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Quand l’Alsace ressemble à Las Vegas grâce au Royal Palace

Copyright des photos Antoine Bordier

Ah l’Alsace, en ce joli mois de juillet, avec ses forêts verdoyantes, ses maisons à colombages et sa biodiversité…Ah Kirrwiller : c’est le petit village où il faut être. Surtout lorsqu’y sonne la dernière représentation de Frénésie, un spectacle à couper le souffle, apprécié par près de 200 000 personnes. Au gouvernail du 2è cabaret de France : Pierre, Cathy et Mathieu Meyer, leur fils. Reportage au cœur de la famille et au beau milieu des artistes.

Wolfgang Beyer est un ami de Pierre Meyer. Ce septuagénaire à la voix de stentor a démarré sa vie professionnelle comme artiste-musicien. Il jouait avec les orgues, les pianos et les trompettes. Pendant une dizaine d’années, il a sillonné la France et l’Allemagne avec son groupe Rockies. Et, puis, il a raccroché les instruments de musique. Il s’est rangé. Il est devenu entrepreneur, avec son épouse, Madeleine, et ses enfants, dans le secteur de l’assurance, de l’immobilier et des nouvelles technologies de l’information. Au fil des années, il a entretenu, continuellement, sa voix. Il chante, encore, accompagné de ses deux fils Max et Tommy. Sa fille, Daisy est sa seconde fan !

Tout naturellement au début des années 70, il rencontre et devient l’ami de Pierre Meyer. Les parents de Pierre ont, déjà, un dancing. C’est le début de cette longue histoire inimaginable. Une histoire de conte de fées.

Wolfgang connaît la route par cœur. De Dossenheim, où il vit avec toute sa famille – un clan très soudé – il lui faut 19 minutes pour rejoindre le village de Kirrwiller. Kirrwiller ? Un petit village de 559 habitants, qui reçoit chaque soir, depuis l’ouverture de la saison en septembre (2022), jusqu’au 1er week-end de juillet (2023), près de 1000 personnes. 250 soirées complètes qui vont illuminer la nuit des villageois. Mais, attention, de l’extérieur, vous n’entendez rien. Seule, la salle des fêtes de la mairie, ce dernier soir de représentation, fait du bruit. Sans doute un mariage. Pour le Royal Palace, même si le bâtiment de 8000 m2 (avec les étages) en impose, la discrétion est de mise. Pour goûter à la promesse du spectacle, il faut pousser ses portes et gravir les escaliers. Vous n’êtes pas à Cannes. Vous êtes à Kirrwiller. Et, là vous changez de dimensionnement. Comme dans Alice au Pays des Merveilles, une magie s’opère. C’est d’abord la décoration, l’ambiance, l’accueil bienveillant et souriant des hôtes et des hôtesses, qui prend le spectateur par la main. Wolfgang, lui, les a dans les poches. Il monte tranquillement les escaliers aux mille couleurs. Tout le monde le salue, il est à l’aise. Il est un habitué des lieux depuis…40 ans !

M comme Meyer, la mélodie du bonheur

Pierre et Wolfgang sont comme des frères. « Nous avons presque le même âge. Moi, j’ai, déjà, 71 ans, et lui, les aura bientôt ! » Au début, dans les années 1980, lorsque Pierre a eu cette idée folle d’ouvrir un cabaret dans un patelin, Wolfgang était là, les outils à la main. Puis, maintenant, depuis qu’il est grand, c’est son fils qui s’occupe du son, de la vidéo et des lumières avec les techniciens hors-pairs de Pierre.

Il passe inaperçu Pierre, avec sa fine moustache, sa chevelure de quadragénaire, et son complet veston gris clair de cabaret. Quelle tendresse il a pour sa moitié, Cathy. « Cela fait 43 ans que nous travaillons ensemble, et, comme vous pouvez le voir, elle est fidèle au poste. » Ils échangent un doux baiser, sous une lumière tamisée. Maquillée comme une jeune demoiselle qui a reçu la permission de sortir pour la première fois au bal, Cathy Meyer est bien là, derrière son comptoir de caissière. « Je m’occupe, aussi, de la décoration intérieure, explique-t-elle. Tout ce que vous voyez du sol au plafond, en passant par les murs et le mobilier, est mon œuvre. » Elle se rassoit derrière son comptoir.

De l’autre côté se trouve l’immense restaurant. L’ambiance est festive, les artistes se suivent et ne se ressemblent pas pour animer en musique le dîner. La Francophonie est à l’honneur. Dans la salle du restaurant, au nom de Majestic, plus de 500 convives ont pris place. « Nous avons, également, un autre restaurant : Le Versailles. »

Pierre accompagné de Wolfgang commence la visite du cabaret. « C’est notre avant-dernière représentation. Demain, c’est le bouquet final… » Une page se tourne : celle de la saison de Frénésie.

Un cabaret en plein village !

Il faut remonter bien loin, pour comprendre pourquoi cette terre agricole est devenue une terre de cabaret. « Mon père, François, était instituteur. Il épouse en 1946 ma mère, Lucie Adam, qui est l’heureuse propriétaire de l’Hôtel-Restaurant Le Dancing. C’est comme cela que tout a démarré ». Pierre, à 14 ans, est apprenti-cuisinier au casino de Niederbronn. Après son CAP de cuisinier, il rejoint ses parents. Il transforme l’affaire familiale et attire de plus en plus de monde en proposant tous les mois des dîners dansants.

Au même moment, alors qu’il raconte son histoire, dans la salle du restaurant de 800 places, l’animateur annonce aux 500 convives : « Je vous demande votre attention car nous fêtons ce soir les 90 ans de… » L’ambiance du cabaret est bon-enfant. « Nous donnons du bonheur et du plaisir aux gens », ajoute Cathy, avant de répondre à un coup de téléphone. « Oui, c’est notre avant-dernière représentation. Demain est le bouquet final. Mais nous sommes complets… » La musique monte le son.

Un Las Vegas à l’Alsacienne

C’est, ainsi, que Wolfgang appelle ce lieu. « Je le connais presque par cœur. Mais, il s’améliore toujours. Cela fait une trentaine de fois que j’y mets les pieds. Et, Max, mon fils, est, également, au service, dans les coulisses. » Wolfgang a mis les pieds une fois à Las Vegas, il en est certain : « Le Royal Palace n’a rien à envier à Las Vegas. Et, les gens l’ont bien compris. » André l’atteste : « Cela fait trois fois que je viens cette année », dit-il ravi.

Si la magie des lieux opère, il a fallu plusieurs dizaines d’années d’investissement et de travail pour en arriver-là. Et, tout démarre en 1980. « Cette année-là, j’ai fait venir de Paris, des artistes du show-biz, et nous avons commencé à grandir », se souvient Pierre. En 1989, le premier dîner-spectacle voit le jour. Entre-temps, des investissements proches du million d’euros ont commencé à transformer ce qui s’appelait Adam Meyer en Royal Palace. Le nom est définitivement adopté en 1996.

Les investissements ne vont pas s’arrêter-là. « Nos clients venaient de toute la France, d’Allemagne, de Suisse et d’Italie, ajoute Pierre, et nous étions obligés de refuser du monde. Nous avons dû investir de nouveau. » Un théâtre de 1000 places sort alors de terre, ainsi que le nouveau restaurant au nom évocateur : « Le Versailles ».

Le cabaret prend son envol. Les stars du show-biz se déplacent et viennent voir ce phénomène inédit. « Patrick Sébastien est un ami. Il venait chez moi pour son émission Le Plus Grand Cabaret du Monde. Il avait besoin d’artistes. Il trouvait les meilleurs chez nous… » Lancée en 1998, cette émission, qui s’est arrêtée en 2019, est l’une des plus populaires du PAF (Paysage Audiovisuel Français).

Pierre va et vient dans son restaurant Le Majestic. « C’est là où j’ai démarré mes premiers spectacles, précise-t-il. J’ai développé cette scène en 1989. Nous produisons nous-mêmes nos spectacles. Le challenge était celui-là : il fallait 300 personnes tous les soirs, 5 fois par semaine et pendant 6 mois. » Le cuisinier de métier, qui faisait des buffets campagnards, des bœufs à la broche, pendant que « Wolfgang jouait sur cette scène », se retourne et montre l’ancien emplacement, l’ancienne scène. Séquence émotion.

Dans les coulisses du Royal Palace

Pierre se lève, suivi de Wolfgang. La visite des coulisses commence. Nous sortons du restaurant. Empruntons un long couloir, à la décoration à la fois douce et flamboyante. Le “pacha”, comme l’appelle certains artistes, s’arrête devant un pan de mur bleu. C’est une porte dissimulée. Il l’ouvre, et nous arrivons devant le théâtre. Il est magnifique. Nous sommes seuls sur scène. La profondeur du plateau est incroyable. « Nous avons 1000 places, ici, 1000 places aux restaurants. Et, nos artistes évoluent dans un espace de 600 m2. Nos équipements n’ont rien à envier à ceux de Las Vegas… » Pierre regarde sa montre : « Dépêchons-nous, car le spectacle va commencer dans 20 mn. » Nous sortons du théâtre, obliquons sur la droite. Hâtons le pas.

Après l’année 1989, l’année 1996 marque un tournant dans la stratégie de développement du Royal Palace. Puisque dans un premier temps le dîner et le spectacle étaient liés. Depuis, ils sont séparés. En 1996, sont ajoutés à l’éco-système du Palace des boutiques et une cave. « Après le spectacle, qui dure 1h45, nos clients se rendent, ensuite, au Lounge Club. Il a été ouvert en 2015. » Un lieu qui ressemble à une boîte de nuit, mais sans le bruit assourdissant, qui vous éclate les tympans en une seule soirée. Ici, l’ambiance est soft, des mini-salons entourent une piste ronde. A l’entrée, des colosses en statue sont les gardiens de ce temple de dancing. La musique y est douce. A l’étage, des canapés à l’infini. Et, une passerelle vitrée qui surplombe la piste de dance. Des danseuses, des danseurs et un trompettiste empruntent un ascenseur sorti des entrailles de l’édifice, presque de nulle part. Ils montent jusqu’à l’étage. Des groupes, des comités d’entreprise ont pris place dans leur salon réservé. Au plafond, des lumières par centaine et des sons sortis d’un orchestre philharmonique digitalisé sont déployés. Dans l’équipe technique, Max, le fils de Wolfgang ne chôme pas. Il est à fond.

A comme Artistes, F comme Frénésie

Les restaurants se sont vidés. Après deux heures passées à table à déguster les mets locaux, dont le quasi de veau en cuisson lente, entouré d’un écrasé de pommes de terre aux truffes, sur un lit de petits légumes biologiques, les 700 convives se dirigent, d’abord, vers le théâtre où ils prennent place. Puis, ce sera le Lounge Club. L’ambiance est festive et de qualité. Aucun excité à l’horizon. C’est bon signe. Ici, au Royal Palace se retrouve l’Europe de l’Ouest, celle des citadins et des villageois aux racines profondément ancrées dans le savoir-vivre à l’Alsacienne. Pendant le repas, les chansons allemandes, italiennes et françaises, anglaises, ont magistralement étoffé les cliquetis des couteaux et des fourchettes. Les anniversaires ont été fêtés, les verres se sont entrechoqués pour souhaiter tout le bonheur du monde. Les deux heures qui viennent vont réserver de multiples surprises.

« Je suis très objectif, insiste Wolfgang, pour dire que ce à quoi vous allez assister est unique en France, unique en Europe et, peut-être unique au monde. » Effectivement, Frénésie concentre une quarantaine d’artistes, de la meneuse de revue, aux chanteurs, en passant par les danseurs et les danseuses, les jongleurs et les jongleuses, les contorsionnistes, les magiciens et les magiciennes, les jongleurs et les équilibristes, les illusionnistes…Epoustouflant, mirobolant et presque extasiant. Les superlatifs de la langue de Molière ne suffisent pas pour qualifier la qualité de ce spectacle haut en couleur, haut de forme et de fond à la fois. La chambre de vos souvenirs est grande ouverte.

Imaginez ! Elsa de Laroche, une jeune héritière (la meneuse de revue) vient d’hériter d’un hôtel : Rêverie Hôtel. Elle est à la recherche de la célèbre clef qui ouvre la Chambre des Rêves. Avec son directeur et son stagiaire, dans la vraie vie Jérémy Amelin et Patrick Riandiere, Lisa-Marie Bertoni va faire tourner la tête aux spectateurs.

Vers minuit, c’est, déjà, la fin. Chacun peut regagner son carrosse. Mais, il est encore trop tôt pour quitter le Royal Palace. Comme dans un conte, après 5 minutes de tonnerre d’applaudissements qui ont enflammé, côté public, le théâtre, les 700 participants se dirigent avec frénésie dans un silence quasi monastique teinté de rêveries, les yeux revisitant la dizaine de tableaux artistiques qui viennent de se terminer, vers le Lounge Club. Mi-boîte de jazz, mi-boîte de nuit, ils vont passer du stade de spectateurs au stade d’acteurs, d’artistes, de danseurs. A vous la piste !

Des projets, des projets, toujours des projets

Dans quelques heures, le Royal Palace fermera, déjà, ses portes. Les 6 heures qui viennent de s’écouler n’ont pas vu un seul bâillement. « Nous allons, dès demain, tout démonter, expliquent Mathieu et sa femme Sarita (la magicienne), et nous allons faire place nette. Notre saison se termine. Nous allons refaire tous les décors. Après notre spectacle Frénésie, nous donnons rendez-vous pour le lancement du prochain : Grand Amour. » En voici le synopsis, en avant-première : « Dans un futur lointain, l’Amour a depuis longtemps disparu de la surface de la Terre. Un chercheur de renommée internationale fait une découverte inespérée : une capsule millénaire contenant un journal intime. Convaincu que l’Amour n’est pas une légende, il organise une grande cérémonie d’ouverture de ce trésor… »

Pour l’heure, Cathy et Pierre confie les clefs de leur palais à Mathieu. Pas de carrosse. Ils regagnent leur domicile situé au village de Kirrwiller…à pied. Bras dessus, bras dessous, ils n’ont pas l’air fatigué.

Leurs multiples projets les tiennent en éveillent. Le dernier en date ? Il s’agit de l’ouverture dans les 5 années qui viennent d’un hôtel 4 étoiles. « Nous voulons, encore, monter en gamme », explique Pierre, avec une grande simplicité presque gênée. Comme s’il s’excusait de son ascension, de sa réussite, des fruits multiples que lui a prodigués son travail. Là, encore, des millions d’euros vont être investis dans le village. Les lumières s’éteignent une à une…

Ah, j’allais oublier : le Royal Palace ne profite pas qu’aux adultes. Au moment de Noël, sa magie lumineuse opère dans tout le village, pour le plus grand bonheur des plus petits, des enfants qui prennent possession des lieux. Dans leurs yeux, brillent des étoiles filantes.

Depuis longtemps, à Kirrwiller, il n’y a plus de sorcières, juste des âmes virevoltantes et légères. Des âmes d’enfants.

Reportage réalisé par Antoine BORDIER                     


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