crise sanitaire : un management humaniste est-il devenu nécessaire ? Par Tarek Ouagguini (CEO Happydemics)

Entreprendre - Crise sanitaire : un management humaniste est-il devenu nécessaire ? Par Tarek Ouagguini (CEO Happydemics)

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CEO de Happydemics, start-up spécialisée dans les études marketing automatisées, Tarek Ouagguini propose, pour Entreprendre, une réflexion sur le management en période de crise sanitaire et économique. Dans cette tribune, Tarek Ouagguini, dont les collaborateurs n’ont jamais été en chômage partiel, met en avant la nécessité de recréer de la confiance entre direction et salariés à travers un management « humaniste ».

Au-delà des conséquences sanitaires dramatiques, égrenées chaque jour par les autorités, la crise du Covid-19 a créé des remous économiques majeurs. Pour les chefs d’entreprise, cette crise est l’occasion de se réinventer, tant au niveau de nos offres que de notre rapport au management avec des collaborateurs lourdement éprouvés par un contexte difficile. Alors que le deuxième confinement vient à peine de débuter, l’urgence d’un management humaniste devient de plus en plus manifeste.

La crise impacte l’ensemble des acteurs économiques. Les individus d’abord, qui craignent de subir des baisses majeures de pouvoir d’achat. Les entreprises ensuite, dont l’activité s’est souvent très fortement rétractée. Dans ce contexte, les mécanismes de soutien publics se sont révélés absolument nécessaires, mais souvent insuffisants, pour nos compatriotes soumis à un strict isolement et pour les entreprises contraintes de revoir leurs perspectives de chiffre d’affaire et de trésorerie à la baisse. Mais, s’ils ont été salutaires pour l’ensemble des acteurs économiques, entreprises comme salariés, ils ont aussi pu avoir des effets pervers que nous devons prendre en compte.

En première ligne, les salariés aspirent à la sérénité au travail

Les salariés ont été en première ligne de ces adaptations d’urgence, bien souvent au détriment de leur santé et de leur bien-être. Les collaborateurs ont ainsi pu avoir le sentiment d’être des variables d’ajustement, notamment lors du recours parfois opportuniste à des mesures de soutien gouvernemental type « chômage partiel », voire dans le cadre de licenciements d’ampleur. Le sentiment de ne pas être reconnu s’est doublé de celui de ne pas bénéficier de la confiance de leur direction. Peut-on vraiment leur donner tort, alors même que les intentions d’achat des solutions logicielles de surveillance à distance des salariés ont, entre juillet 2019 et avril 2020, littéralement explosé ?

Tout porte à croire que les salariés ont voulu en faire plus pour leurs entreprises fragilisées. Charge mentale à laquelle s’est ajoutée une moindre visibilité sur leur avenir professionnel. Peur ne pas entrer dans le marché du travail pour les jeunes diplômés, inquiétudes face au renouvellement des CDD ou périodes d’essai pour certains, crainte de plonger dans le chômage longue durée pour d’autres n’ont pas épargné des franges entières de la population. 

Les risques psycho-sociaux associés à une situation de stress accru ont touché bon nombre de salariés, alors même que le sentiment de déclassement économique tendait à s’aggraver. Dans le même temps, la réorganisation du travail a pu alourdir certaines fractures sociétales déjà ancrées. Le télétravail a, dans certains cas, brouillé la frontière entre vie professionnelle et vie privée, fragilisant par exemple la situation des femmes dans le monde de l’entreprise. D’autant que, contrairement aux inquiétudes -illégitimes- des employeurs, les Français ont plus travaillé à distance qu’en présentiel. Le télétravail a aussi, pour certains, et contre les discours habituellement établis, été source de souffrance. Entre le 2 et 6 novembre, nous avions mené une enquête dont les enseignements ont été révélateurs de la relation complexe qu’ont les jeunes au travail à distance. 63 % des 18 – 34 ans avaient le sentiment de « manquer de motivation » avec le télétravail, un taux qui monte à presque 70 % pour les 18 – 24 ans. En tête des inconvénients, le sentiment d’isolement a été le plus évoqué.

Le management humaniste, c’est donc aussi la capacité à faire revivre l’entreprise comme espace de socialisation, en présentiel ou non, et surtout, la capacité collective des managers à prendre en compte l’ensemble des fragilités de chacun de nos collaborateurs, pour tenter d’y répondre.

Un management humaniste est non seulement possible, il est aussi préférable

La crise a prouvé que la bienveillance et la confiance pouvaient, dans certains cas, contribuer à la résilience pour les entreprises. Beaucoup d’entre elles ont, malgré la pression économique, refusé de recourir au chômage partiel pour leurs collaborateurs. En effet, pour ces entreprises, très souvent issues de la talent economy, les salariés sont une ressource précieuse, non uniquement une variable d’ajustement. Une prise de risque dont les équipes ont pleinement conscience.  

N’ayons pas peur de reconnaître qu’il ne s’agit pas simplement d’une stratégie purement altruiste. Tout d’abord, pendant les périodes difficiles, remplacer un salarié est plus cher que de le fidéliser. À l’échelle nationale, la généralisation du bien-être au travail dans nos organisations, c’est 1 point de croissance supplémentaire pour notre pays, comme l’affirmaient des données publiées en 2013. Le bien-être au travail, c’est aussi la perspective de baisser des coûts externes négatifs, avec la diminution des burnouts, et, surtout, des gains de productivité. En effet, les études concordent pour affirmer qu’un mode de management humaniste ne s’oppose pas à la performance opérationnelle. Au contraire, il peut même y contribuer ! En revanche, ce qui est d’ores et déjà certain, c’est que le mal-être en milieu professionnel créé un turn-over systématique, un désengagement des talents, une désocialisation des collaborateurs et sur, le long-terme, une baisse d’efficacité de l’entreprise.

La confiance est créatrice d’innovation

La baisse d’activité n’a pas seulement eu des aspects négatifs. Elle a pu, pour nos équipes, se transformer en opportunités. Le temps de travail libéré d’une partie des charges de routine a pu être réinvesti dans la recherche et développement, mais aussi la projection dans l’avenir. Des échanges accrus, même à distance, ont permis de maintenir la socialisation entre collaborateurs et faciliter la lutte contre l’isolement et le sentiment de solitude qui a pu, à certains moments, toucher des collaborateurs en télétravail.

La crise a été, aussi, le moyen, de repenser notre stratégie commerciale. Chez Happydemics, notre plateforme a gratuitement été mise à disposition de nos clients et prospects pour que, pendant cette période, ils continuent à interroger leurs consommateurs. Une approche risquée, sans doute, qui a cependant payé sur le moyen terme car une partie de ces utilisateurs gratuits sont devenus des clients.

S’il est allégé, ce second confinement sera malgré tout une épreuve de vérité dans les relations entre chefs d’entreprise et collaborateurs. Les enseignements du premier épisode tirés, il définira sur le long-terme la qualité de la relation de travail au sein des organisations et définira, en retour, leurs perspectives de croissance.


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