Le marché des trottinettes électriques, qui pèsera près de 40 milliards de dollars au niveau mondial en 2025, connaît une croissance phénoménale (+ 129 % entre 2017 et 2018). Si la trottinette est le moyen de micro-mobilité en vogue dans les centres-villes, notamment à Paris, les nuages s’amoncellent pourtant au-dessus du secteur.
Alors que deux utilisateurs sont décédés depuis début juin et que de nombreux acteurs se retirent de Paris (Bolt, Wind, Hive, Ufo, Tier), laissant planer un doute sur la solidité du modèle économique, le marché des trottinettes électriques souffre de fragilités. Spécialiste de la mobilité urbaine, Aymeric Weyland, cofondateur du Salon spécialisé Autonomy et de Fluctuo, une entreprise spécialisée dans l’analyse de données en micro-mobilité, livre son analyse sur l’avenir d’un secteur.
Le marché des trottinettes électriques en libre service a-t-il un avenir ?
Je pense qu’elles ont un bel avenir, car elles sont électriques, rapides et permettent de faire des trajets multimodaux. C’était encore quelque chose de très ringard il y a quelques années.
L’utilisation de ces modes de transport n’est pas sans risque. En France, plusieurs personnes sont décédées ou ont été blessées ces derniers mois. Ces accidents mortels sont-ils une menace pour l’avenir du secteur ?
Effectivement, on l’a constaté, le secteur manque encore de règles. Il faut donc en créer. Tout utilisateur est assujetti au code de la route. Il faut être maître de son engin. Dans un future proche, les mairies communiqueront davantage avec les opérateurs en demandant aux usagers de respecter des règles.
Selon une étude du Boston Consulting Group, le marché de la trottinette électrique en libre-service n’est pas rentable, en raison notamment de la durée nécessaire pour amortir le coût d’acquisition (quatre mois d’exploitation). Le modèle économique des principaux acteurs est-il défaillant ?
Tout dépend déjà du prix d’achat de la trottinette. Certains opérateurs en achètent beaucoup plus que d’autres, ce qui joue sur le prix de vente. Ensuite, des grands acteurs comme Jump, Taxify ou Scoot mettent des trottinettes sur le marché mais aussi des vélos et des chauffeurs. Leur idée est d’avoir un business général.
Trottinette par trottinette, ça peut ne pas être rentable. Mais si un opérateur arrive grâce à ses trottinettes à faire venir un nouveau client sur son application et que ce dernier commande par la suite un VTC, l’opérateur gagne son pari. Le but est de proposer un service multimodal (vélo, trottinette, voiture…), selon le concept « mobility as a service ».
L’augmentation des ventes de trottinettes électriques ne constitue-t-il pas la principale menace pour les acteurs du libre-service ?
Non. L’étude de 6T (bureau d’études spécialisé dans la mobilité — ndlr) montre que 33 % des utilisateurs sont des touristes. Or, ce ne sont pas eux qui ramèneront leur propre deux-roues.
On va donc passer à une économie d’usage : s’il fait beau, l’utilisateur prendra une trottinette ; s’il pleut, il se déplacera en métro. On aura également bientôt un « forfait mobilité ». Chaque utilisateur aura par exemple 400 euros pour se déplacer. En se projetant, on peut imaginer que le futur pass Navigo centralise une offre globale avec des scooters, des trottinettes et des vélos.
Certaines villes comme Barcelone, Valence, New York ou Seattle ont d’ores et déjà interdit les trottinettes électriques. Paris souhaite imposer des contraintes au niveau de l’utilisation, tandis que Berlin a imposé des règles strictes. Ces nouvelles réglementations sont-elles un frein pour le développement du secteur ou au contraire une opportunité ?
Des villes vont s’y opposer. Mais les acteurs du free floating (libre service) sont dans une optique de « mass market ». Pour que leur modèle soit rentable, il faut déployer le maximum d’engins en maximisant le taux d’utilisation des trottinettes. Si une ville s’y oppose, ces acteurs s’attaqueront iront ailleurs. A ce propos, la puissance de déploiement de Lime et Bird est hallucinante.
Il y a 16 000 trottinettes aujourd’hui dans Paris, et peut-être 40 000 en fin d’année. L’offre de vélos et de scooters se développe également. En parallèle, des acteurs comme Uber travaillent déjà sur des taxis-drones électriques. Comment voyez-vous évoluer la mobilité dans les années à venir ?
Les taxis-drones concerneront les trajets de plus de 20 kilomètres et soulèveront de nombreuses barrières juridiques. Quand la route est saturée, effectivement les moyens aériens et nautiques peuvent être une solution.
Ce qui est certain, c’est que la micro-mobilité va avoir une place dans nos déplacements. Mais il y a deux types de déplacements. La mobilité active, avec dépense de calories, comme la marche ou le vélo, dont la trottinette ne fait pas partie. Dans la mobilité du futur, il faut garder ce côté actif. Cette dernière sera multimodale, car il ne faut plus utiliser un VTC pour une courte distance.
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