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L’équation complexe des entreprises face à l’accélération constante des changements


Par Yassine Touima, Manager – Leader de la communauté d’experts « Enjeux Culturels & Change management » chez VIATYS – Groupe Square Évolutions concurrentielles, sociétales, économiques, technologiques, environnementales… l’entreprise doit s’adapter en permanence pour assurer sa pérennité dans un panorama sans cesse changeant. Quels leviers activer pour y faire face ? Parmi les...

Entreprendre - L’équation complexe des entreprises face à l’accélération constante des changements

Par Yassine Touima, Manager – Leader de la communauté d’experts « Enjeux Culturels & Change management » chez VIATYS – Groupe Square

Évolutions concurrentielles, sociétales, économiques, technologiques, environnementales… l’entreprise doit s’adapter en permanence pour assurer sa pérennité dans un panorama sans cesse changeant. Quels leviers activer pour y faire face ?

Parmi les différents facteurs impactant les entreprises, nous en retiendrons trois : l’accélération des changements, l’intelligence artificielle (IA), et des collaborateurs digital natives.

La capacité au changement, un avantage concurrentiel ?

En 2019, un collaborateur subit en moyenne trois changements majeurs par an (transformation de l’entreprise, réorganisation, digitalisation de services…) contre moins de deux en 2012, et près de 75% des entreprises s’attendent à davantage de changement dans les prochaines années[1]. Comme l’a récemment déclaré un cadre dirigeant d’un grand groupe bancaire français : « Dès que j’ai terminé avec une transformation, la suivante commence ! ». Ainsi, le changement ne doit plus être considéré uniquement dans le cadre d’un projet, mais de façon quasi permanente et en accélération croissante.

Si se transformer est la norme pour résister, cela implique de profondes mutations notamment dans le management. Être capable de mener à bien le changement n’est plus une compétence facultative. Une étude[2] récente du Leadership IQ – organisme de formation et de recherche sur le leadership – a montré que la principale raison de remplacement de CEO dans le monde est la nécessité pour les conseils d’administration de disposer d’un patron capable de gérer avec succès les changements. Repenser notre façon de diriger, impliquer les équipes et inspirer les individus sont les trois qualités clés des leaders. La capacité de changer avec succès – en tant que dirigeants et en tant qu’organisations – devient rapidement un avantage concurrentiel.

La prise de conscience et la nécessité de changement de vision par les leaders de l’entreprise sont les points clés d’une transformation culturelle réussie. En effet, la vision  est ce qui donne du sens aux actions mises en place sur l’ensemble des niveaux de l’organisation. En synthèse, la vision d’une entreprise s’apparente à l’hymne national d’une nation : fédérateur, véhiculant des valeurs tout en laissant la possibilité et la liberté de diverses interprétations convergeant vers une intention commune, ce qui reste inchangé dans la transformation

Une réflexion du professeur émérite japonais Ikujiro Nonaka[3],connu pour ses recherches sur les théories du management, résume très bien cet idéal :

« Il est important de souligner que la vision d’une entreprise doit également être ouverte et susceptible de donner lieu à diverses interprétations différentes, voire contradictoires… Une vision plus équivoque donne aux employés et aux groupes de travail la liberté et l’autonomie nécessaires pour définir leurs propres objectifs. »

L’IA ou le retour de la destruction créatrice

Les progrès technologiques remodèlent à la fois les défis et les possibilités de changement offerts.

L’intelligence artificielle (IA) modifie la nature des emplois et transfère une partie du travail effectuée par l’homme aux machines, avec comme impact le besoin de repenser plus largement l’avenir du travail et la place de l’Homme dans les processus productifs.

Si certaines projections restent positives à 30 ans[4][5], l’impact n’est pas neutre et il y a une différence de taille entre la transformation technologique à long terme et les impacts humains à court terme. Or la situation actuelle montre des craintes réelles, « 60 % des Français ayant peur de l’intelligence artificielle »[6]. L’enjeu réside donc dans la gestion de la transition et dans l’accompagnement organisationnel, humain et social des entreprises ainsi que dans la sensibilisation des collaborateurs.

Un des leviers est l’humanisation de l’IA à travers des campagnes de sensibilisation ciblées. Il est en effet nécessaire de présenter l’IA comme un complément et non un remplaçant à l’intelligence humaine.  La co-construction avec les principaux concernés (les salariés) d’une organisation intégrant l’IA est fortement préconisée pour favoriser l’acceptation du changement.

Un deuxième levier est l’implication du management intermédiaire. Les managers sont responsables d’anticiper sur leur périmètre les transformations, avec comme impact la nécessité de repenser l’organisation du travail entre leurs collaborateurs et l’IA. Un des modèles cibles est d’associer l’IA à des tâches répétitives simples et d’orienter le collaborateur vers des travaux plus analytiques et de prise de décision.

Enfin, pour utiliser les bons leviers et définir une feuille de route adaptée, il est primordial de réaliser un diagnostic de maturité et de capacité d’absorption du changement.

Cette étape est en effet structurante car elle permet d’identifier les carences de l’organisation et les ilots de résistance au changement laissant ainsi le temps aux collaborateurs de l’assimiler.

Le management de la génération Z, un nouveau défi pour l’entreprise

La nature même du collaborateur est en train de changer. En effet, la génération Z, semble avoir une approche très entrepreneuriale et beaucoup plus indépendante de l’entreprise. Selon certains sondages, plus de 30% envisageraient de créer leur entreprise. La répercussion pour les entreprises : repenser leur vision de l’organisation du travail afin d’attirer et de fidéliser. L’entreprise doit dès à présent être attractive aussi bien sur son engagement sociétal, environnemental que sur sa marque ou le bien-être au travail. La quête de sens est au cœur des attentes. Les jeunes générations arrivant sur le marché du travail sont plus pragmatiques et moins réticentes que leurs aînés quant aux changements qui peuvent être opérés et dont elles pourront être actrices.
Leurs valeurs et leurs impacts sur l’avenir de l’entreprise doivent leurs être communiqués afin qu’elles s’impliquent. A cet effet, elles réclament davantage de transparence, moins de hiérarchie et plus de collaboratif.

Transformation des modes de collaboration en entreprise, l’innovation managériale a pour but de faire évoluer une relation traditionnelle « parent – enfant » en une relation « adulte – adulte » afin de trouver le juste équilibre entre épanouissement personnel et performance professionnelle et créer de nouvelles valeurs pour l’entreprise, ses collaborateurs et son environnement.
L’innovation managériale est un levier clé du changement : en adaptant la posture managériale et en rendant le management plus humain et plus proche. Le management devra ainsi être plus collaboratif, apprenant, et la posture managériale basculant vers une dimension « inspirationnelle ».

En conclusion, de nombreux changements dans les organisations sont à venir, aussi bien du côté des collaborateurs que des méthodes et processus de travail.

La capacité à opérer le changement avec succès est le résultat d’une équation complexe mettant en jeu la capacité à porter une vision, mais surtout à embrasser la dimension humaine du changement, et adapter les modèles de management actuels.

L’innovation managériale se présente comme un catalyseur indispensable pour soutenir le changement dans un environnement en constante accélération.



[1] https://www.gartner.com/en/insights/change-management

[2] https://www.leadershipiq.com/blogs/leadershipiq/35353153-why-the-ceo-gets-fired-change-management-and-more

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Ikujiro_Nonaka

[4] Étude du Forum économique mondial, cité dans l’article de We Demain « Intelligence artificielle : 58 millions d’emplois créés d’ici 2022 » (septembre 2018)

[5] Rapport Dell et Institut pour le Futur, cité dans l’article du Figaro « Une étude affirme que 85% des emplois de 2030 n’existent pas aujourd’hui » (juillet 2017)

[6] Baromètre Odoxa « Intelligence Artificielle : l’inquiétude monte chez les Français » (mars 2019)

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