Mis à contribution au plus fort de la crise sanitaire, notamment pour réaliser des évacuations urgentes à longue distance, le transport aérien est aujourd’hui au cœur de la stratégie de vaccination de la population mondiale. Un défi logistique considérable qu’il s’emploie à relever.
Un allié au plus fort de la crise
Le secteur aéronautique a subi de plein fouet la pandémie de Covid-19. Effondrement du tourisme, restrictions sanitaires…En 2020, le transport aérien de passagers a chuté de 66% selon les compagnies. L’industrie a souffert. Avec la crise, Airbus a réduit sa production de 40%, et a lancé la suppression de 15 000 postes sur 135 000. Pourtant, tous les avions n’étaient pas cloués au sol pendant cette période de restriction. Et le lourd tribut payé à la crise par l’industrie aéronautique ne doit pas faire oublier que l’avion a été, et est encore un allié indispensable pour imaginer sortir de la pandémie.
Ainsi, au plus fort de la crise, puis lors des pics successifs de l’épidémie, l’avion a été au cœur des dispositifs d’évacuations sanitaires permettant de transférer des patients atteints du Covid 19 d’un hôpital à un autre. Une nécessité pour éviter la saturation des systèmes hospitaliers. Exemple en mars 2021 à La Réunion : quatre patients ont été transférés de La Réunion jusque dans l’Hexagone. 11h de vol dans un avion médicalisé : “une première mondiale avec un travail de coordination considérable” selon Lionel Challenge, directeur du CHU de La Réunion.
Outre ces évacuations de patients, les capacités de projection de l’avion ont aussi permis la mise en place de ponts aériens qui se sont révélés une aide précieuse pour certains pays lourdement touchés par le coronavirus, et demandeurs d’aide humanitaire. Dès le 8 mai 2020, un pont aérien organisé et financé par l’Union européenne a permis d’acheminer équipements médicaux et personnel à destination de populations qui en manquaient cruellement. 67 vols ont ainsi acheminé plus de 1150 tonnes de matériel, et 1700 membres du personnel médical et humanitaire à destination de zones critiques en Afrique, Asie ou Amérique. Lors du premier confinement, Air France a réussi à mettre en place un pont aérien entre l’Asie et la France, pour livrer masques, blouses et matériel médical. Celui-ci a représenté “plus de 135 vols pendant quatre mois. Alors que le monde était à l’arrêt et les frontières fermées, nous avons pu monter une chaîne logistique solide et efficace” rappelle Christophe Boucher, directeur général d’Air France Cargo. De la même manière, Dassault Aviation et Daher ont mis à disposition leurs appareils Falcon et TBM pour transporter le matériel médical.
Au-delà de cette utilisation de l’avion comme outil de réponse à la crise sanitaire, l’industrie aéronautique s’est mobilisée en mettant ses capacités de production au service de la lutte contre la pandémie. Une participation à l’effort de guerre bienvenue compte tenu des difficultés économiques ressenties par le secteur. En avril 2020 au Royaume Uni, un consortium d’industriels comprenant Thalès et Airbus s’est lancé dans la fabrication de respirateurs. Via sa filiale Airbus Defense and Space, le constructeur aérien a mobilisé “toutes les ressources d’impression 3D” afin de produire masques et visières. Pour Alvaro Jara, directeur d’Airbus ProtoSpace à Getafe en Espagne, “Du jour au lendemain, nous sommes passés de la fabrication de concepts aérospatiaux à celle d’équipements médicaux. Cela fait vraiment une différence dans la lutte contre la pandémie”. Quant à l’Association non gouvernementale Aviation Sans Frontières, elle a mis en place dès mars 2020 une plateforme collaborative pour “transporter gratuitement soignants et personnels médicaux en France et en Europe”, peut-on lire sur un communiqué de Daher, entreprise impliquée dans la logistique et la maintenance des avions, et partenaire du projet aux côtés de l’association.
Transport aérien de vaccins : la “mission du siècle”
Une aide précieuse pendant la crise, et dont pourrait bien dépendre le retour à une vie plus normale, tant les campagnes de vaccination mondiales dépendent des livraisons de doses de vaccin par avion. Il faut dire que les avions permettent de livrer rapidement des quantités importantes de doses. “Dans nos avions « tout cargo » [sans passager], nous savons transporter un million de doses de vaccins ; c’est considérable. Pour ce qui est de nos avions passagers, nous pouvons embarquer en soute un peu plus de 400 000 doses.”, témoignait en décembre Grégoire Soulier, responsable du terminal fret chez Air France. Des capacités bienvenues face à l’ampleur de la tâche : il faudrait environ 8 000 avions cargo pour livrer une dose à 7,8 milliards de personnes. Un défi qu’Alexandre de Juniac, directeur général de l’Association internationale du transport aérien, qualifiait en septembre 2020 de “mission du siècle”.
C’est que le défi ne s’arrête pas à la quantité de vaccins qu’il faut transporter et livrer en un temps record. Les conditions sont aussi cruciales, les doses de vaccins devant être transportées à certaines températures. En particulier le vaccin Pfizer BioNtech, qui devait avant un assouplissement être transporté à une température de -80 degrés jusqu’au point de livraison. Un défi logistique qui n’est pas complètement nouveau pour le transport aérien, qui contribue depuis des années au transport des vaccins. Une précieuse expérience que Béatrice Delpuech, directrice du développement des produits spéciaux chez Air France-KLM, confirme : “Nous avons trente ans d’expérience en matière de transport de produits pharmaceutiques”. Chez Air France Cargo, on rappelle que cela fait longtemps que la compagnie assure le transport de vaccins ou de médicaments, comme ceux contre la rage ou la grippe : “Air France-KLM Martinair Cargo a d’ailleurs été la première compagnie de fret au monde à être certifiée CEIV par IATA, certification spécifique au transport de ces produits”.
Au vu de l’accélération de la campagne de vaccination, notamment en France, il semblerait bien que le secteur aérien soit en passe de remplir cette fameuse “mission du siècle”.