Par André VILLIERS, Député de la 2e circonscription de l’Yonne
Tribune. L’épisode de gel tardif qui a sévi début avril, le bilan parlementaire de la loi Égalim sur la rémunération des agriculteurs début mai, ou encore l’élaboration en cours de la prochaine PAC, sont autant d’occasions de rappeler la difficile condition de nos agriculteurs et combien nous devons, urgemment, les aider.
Une grande détresse
Pertes de revenus, aléas climatiques, surendettement, solitude, agribashing… Sans oublier une crise sanitaire qui a aggravé leur situation au moment même où nos agriculteurs devaient nous nourrir sans faillir. Nombreuses sont les sources du désarroi agricole.
Les chiffres l’illustrent. Un par jour : c’est le nombre moyen des suicides dans le monde agricole.
Deux pourcents : c’est la décroissance du nombre d’agriculteurs chaque année.
On ne compte plus les fermetures définitives d’exploitations et de fermes.
Si beaucoup de nos agriculteurs sont dans une grande détresse, nous ne sommes pas pour autant dépourvus de tout moyen d’action. A condition, bien sûr, d’avoir la volonté politique d’agir et de comprendre la terre.
Conclure une “pax agricultura”
En dépit de la loi Égalim, la guerre des prix alimentaires entre industriels et distributeurs prive toujours les agriculteurs d’une juste rémunération. Ils restent la variable d’ajustement dans la formation des prix des produits alimentaires. Ainsi supportent-ils, seuls, les efforts consentis par la filière agroalimentaire pour préserver le pouvoir d’achat des Français.
C’est ce que confirmera le débat que l’Assemblée nationale organise le 3 et 4 mai, dans le cadre de sa “semaine de contrôle”.
Il est temps de mettre un terme à cette guerre des prix.
Le Gouvernement doit conclure d’urgence une véritable “pax agricultura”. Cela est possible en mettant en œuvre les recommandations prioritaires de Serge PAPIN. Ce dernier a remis fin mars au Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation un rapport sur les négociations commerciales pour faire le bilan de la loi Égalim et trouver un terrain de conciliation entre industriels et distributeurs. L’ancien PDG de Système U y formule neuf recommandations. La plus importante est la sanctuarisation des prix agricoles par contrat.
Mobiliser la solidarité nationale
Début avril, le combat était trop inégal et sans merci. Après avoir lutté pied à pied, centimètres par centimètres, nuit après nuit, pour protéger le fruit de leur travail, nos agriculteurs, viticulteurs et arboriculteurs ont été submergés par une vague de gel tardif, exceptionnelle par son ampleur et son intensité. Rares ont été les régions de France épargnées. Rares ont été les terroirs ménagés de ces ravages. Quelle désolation partout en France !
Dans le département de l’Yonne, par exemple, plus de 80% des productions agricoles ont été détruites : vignobles et cépages ravagés, cerisiers à fleurs anéantis, champs de betteraves gravement touchés.
Au lendemain de nuits de protection au coût exorbitant, entendez un peu : un hectare à protéger avec les chaufferettes équivaut à 4000 euros ! Qui peut se le permettre ? Peu d’agriculteurs bien sûr. C’est un paysage de désolation qui s’est offert à nos yeux effarés. Syndicats professionnels, organisations agricoles, préfet, maires, tous sont venus constater l’étendue du désastre dans les champs, les vignes et les vergers : 2021 sera assurément une année blanche ; et la situation est grave car certains marchés risquent d’être durablement perdus.
Certes, le Gouvernement a immédiatement pris la mesure de la situation. Certes, il a annoncé une série de mesures représentant une mobilisation de grande ampleur estimée à près de 1 milliard d’euros. Mais, il faut aller plus loin.
Evidemment. Je plaide ici et maintenant en ce sens, de toutes mes forces et de toutes mes convictions.
Face à la multiplication des incidents climatiques, les agriculteurs attendent une initiative globale et forte sur la modernisation de la gestion du risque, des mécanismes d’assurance et d’indemnisation. Ils attendent de la Nation qu’elle soit à leur côté dans la durée. Aussi incombe-t-il à la solidarité nationale de prendre en charge une partie de l’indemnisation des agriculteurs. Au travers de l’impact de nos activités humaines sur le dérèglement climatique, nous avons tous une part de responsabilité dans les incidents climatiques qui scandent de plus en plus fréquemment leur travail…
Attention à la prochaine PAC
Les 80 000 éleveurs bovins allaitants français vivent dans une grande précarité économique avec des revenus annuels moyens de 8 000 euros, soit moins de 700 euros par mois. Chaque année, plus de 2 000 exploitations disparaissent. De cette précarité, il résulte entre autres que le modèle d’élevage bovin de viande française est dépendant à quasi 100% des aides de la PAC.
Or, la révision de calcul des aides couplées animales prévue par la prochaine PAC pourrait les réduire significativement, amputant des revenus déjà trop maigres. Condamner l’élevage bovin de viande française, ce serait aussi condamner des territoires souvent déjà en difficulté car à faible rendement.
Le Gouvernement doit donc prendre toutes les mesures utiles dans le cadre du “plan stratégique national” (PSN) pour sauver – et renforcer – le secteur essentiel de l’élevage bovin de viande française. Y compris, s’il le faut, en gelant l’enveloppe de la PAC allouée au bassin allaitant. Les éleveurs de bovins de race à viande l’attendent. Ne les décevons pas. Ce serait trop injuste.
Bilan de la loi Égalim, gel tardif, prochaine PAC : ce qui est en jeu ce printemps, c’est la valeur et donc la souveraineté de notre modèle agricole. C’est le bon accomplissement de la mission des agriculteurs : nourrir nos compatriotes avec des produits de qualité – une montée en qualité de l’alimentation que les consommateurs attendent.
Alors, puis-je être entendu encore et encore ?
Alors, réveillons-nous : garantissons notre souveraineté alimentaire, appelons désormais au patriotisme agricole pour nourrir sans faillir !
André VILLIERS
Député de la 2e circonscription de l’Yonne
Agriculteur – propriétaire exploitant