C’est une information qui n’a pas fait la Une des médias internationaux puisqu’elle ne bouleverse la vie quotidienne « que » de quelques dizaines de milliers de personnes seulement, mais qui, en Chine, en dit long sur le chantier énorme engagé, à tous les niveaux, pour lutter contre la pauvreté.
Dans le sud du pays, deux districts des provinces du Guizhou et du Yunnan se font face, séparés par la rivière Niulan. Seul moyen pour les habitants de Weining d’un côté et de Huize de l’autre de traverser, des nacelles, suspendues à un câble au-dessus de l’eau, et tirées par des cordes. Pour commercer, pour faire traverser le bétail, pour aller travailler ou se soigner, pour se rendre à l’école ou chez des proches, la population n’avait depuis des lustres que ce moyen. Depuis 2013, le gouvernement local s’est engagé à remplacer toutes les nacelles par des ponts, partout où cela était nécessaire.
Le chantier est gigantesque, mais il en dit long sur la vague de réformes, d’aides, de chantiers et de restructuration engagée par la Chine pour éliminer la pauvreté dans le pays. Cela se retrouve dans tous les domaines. Les villages enclavés sont désormais desservis un peu partout par des routes. Le réseau ferré s’est développé au point que ses lignes à grande vitesse se placent désormais au premier rang mondial, représentant 35.000 km du total de 139.000 km de voies ferrées. L’éducation tient, bien sûr, une grande place dans ce dispositif, avec la formation des enseignants dans les zones rurales, le développement du multimédia adapté à l’éducation… Dans les zones rurales très pauvres, le principe des « deux exemptions et une indemnité » (en milieu rural, exemption des frais de manuels et des frais divers gratuits, et indemnité de subsistance versée aux élèves en internat) est appliqué durant toute la période de scolarité obligatoire.
Un rapport du Ministère chinois de l’Éducation indiquait, fin novembre 2019, que les établissements d’enseignement professionnel du secondaire avaient joué un rôle actif dans la réduction de la pauvreté. Il existe 347 établissements d’enseignement professionnel du secondaire dans les zones d’extrême pauvreté, avec près de 600.000 élèves inscrits. Et environ 142.000 diplômés de ces écoles ont trouvé un emploi en 2017, avec un taux d’emploi supérieur à 90%, indique le rapport. Plus de 2,5 millions d’élèves de ces établissements avaient reçu des bourses et des subventions en 2017, dont la moitié provenait des régions occidentales du pays, précisait le rapport.
Tous ces efforts conjugués produisent des résultats. Depuis sa fondation en 1949, la République populaire de Chine a permis à plus de 800 millions de personnes de sortir de la pauvreté, contribuant pour plus de 70% à la réduction de la pauvreté dans le monde. Beijing a également promis d’éradiquer complètement la pauvreté d’ici 2020, soit dix ans avant la date limite fixée par l’ONU dans son agenda 2030 pour le développement durable.
Un succès reconnu jusqu’aux États-Unis, pourtant avares de compliments sur la Chine. Pour Bernie Sanders, candidat à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle américaine de 2020, « la Chine et ses dirigeants ont fait davantage de progrès en matière d’éradication de l’extrême pauvreté qu’aucun autre pays dans l’histoire des civilisations ».
Lors de son arrivée à la tête du pays, le président Xi Jinping a fait de la réduction de la pauvreté l’une de ses priorités. Et cette baisse va, de pair, avec les innombrables réformes de l’économie chinoise, qui ont fait de la Chine sa deuxième économie mondiale.
Les répercussions de cette vitalité économique se ressentent à la base. Le produit intérieur brut chinois a progressé en moyenne de 9,5 % par an depuis quarante ans. De ce fait, la Chine, qui représentait 1,8 % du PIB mondial en 1978, produit désormais 15 % de la richesse mondiale. Et le revenu moyen disponible pour la Chine entière a bondi, passant de 171 yuans en 1978 à 26 000 (3324 euros) aujourd’hui, permettant de faire reculer la pauvreté de plus de 94 points de pourcentage.
C’est dans les campagnes surtout que la qualité de vie des habitants s’est améliorée dans tous les domaines. En 2017, le revenu moyen disponible par habitant en milieu rural (calculé selon les prix constants de 1978) s’élevait à 2 106,9 yuans, contre 133,6 yuans en 1978. Le revenu a donc été multiplié par 15.
Du coup, la capacité de consommation des foyers s’est nettement améliorée. Dans les campagnes toujours, la consommation moyenne par habitant (calculée selon les prix constants de 1978) a atteint 1 719,8 yuans en 2017, ce qui représente 14 fois celle de 1978. Le coefficient Engel (part du revenu allouée aux dépenses alimentaires) est passé de 67,7 % en 1978 à 31,2 % en 2017, soit une baisse de 36,5 %.
Cette forte croissance économique a, bien évidemment, fortement contribué à la réduction de la pauvreté dans le pays, mais elle a aussi accentué les écarts de revenus et aggravé la pauvreté régionale. D’où une série de mesure pour favoriser le développement de ces régions pauvres. Un détail en particulier : entre 2001 et 2010, le gouvernement a renforcé l’aide accordée aux 150 000 villages pauvres. Résultats : la croissance annuelle du revenu net par habitant de ces villages a été supérieure de 3 % à la moyenne des régions rurales du pays. L’écart entre le revenu dans les régions défavorisées et le revenu moyen de l’ensemble des régions rurales a diminué. La part du revenu moyen par habitant des districts défavorisés dans le revenu moyen par habitant de l’ensemble des régions rurales est passée de 51,8 % en 1985 à 68,4 % en 2016.
La finance vient également en aide à ce grand mouvement national, particulièrement la microfinance. Au total, 14,825 millions de ménages pauvres ont bénéficié d’un coup de pouce financier pour développer leur production, avec 587,13 milliards de yuans de prêts contractés et 234,68 milliards restant à rembourser. Le taux d’obtention des prêts par les ménages pauvres est monté en flèche jusqu’à atteindre 49,5 %, contre 2 % en 2014. Grâce à ce mécanisme, en moyenne, il existe à ce jour 17 entreprises implantées à l’échelle de la ville ou au-delà dans chacun des 832 districts défavorisés; et 2 communautés vivant selon une économie collective dans les 128 000 villages nécessiteux.
Il y a aussi des domaines très particuliers de l’économie qui participent de ce grand mouvement. Le tourisme rural en est un. Avec d’une part l’amélioration du niveau de vie général en Chine qui fait que de plus en plus de Chinois voyagent, à l’étranger certes, mais de plus en plus dans leur pays, et d’autre part la valorisation des atouts du pays, tant en termes patrimoniaux qu’environnementaux, le tourisme rural devient une manne appréciable pour les régions reculées et rurales. La décision de l’Etat chinois de promouvoir le tourisme rural comme moyen efficace de combattre la pauvreté a été saluée par l’Organisation mondiale du Tourisme.
Autre secteur, plus inattendu celui-là, celui des sociétés de livraison. L’explosion de l’e-commerce en Chine est, pour beaucoup, dans l’essor de l’économie chinoise en général, mais participe également à réduire les inégalités. Les entreprises de livraison ont notamment soutenu l’an passé 905 projets dans le but de promouvoir les ventes de produits agricoles locaux et de spécialités locales. Pour 23 de ces projets, cela représente plus de 10 millions de livraisons chaque année, selon les chiffres du Bureau national des postes (BNP). Les grandes sociétés de livraison ont créé plus de 268.000 emplois dans les régions pauvres. Les produits ainsi livrés représentent une valeur de 367 millions de yuans (environ 51,8 millions de dollars).
Au cours des trois premiers trimestres de cette année, ces sociétés ont développé plus de 1.100 projets similaires, contribuant à faire vendre dans les zones urbaines du pays 284.000 tonnes de produits agricoles locaux et de spécialités locales (+69%), avec un volume total de transactions de 3,88 milliards de yuans (+ 25,6%). Les ventes en ligne de produits agricoles dans les districts répertoriés « pauvres » au niveau national, ont atteint 110,99 milliards de yuans au premier semestre 2019, en hausse de 29,5% par rapport à l’année passée, selon les mêmes sources.
Des exemples tels que ceux-là se retrouvent dans quasiment tous les pans de l’activité économique chinoise. Le secteur culturel n’est pas en reste. Début novembre 2019 par exemple Nanchang, capitale de la province du Jiangxi, a accueilli la vingtième édition du Festival des aliments de Chine, avec l’objectif d’aider les zones déshéritées à accroître leurs revenus. « La plupart des matières premières et accessoires nécessaires à l’industrie de la restauration sont des produits agricoles primaires, et l’achat à grande échelle de ces produits dans les zones pauvres peut effectivement accroître les revenus des agriculteurs locaux », a déclaré Han Ming, directrice de l’Association de la restauration de Chine.
Pour le festival, les exposants des zones déshéritées ont bénéficié d’une exemption totale de frais. Les organisateurs ont même servi d’intermédiaire entre les exposants et les entreprises de restauration pour engager des discussions commerciales.
Le Xinjiang, pour sa part, très vaste province autonome ouïgoure du nord-ouest de la Chine, a opté dans le courant de 2019 pour une action très spécifique et dynamisante pour la région. L’ensemble des bénéfices d’une centrale photovoltaïque installée sur le plateau du Pamir ont été utilisés pour réduire la pauvreté. La centrale de 20.000 kilowatts située dans le district autonome tadjik de Taxkorgan a produit plus de 46 millions de kilowattheures. Créée en mai dernier, elle est la première et la seule centrale photovoltaïque au Xinjiang dédiée à la réduction de la pauvreté. Elle peut générer des bénéfices annuels d’environ 20 millions de yuans (2,83 millions de dollars), soit à peu près un sixième des recettes budgétaires de Taxkorgan, selon le gouvernement local. « La centrale peut non seulement aider les pauvres, mais aussi promouvoir la revitalisation des zones rurales et le développement des industries typiques », a déclaré Fan Lei, haut responsable du district. Surnommé « le district le plus proche du soleil » au Xinjiang, Taxkorgan se situe à une altitude moyenne de plus de 4.000 mètres. En raison des conditions naturelles rudes, il s’agit également d’un des endroits les plus difficiles de la région en matière de réduction de la pauvreté.
Les initiatives pour lutter contre la pauvreté ne proviennent pas seulement des gouvernements, qu’ils soient provinciaux ou central, mais aussi du secteur privé. Depuis 2015, les entreprises chinoises privées ont été incitées à participer à l’effort national. Plus de 88.000 entreprises privées en Chine ont contribué à plus de 13,9 milliards de yuans (1,99 milliard de dollars) d’investissements dans la lutte contre la pauvreté. Ces chiffres ont été rendus publics mi-octobre 2019 à Beijing lors d’un forum sur l’action nationale de réduction ciblée de la pauvreté. Fin juin, ces entreprises avaient créé 661.500 emplois et 941.000 personnes avaient reçu une formation,
Ces actions tous azimuts ne laissent pas indifférents les autres régions et pays du monde qui, pour beaucoup, se débattent depuis des décennies contre la pauvreté. Mi-novembre 2019, s’exprimant dans les médias, le directeur général du Bureau de Prospective économique du Sénégal, Moubarack Lo, a appelé les Africains à s’inspirer des stratégies mises en place par le gouvernement chinois, soulignant que « la République populaire de Chine a enregistré, depuis 30 ans, un franc succès dans la lutte contre la pauvreté. Ces hautes performances résultent de stratégies protéiformes mises en place par le gouvernement chinois », a analysé l’économiste, citant l’agriculture, considérée comme « le premier moteur de la réduction de la pauvreté qui est d’abord rurale ».
M. Lo a ajouté que « le deuxième instrument de lutte contre la pauvreté en Chine concerne la mise en œuvre de politiques sociales dédiées ». De même, a-t-il expliqué, « la qualité de l’assistance ciblée aux personnes démunies et d’éradication précise de la pauvreté a ainsi fortement contribué à accélérer le processus d’éradication de la pauvreté ».
La Chine a, selon lui, pu notamment assurer une couverture totale des régions et des personnes pauvres par l’assistance et la sécurité sociale. Pour l’économiste, la Chine est en phase avec plusieurs principes considérés comme de bonnes pratiques en matière de lutte contre la pauvreté. Il a également évoqué une ferme volonté politique et un bon leadership, soulignant que « c’est le chef de l’Etat Xi Jinping lui-même qui est le champion de la lutte contre la pauvreté ».
Il a également mis en évidence un fait saillant de cette lutte acharnée : 70% des programmes de lutte contre la pauvreté sont exécutés au niveau local, par le biais de contrats de performance. De plus, l’utilisation des fonds est également évaluée et supervisée par la communauté bénéficiaire et par des experts mobilisés à cet effet. Il importe de poursuivre activement les échanges d’expériences entre l’Afrique et la Chine sur les stratégies de lutte contre la pauvreté.
Il n’est pas le seul à le penser. Le mois précédent, des universitaires kényans avaient lancé un appel à l’Afrique l’invitant à suivre le modèle de développement de la Chine afin de réduire la pauvreté. Joseph Onjala, professeur d’économie à l’Université de Nairobi, a déclaré à l’agence de presse Xinhua que la Chine « offre de nombreux enseignements pour l’Afrique grâce à son miracle économique qui s’est fortement appuyé sur une optimisation du capital humain ».
Au cours des sept dernières décennies, la Chine a sorti de la pauvreté plus de 800 millions de personnes, ce qui constitue le plus grand exploit de l’histoire dans ce domaine, avait déclaré en octobre dernier le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, dans ses vœux adressés au 70e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine.
L’ex-présidente de l’Assemblée générale des Nations Unies, Maria Fernanda Espinosa Garcés, avait renchéri en jugeant que les efforts accomplis par la Chine constituaient un exemple pour d’autres pays. Le président de la Nouvelle banque de développement (NDB), Kundapur Vaman Kamath, avait noté, pour sa part, que jamais dans l’histoire de l’humanité, un pays n’avait sorti des centaines de millions de personnes de la pauvreté en si peu de temps, les conduisant sur le chemin d’un développement durable.
Et lors de la sixième Journée nationale de lutte contre la pauvreté, qui tombe le 17 octobre de chaque année, la Chine s’était justement dite prête à partager ses expériences en matière de réduction de la pauvreté.
Le mot de la fin revient à Robert Kuhn, président de la fondation portant son nom qui, dans une récente interview accordée à Xinhua, avait affirmé : « Quand les historiens du futur écriront le récit de notre époque, l’une des caractéristiques pourrait bien être la réduction ciblée de la pauvreté en Chine ».