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« Chut, j’ai un call » : trouver l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée à l’ère du télétravail

Entreprendre - « Chut, j’ai un call » : trouver l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée à l’ère du télétravail

Docteur en sciences de la communication, formatrice et coach professionnel, Héloïse Tillinac publie un ouvrage consacré à l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle : « Chut, j’ai un call ! Trouver son rythme pour équilibrer vies familiale et professionnelle » (Editions Dunod). Une analyse initialement consacrée aux travailleurs indépendants, mais d’une actualité élargie à la quasi-totalité des salariés depuis le confinement et le développement du télétravail. L’occasion de faire le point sur les enjeux, les difficultés, mais aussi les solutions à mettre en œuvre.

Entreprendre – Vous publiez prochainement votre troisième ouvrage, « Chut, j’ai un call… ». Pourquoi ce titre ?

Héloïse Tillinac – A l’origine, mon travail d’étude était focalisé sur les travailleurs indépendants, à ce vaste mouvement vers l’indépendance dont le statut d’auto-entrepreneur est un des symboles, et qui est visible dans l’aspiration de plus en plus de professionnels à « plaquer » leur job pour se « lancer »… J’essayais de montrer, dans mon précédent livre, que ce choix en apparence libérateur était aussi porteur de contraintes dont il était bon d’être informé avant de créer son entreprise pour ne pas « déchanter ». Dans ce livre, je me suis intéressée plus particulièrement à l’impact du travail flexible sur les parents. Quand votre lieu de travail est aussi votre salon, et que vous avez des enfants, il n’est pas rare de devoir jongler entre deux statuts. De devoir « interrompre » la vie de famille au profit d’une réunion téléphonique. Et vice versa d’ailleurs… C’est cette dualité que tente de refléter, avec humour, le titre de l’ouvrage.

Entreprendre – Vous accompagnez des professionnels en phase de « transition », qui sont de plus en plus nombreux à se tourner vers la création d’entreprise

Héloïse Tillinac – Oui, les projets de reconversion occupent une place croissante dans les demandes des professionnels que j’accompagne, et débouchent souvent sur l’hypothèse d’une création d’entreprise. Entre l’envie et la traduction concrète, il y a toute une gamme de situations possibles mais disons que le CDI n’est plus la seule évidence.

Entreprendre – La crise sanitaire a-t-elle changé la donne du point de vue du rapport au travail ?

Héloïse Tillinac – Je constate chez les professionnels que j’accompagne que la perte de repères liée au confinement mais aussi le retour au travail, où les places des uns et des autres et la fluidité au sein des équipes se sont un peu perdues, a encore renforcé cette tendance à regarder du côté de l’entrepreneuriat. Ou du moins à reconsidérer la façon de travailler, dans sa dimension géographique notamment.

Le télétravail va être une vague de fond à laquelle les entreprises auront du mal à résister, et à laquelle elles doivent non seulement se préparer, mais aussi préparer leurs salariés… Car ceux-ci devront faire face à des difficultés qu’ils n’anticipent pas forcément, notamment dans la recherche de ce fameux « équilibre vie pro / vie perso ».

Entreprendre – Comment les entrepreneurs et indépendants ont-ils vécus le confinement ?

Héloïse Tillinac – Difficile de répondre à grande échelle d’autant qu’il y a sûrement autant de réponses que de situations. En fonction des secteurs (plus ou moins touchés par la crise), des types de structure (avec ou sans salariés) et tout simplement de leur maîtrise ou non des outils numériques, l’impact sur l’activité a été évidemment très différent.

Ce que je perçois c’est que les indépendants étaient, pour beaucoup, bien mieux parés psychologiquement pour travailler de chez eux et trouver leur rythme dans cette absence de cadres que les salariés. Ils étaient déjà nombreux à travailler d’un peu partout et un peu tout le temps. Et, pour ceux qui sont parents, la cohabitation avec les enfants faisait déjà partie du quotidien de nombreux indépendants. J’ai d’ailleurs commencé à écrire « Chut, j’ai un call ! » bien avant le confinement en m’appuyant sur les témoignages d’une cinquantaine de professionnels indépendants. L’idée alors était d’interroger l’impact de leur flexibilité dans leur équilibre vie pro/vie perso.

La grande nouveauté c’est que ce mode de vie professionnelle, réservé jusque-là aux non-salariés, s’est retrouvé testé à grande échelle. Je pense qu’il en sort une meilleure compréhension des enjeux propres aux indépendants et que la crise sanitaire vient, de ce fait, effacer un peu plus les frontières entre salariat et entrepreneuriat.

Entreprendre – La question de l’équilibre vie pro/vie perso serait différente entre salariés et entrepreneurs ?

Héloïse Tillinac – Oui, parce que la liberté dont disposent ces derniers permet à la fois un meilleur équilibre mais aussi un moins bon. Les salariés doivent créer un équilibre avec un certain nombre de données contraintes par l’extérieur. Les indépendants de leur côté sont leurs propres prescripteurs de rythme, d’organisation : ils sont donc beaucoup plus libres mais aussi beaucoup plus « responsables » de leurs choix. Cela augmente la pression ainsi que, dans le cas des parents par exemple, la culpabilité (de ne pas accorder assez de temps à ses enfants ou au contraire ne pas accorder assez d’énergie au développement de son activité).

Ce livre a été aussi l’occasion de découvrir des enjeux psychologiques propres aux indépendants notamment en termes d’identité et de reconnaissance. La qualité de vie au travail (QVT) de ces professionnels est un champ encore inexploré qui mérite d’autant plus d’être interrogé qu’on voit se dessiner aujourd’hui les contours d’un « entrepreneuriat alterné » : d’après certaines études prospectives, les carrières de demain alterneront des moments professionnels en tant que salariés et en tant qu’entrepreneurs. Et plus globalement, je suis convaincue que les enjeux du travail indépendant seront au cœur du travail de demain où flexibilité et autonomie occuperont une place centrale.

Entreprendre – Vous proposez dans votre livre des exercices d’auto-coaching, peut on avancer sur ces questions soi-même ?

Héloïse Tillinac – Je crois bien-sûr que rien ne remplace un accompagnement individuel « en chair et en os ». Mais je suis convaincue que les outils de ce type qui offrent une occasion de prendre du recul, de repenser ses priorités, ses perspectives sont un premier pas dans la construction d’un meilleur équilibre pro/perso. Il n’y pas de « recette » à l’équilibre, c’est ce que j’essaie de montrer dans le livre. C’est vraiment une notion propre à chacun en fonction de tout un tas de facteurs. Les exercices sont une base de réflexion sur les différentes dimensions qui dessinent les contours d’un équilibre idéal pour soi (et non pour le collègue ou le voisin). Je crois aussi beaucoup au partage d’expérience. C’est le but de la cinquantaine de témoignages apportés au livre : donner accès au vécu intime, subtil, de ceux qui travaillent en « mode flexible ». Donner la parole à ces professionnels me paraît essentiel aujourd’hui. C’est l’une des manières de les sortir de l’isolement, l’un des premiers challenges du travail flexible…


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