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L’ostéopathie sur la sellette

Entreprendre - L’ostéopathie sur la sellette

Le récent rapport de l’IGAS sur l’ostéopathie soulève l’insuffisance de formation, une pratique inefficace et le risque de dérives sectaires. Jean-Pierre Marguaritte, ostéopathe et expert de justice, décrypte ce rapport pour Entreprendre.

Jean-Pierre Marguaritte, vous  avez participé en 2010 à l’élaboration du projet de proposition de loi aux côtés du Pr Bernard DEBRÉ. Ce projet visait à intégrer l’ostéopathie dans le code de la santé publique afin qu’elle soit reconnue comme une profession de santé à part entière. Vous dirigez actuellement un organisme de formation professionnelle continue pour transmettre le fruit de l’expérience acquise au cours de vos 40 années d’exercice.

Un récent rapport de l’IGAS installe un doute sur l’efficacité de l’ostéopathie en mettant en cause la qualité des formations pour les ostéopathes non professionnels de santé, ni médecin ni kinésithérapeutes. Vous êtes vous-même kinésithérapeute de formation initiale et vous avez fait le choix d’exercer l’ostéopathie de façon exclusive. Vous êtes donc bien placé pour nous aider à comprendre pourquoi l’ostéopathie est dans une telle tourmente.

Et l’ostéopathie est plutôt bien représentée en France puisque la concentration d’ostéopathes est de 42 pour 100 000 habitants contre 8 en Allemagne. Comment expliquez-vous une telle croissance ?

La reconnaissance de l’ostéopathie en 2002 a ouvert un nouveau marché vierge donc très profitable. Le faible niveau d’exigence a vu s’ouvrir de nombreuses écoles. En 2021, sur les 74 établissements de formation, trente écoles sont autorisées à enseigner l’ostéopathie leur permettant d’accueillir près de 9000 étudiants par an. La voie d’accès aux professions de santé ayant été renforcée par le PACES (Première Année Commune aux Études de Santé), de nombreux étudiants en échec se sont orientés vers les écoles privées d’ostéopathie.
En novembre 2014, un décret fixe un référentiel de formation, et la Commission consultative nationale d’agrément (CCNA) des écoles de formation a été créée en 2018.   
En novembre 2020, un groupe financier rachète plusieurs écoles qu’il cède en 2020 à  un fond britannique pour la coquette somme de 200M€. Ce montant éminemment élevé donne une idée des enjeux du marché. On peut imaginer pourquoi l’intérêt économique est  devenu une priorité.

Mais certaines écoles sont restées indépendantes.

Oui, il existe en effet de très bonnes écoles qui dispensent une formation sur six années pleines avec des heures de clinique obligatoires qui sont respectées. Mais quelques écoles indépendantes ont été contrôlées par un membre de la Commission d’agrément en relation avec ce groupe financier.

Cinq écoles ont perdu leur agrément et déposé une plainte actuellement en instruction au parquet de Paris sur le motif de conflit d’intérêt. Mais le plus inquiétant pour la profession est que cette personne qui préside un syndicat d’ostéopathes français, est parvenu à se faire élire président de l’OIA ( Osteopathic International Alliance) dont il a été jusqu’alors le trésorier.  L’OIA est chapeautée par l’AOA (American Osteopathic Association), l’Association d’Ostéopathie Internationale.

Pour quelles raisons pensez-vous que cela soit inquiétant  ?

Malgré les affirmations, les actions de l’American Osteopathic Association depuis plus de trente ans  ont été guidées par le désir des ostéopathes d’être « accepté » par la communauté allopathique. Ce rapprochement nécessaire s’est fait malheureusement au détriment des principes et pratiques de l’ostéopathie. Les ostéopathes sont devenus médecins et l’ostéopathie a perdu son âme.

L’étude sur laquelle s’appuie le rapport de l’IGAS pour soulever le manque d’efficacité de l’ostéopathie a été  réalisée en milieu hospitalier sur 400 patients avec le soutien financier du Ministère de la Santé et des Solidarités dans le cadre du Programme Hospitalier de Recherche Clinique 2011. Un budget de plusieurs centaines de milliers d’euros a été réservé à cette étude. Ses résultats publiés dans la revue américaine JAMA tendent à démontrer que l’ostéopathie ne serait pas ou peu efficace. Je cite «  Les manipulations ostéopathiques ont un effet faible et non cliniquement pertinent sur le retentissement de la lombalgie sur les activités de la vie quotidienne », aucun bénéfice n’ayant été recensé sur « la douleur,  la qualité de vie ou la consommation de médicaments ». Et pourtant l’enseignement de l’ostéopathie en France est censé respecter les principes et pratiques de l’ostéopathie ? Comment expliquez-vous ce peu de résultat ?

Comme je vous l’ai précisé, l’enseignement est mal contrôlé ce qui explique la diversité des modes de pratique. Mais dans l’ensemble, les matières fondamentales enseignées correspondent à celles des études de médecine. La différence porte sur les moyens, les techniques manuelles, et le mode de raisonnement qui oriente leur choix et leur déroulement. Dans le cas de cette étude, les protocoles ont été définis par des ostéopathes plutôt expérimentés à partir de l’enseignement qu’ils ont reçu. Leur mode de pratique apporte des résultats quasi-immédiats dans le cas de lombalgie banale évitant le plus souvent la prise de médicaments et les séances de kinésithérapie. Sauf que l’étude en question portait sur des lombalgies chroniques c’est-à-dire des douleurs lombaires résistantes installées depuis plus de trois mois. Cette différence importante peut expliquer le peu de résultats obtenus.

Vous prétendez ainsi que l’enseignement de l’ostéopathie est insuffisant pour répondre avec efficacité aux troubles fonctionnels chroniques ?

Oui, je le pense sincèrement. La pratique de l’ostéopathie peut évoluer et répondre avec efficacité aux troubles fonctionnels chroniques qui touchent la grande majorité des personnes et font le lit des maladies métaboliques et invalidantes coûteuses.

Comment définissez-vous  les troubles fonctionnels par rapport à la maladie ?

Les personnes qui souffrent de troubles fonctionnels chroniques ne sont pas malades au sens médical du terme. Leur état se situe entre la santé et la maladie et leur soulagement est intimement lié au changement de leur mode de vie qui ne peut être obtenu grâce à une pédagogie simple et intelligible. L’approche systémique de l’ostéopathie permet de répondre à ce besoin. Expliquer de façon rationnelle le lien existant entre la consommation de produits laitiers, une colopathie fonctionnelle et une douleur de l’épaule droite sort du concept médical. Faute de pouvoir obtenir ce changement, le bénéfice des  gestes ostéopathiques reste éphémère et la douleur récidive. L’alimentation est sans aucun doute le premier facteur en cause dont il faut se préoccuper. Le stress et les émotions sont d’autres  facteurs qui touchent  les fonctions les plus affaiblies. Le terrain est donc essentiel, le surpoids et la sédentarité, le mal être, les conséquences des déséquilibres fonctionnels.

Mais alors il suffit de changer son mode de vie pour ne plus souffrir ?

Vous avez en partie raison. La guérison dépend essentiellement du changement de comportement du patient. L’ostéopathe est un accélérateur de guérison et un guide. La première étape d’une consultation consiste à établir un climat de confiance qui passe par l’explication des liens entre le trouble et le mode de vie. Une personne en errance médicale s’inquiète de ne pas trouver de solution et elle peut supposer que son médecin n’a pas fait tous les examens nécessaires. Cette étape essentielle est rassurante, donne de l’espoir et implique le patient dans son processus de guérison.

Les techniques manuelles deviennent alors accessoires.

En pratique, je rappelle que le fondateur de l’ostéopathie, Andrew Taylor STILL, avant de devenir médecin et d’expérimenter la chirurgie pendant la guerre de sécession, était ingénieur. Il insistait sur la suprématie du système vasculaireavec une approche systémique de l’organisme qui s’appuie sur deux principes : la mécanique des forces et la dynamique des fluides assimilant ainsi l’ostéopathe à une véritable entreprise de santé qui traite le squelette, la charpente, la plomberie, les vaisseaux, et l’électricité, les nerfs. Les gestes que j’utilise dans ma pratique sont doux et rythmés et visent à lever les compressions vasculaires. Le sang jaillit à plus d’un mètre cinquante en cas de section d’une artère.  Il est donc très facile d’améliorer la circulation et d’obtenir une réaction immédiate. Le plus important est de maintenir la levée des compressions dont les plus fortes se situent en premier lieu au niveau du diaphragme, le muscle qui permet de respirer et d’absorber les émotions, puis dans l’abdomen où logent les organes digestifs. Or non seulement  la circulation artérielle est relayée à 80% par les muscles mais l’excitation nerveuse d’un muscle mal vascularisé se traduit par une contraction dont la tension se projette sur le squelette et provoque la douleur articulaire.

L’IGAS souligne l’existence de gestes à éviter.  En agissant ainsi sur les artères vous ne risquez pas de détacher un caillot sanguin et de favoriser un accident vasculaire  ?

Le corps est constitué d’environ 60 % d’eau, pensez-vous  qu’une légère pression sur un ballon rempli d’eau risque d’avoir plus d’effet que les mouvements quotidiens d’une personne ? Dans la pratique de l’ostéopathie, des diagnostics d’opportunité et d’exclusion sont systématiques mais dans la majorité des cas, les personnes qui consultent ont déjà consulté plusieurs médecins et en cas de troubles cardio-vasculaires, suivent un traitement adapté.

Une étude scientifique a-t-elle été réalisée pour valider ces effets ?

Un protocole d’étude a été rédigé par une société accréditée dirigée par un médecin vasculaire. Un travail est en cours avec l’unité recherche d’une école d’ostéopathie pour obtenir un avis favorable du Comité de Protection des Personnes, passage obligé pour pouvoir publier ses résultats. La préoccupation majeure reste le financement pour accueillir un nombre de sujets suffisant pour que ses résultats soient significatifs.

Vous pensez que l’enseignement de la pratique de l’ostéopathie peut évoluer sans preuve ?

Le rapport de l’IGAS recommande de « faire évoluer les critères pour être diplômés en ostéopathie », de  valider les examens par un jury composé de membres extérieurs à l’école, voire universitariser l’enseignement pour permettre à tous les étudiants d’accéder à la profession d’ostéopathe. Ces recommandations sont encourageantes. Je rajouterai la nécessité de rationaliser la pratique et d’informer le corps médical sur la bonne pratique. Les médecins et les ostéopathes ne se comprennent pas toujours et cela peut poser un problème sécuritaire pour les patients.

La reconnaissance de l’ostéopathie comme profession de santé ne favoriserait-elle pas les relations ?

Il serait rassurant en effet vis-à-vis de la communauté médicale qu’elle soit intégrée dans le code de la santé publique et considérée comme une véritable profession de santé mais aussi que les 24 000 ostéopathes exclusifs disposent d’une instance officielle nationale représentative avec un code de déontologie applicable et un contrôle de la formation continue obligatoire.

Des démarches allant dans ce sens ont elles déjà été engagées ?

Les nombreuses démarches auprès des plus hautes instances politiques et administratives et de plusieurs parlementaires n’ont pas encore eu d’écho. Un rapport visant la création d’une institution ostéopathique, interlocuteur unique des pouvoirs publics a été rédigé par un cabinet d’avocat spécialisé en droit de la santé sur demande d’une association professionnelle partenaire. Nous espérons que le rapport de l’IGAS et le renouvellement des membres de la Commission consultative nationale d’agrément des écoles marquent la volonté du gouvernement d’établir un cadre structurant pour la formation et l’exercice de l’ostéopathie. Ce cadre aurait dû être établi bien avant. L’ostéopathie a été reconnue pour les non médecins il y a plus de 20 ans, mais la prise de décision intervient souvent quand la mentalité de la population change et peut représenter un intérêt politique.

Nous avons publié il y a quelque temps un communiqué sur la plateforme MON OSTÉO que vous faites développer. J’ai compris qu’il s’agissait d’un agenda en ligne que vous réservez aux ostéopathes qui appliquent votre méthode. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Oui cette initiative répond à un besoin. Lorsque l’on transmet un savoir-faire, il est nécessaire de s’assurer de sa bonne reproduction au risque qu’il soit un jour vidée de sa substance. La traçage du patient et de son ostéopathe permet de réaliser des auto-évaluations systématiques afin d’évaluer l’évolution de l’état de santé des patients en fonction du mode de vie. Les résultats de l’analyse de ces  données cryptées sont recherchées par les organismes payeurs pour leur servir d’outils d’analyse de gestion des risques. Une monnaie d’échange possible pour faire bénéficier aux patients d’une meilleure accessibilité financière aux soins et peut-être obtenir un financement pour la réalisation de l’étude.

L’autre avantage de cette plateforme interactive est de permettre aux patients de remplir un questionnaire santé en ligne afin de recueillir tous les éléments utiles pour comprendre le processus d’installation du trouble et en identifier les facteurs épigénétiques et acquis. Bien souvent, les patients oublient ou ne font pas le lien entre le motif de leur consultation et des événements du passé.   Les recommandations d’hygiène de vie apportées lors de la consultation sont automatiquement transmises aux patients qui bénéficie d’une interface avec son ostéopathe. L’ostéopathe dispose   ainsi d’un véritable outil pour définir le mode de prise en charge et rester en communication avec son patient. Parallèlement, des enquêtes de satisfaction veillent au maintien de son niveau de performance. A cet effet, un score individuel leur est attribué en interne et comparé à la moyenne des scores. En contrepartie, les ostéopathes ont obligation de suivre chaque année une journée de perfectionnement pour conserver leur référencement sur MON OSTÉO. L’ostéopathie est, comme toutes les médecines, évolutive.

Vous allez faire concurrence à DOCTOLIB ?

Nous n’avons pas la même cible. L’argumentaire de vente de cet agenda en ligne porte sur l’apport de nouveaux patients sans retenir de critères qualitatifs. Du fait de la pléthore d’ostéopathes, certains peinent à se constituer une patientèle et se laissent séduire.  MON OSTÉO a pour objectif de référencer des ostéopathes spécialisés dans le traitement des personnes en errance médicale qui souffrent de troubles fonctionnels chroniques. Leur approche préventive sert également de filtre de santé.
Soulager c’est bien, guérir c’est mieux, prévenir la maladie c’est encore mieux.

Sans aucun prosélytisme, je vous invite à découvrir l’introduction au TVO via le lien suivant : https://sh1.sendinblue.com/15d2vg1amvlxpfe.html?t=1685732016

A lire : Le mal de dos est dans l’assiette, accessible via le site www.sosmaldedos.fr


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2 commentaires sur « L’ostéopathie sur la sellette »

  1. J’ai rarement vu un article aussi mauvais… Il serait bien plus pertinent d’interviewer des representant.e.s de la profession plutôt qu’un ostéopathe X ou Y sans aucune connaissance et expertise des positions actuelles de la majorité des ostéopathes en France.
    De plus, les faits annoncés remettent en question un fonctionnement de commission ministériel sans aucune source ou faits avérés.
    Les ostéopathes ne sont pas favorables à l’intégration au code de santé publique… Aucune organisation représentative de la profession n’y est favorable. Merci de ne pas généraliser votre avis personnel.
    Un article ne peut pas se baser sur des rumeurs… Merci de vérifier vos sources plutôt que de participer au partage d’informations complètement fausses et non pertinentes.

    Enfin, le contenu détaillée des propositions de l’IGAS n’a finalement même pas été abordé.

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