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Vaccination : « Qui m’aime me suive ! »

Entreprendre - Vaccination : « Qui m’aime me suive ! »

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Tribune. Nous sommes le dimanche 29 mai  1328 à Reims, et c’est le jour du sacre du nouveau Roi, Philippe VI de Valois, qui accède au trône dans une France divisée entre ses partisans et ceux du roi d’Angleterre ; surnommé le « Roi trouvé » parce qu’il n’est  arrivé là que par hasard,  il a besoin de faire un éclat pour marquer ce jour de son empreinte.  Il faut qu’il s’assure de la fidélité des pairs du royaume, et pour ça, il réunit immédiatement un conseil   avec ses plus proches lieutenants, pour décider de l’opportunité de poursuivre sans délai la faction rebelle, ou d’attendre plusieurs mois, le temps de mieux se préparer. Devant son hésitation, le Grand Connétable de France lui suggère de choisir le courage et d’y aller ! C’est l’impulsion qui manquait à ce roi encore inexpérimenté, il serre celui-ci dans ses bras en s’écriant « Qui m’aime me suive ! ». C’est grâce à cette envolée lyrique qu’il va gagner la bataille de Cassel contre les Flamands et asseoir définitivement son autorité.

De César franchissant le Rubicon à la tête de ses légions à Bonaparte, tenant fièrement le drapeau tricolore et  s’avançant sur le pont d’Arcole, en passant par Henri IV exhortant ses compagnons d’armes à se rallier son panache blanc, l’histoire donne de nombreux exemples de ce qu’ont fait les chefs des armées en temps de crise et qui a  changé la donne.

Le geste royal du King

Tout comme l’histoire militaire, l’histoire de la vaccination est, dès l’origine, marquée par l’engagement public de ceux qui faisaient l’actualité, mais qu’on n’appelait pas encore des « people », même s’ils en étaient déjà ! Dans cette « guerre » plusieurs fois millénaire que mène l’humanité contre les virus qui veulent la détruire, il n’y a à ce jour que deux victoires ; seuls sont considérés comme éradiqués celui de la variole, entièrement, et celui de la poliomyélite, dont il ne reste que quelques cas dans seulement deux pays, le Pakistan et l’Afghanistan. Et ces succès n’ont pu être remportés qu’après des campagnes de vaccination massive, initiées ou relayées par les gens les plus connus et les plus importants de leur époque.

Ce fut le cas en 1956, alors qu’aux Etats-Unis la poliomyélite fait des ravages chez les adolescents , qui pourtant sont majoritairement réticents à l’idée de se faire vacciner. Le soir du 28 octobre, Elvis Presley, presqu’encore ado lui-même, participe au Ed Sullivan Show sur la chaîne CBS ; en direct et devant près de soixante-et-un million de téléspectateurs, il remonte, avec ce sourire éblouissant qui était le sien, la manche de son pull et reçoit son injection. Pari réussi, dès le lendemain, on observera une hausse de 80% des demandes de vaccination chez les jeunes américains !

Une pionnière, lady Mary Montagu

C’est l’histoire d’une petite fille qui voulait « attraper le soleil couchant », courait après sa boule de lumière, et finit par contribuer à éradiquer un des plus grands fléaux de la planère, la variole, responsable de centaines et de centaine de millions de morts. Fille de l’aristocratie britannique, elle épouse en 1712 un Lord anglais et le suit à Istanbul où il vient d’être est nommé ambassadeur. C’est dans cette ville qu’elle a rendez-vous avec le destin. Très curieuse et ouverte d’esprit, elle fréquente les habitantes de cette ville et découvre leur culture et leur mode de vie, qu’elle décrit dans les lettres quelle adresse à ses nombreux correspondants partout en Europe ; compilées dans un ouvrage, « Les lettres turques », ce témoignage a un tel intérêt historique et sociologique qu’il est régulièrement réédité et toujours disponible sur Amazon ou Fnac.com .

Mais son sujet de prédilection, c’est la « variolisation », une pratique des femmes turques pour protéger leurs enfants de la terrible variole ; cette technique consistait à les mettre en contact avec des croûtes et du pus d’un malade pour les immuniser. Lady Mary fit « varioliser » sa fille par le chirurgien du Roi, en présence de toute la Cour. Dans la foulée, les deux petites princesses d’Angleterre, Caroline et Amélie, furent également traitées par cette méthode. La voie était ouverte pour Edward Jenner et son vaccin.

Une illusion bénéfique

Ce qui s’est passé à la Cour du Roi Georges Ier au XVIIIème siècle, ou devant les écrans de télé aux USA au XXème siècle, s’explique par ce que le psychanalyste Didier Anzieu a appelé la « dynamique des groupes », discipline qui rend compte de toutes les interactions émotionnelles entre les différents membres d’un même groupe . Pour Lady Mary, il s’agissait de la noblesse anglaise, et pour Elvis Presley, de ces nouveaux rebelles qui envahissaient la littérature et le cinéma, et qui étaient un peu comme les chevaliers de l’époque. Deux groupes de « dominants » qui suscitaient fierté et  admiration, et auxquels tous cherchaient à appartenir. Et le meilleur moyen d’y parvenir c’était de les imiter, de faire « comme si », comme si on était eux, qu’on pensait et qu’on se conduisait comme eux. C’est ce que Didier Anzieu a appelé « l’illusion groupale », et, pour lui, c’est le ciment du groupe : puisque tout le monde se ressemble, personne n’attaquera personne, tout le monde veillera sur tout le monde et quoi qu’il arrive, tous y  seront en sécurité. C’est ce qui fait que les membres d’un groupe lui sont attachés et se préoccupent de sa bonne marche, leur existence dépendant de celle du groupe.

Un besoin de maternage

L’histoire de la vaccination a été écrite par des mères qui voulaient sauver la vie de leurs enfants, et qui, non seulement ont sauvé les leurs, mais aussi tous les autres. Avoir une « bonne mère » à leur tête, c’est ce que cherchent tous les groupes quand leur situation est critique et que pèse sur eux une angoisse à la limite du supportable. L’entreprise a tout pour jouer le rôle de cette figure maternante, particulièrement nourricière et consolatrice : elle procure à ses employés de la bonne nourriture, en leur versant primes et salaires, et peut aussi les consoler, surtout si elle comprend et applique que consoler ce n’est pas plaindre, c’est saluer le courage !

Catherine Muller
Docteur en psychologie
Member of the World Council of Psychotherapy
Member of the American Psychological Association


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