Adjoint à la maire de Paris en charge du logement, Ian Brossat est la tête de liste du Parti communiste pour les prochaines municipales en 2020. Le collaborateur d’Anne Hidalgo a axé sa campagne sur la taxation d’Airbnb et la gratuité des transports en commun pour les moins de 18 ans.
Alors que les loyers augmentent à Paris, comment prévoyez-vous de lutter contre la gentrification ?
Effectivement, il y a un mouvement du marché qui fait que les prix de l’immobilier à Paris progressent, à l’accession comme à la location. Il y a deux leviers pour agir contre la gentrification. Le premier est le développement du logement social, ce que la ville de Paris a d’ailleurs fait. La commune est passée de 13 à 22 % depuis 2001. Le second, c’est la régulation du parc privée. Raison pour laquelle, en tant qu’adjoint, je me suis battu pour remettre en place l’encadrement des loyers.
Votre programme inclut l’augmentation du nombre de logements sociaux. La ville a-t-elle les moyens de financer la construction de nouveaux logements ?
La ville a fait le choix depuis 2014 de consacrer beaucoup d’argent au développement du logement social. C’est le premier budget d’investissement. Entre 2014 et 2020, ce sont 3 milliards d’euros qui vont être consacrés au logement, soit un tiers de notre budget investissement.
Paris est une petite capitale, c’est aussi la plus dense d’Europe. Faire du logement social va donc être de plus en plus compliqué dans les années à venir. Nous avons de moins en moins de parcelles pour en construire. Un levier pour en produire sera la transformation de bâtiments existants et notamment la transformation d’immeubles de bureaux.
« Dans le centre de Paris, un logement sur quatre ne sert plus à loger des Parisiens, mais uniquement des touristes »
Dans « AirBnb, la ville ubérisée » (Ed. la Ville brûle), votre dernier ouvrage paru en 2018, vous critiquiez les pratiques d’Airbnb et les conséquences du « surtourisme » sur la ville.Quelles sont les mesures envisagées par la mairie de Paris pour contenir les transformations liées au développement croissant d’Airbnb ?
Avec la maire de Paris, nous nous sommes battus pour réguler le secteur et pour obtenir du législateur des évolutions. Nous avons obtenu la possibilité de responsabiliser les propriétaires loueurs, ainsi que la plate-forme. Mais cela reste malgré tout insuffisant.
Pour cette raison, je propose que la mairie ait la possibilité, dans certains arrondissements, d’interdire Airbnb. Dans le centre de Paris, un logement sur quatre ne sert plus à loger des Parisiens, mais uniquement des touristes. C’est donc des logements en moins pour les Parisiens, ce n’est pas acceptable. Je souhaite que les Parisiens soient consultés par référendum sur l’interdiction de Airbnb.
Est-il nécessaire de passer par le biais du référendum pour interdire Airbnb ?
La ville de Paris dépend du législateur. Elle n’a pas la possibilité d’interdire Airbnb. Elle n’a pas eu non plus la possibilité d’interdire les trottinettes quand elles se sont développées de manière anarchique. Nous avons besoin de modifications législatives. Le référendum permettrait aussi de créer un rapport de forces avec le gouvernement. Si les Parisiens se prononçaient majoritairement « pour », je ne vois pas comment le gouvernement pourrait rechigner à légiférer.
« Il faut taxer davantage les GAFA »
Paris et les autres grandes villes connaissent une autre forme d’ubérisation avec l’arrivée en masse de trottinettes électriques. Après quelques mois de laisser-faire, Paris a durci la réglementation et imposé des contraintes aux différents acteurs. Faut-il aller plus loin ?
On ne peut pas laisser les trottinettes se développer de cette manière, au prix d’une désorganisation totale de l’espace public et de problèmes de sécurité sur les voies. Il est nécessaire de prendre des mesures. Nous sommes dans l’attente d’un décret du gouvernement.
La question est la suivante : comment réguler l’activité de ces entreprises qui se développent de manière extrêmement rapide ? Uber, Deliveroo, Airbnb, toutes ces entreprises de la nouvelle économie arrivent sur le marché parisien et le déstabilisent. Bien souvent, les pouvoirs publics ne sont pas à même de le réguler. Si nous voulons que les choses se passent bien, il faut que les villes aient des moyens de régulation qui leur permettent de mettre au pas ces entreprises quand elles se conduisent mal.
Les géants américains du Websont dans le viseur des autorités européennes et françaises. Les taxes et les amendes sont-elles les seules solutions face aux GAFAM ?
Il faut les taxer davantage, et nous n’aurons pas de mal car ils le sont très peu. Je suis favorable à ce que l’on rétablisse une forme d’équité entre ces entreprises de la nouvelle économie et des entreprises traditionnelles qui, elles, payent leurs impôts rubis sur l’ongle. On a affaire aujourd’hui à une distorsion de concurrence, à une concurrence déloyale. D’ailleurs, l’une des propositions que font les communistes à l’échelle nationale est la taxation à la source des multinationales.
C’est-à-dire ?
Taxer ces entreprises sur la base de leur activité avant qu’elles n’aient la possibilité de planquer leur argent dans des paradis fiscaux comme elles le font toutes.
« Je suis favorable à la gratuité des transports en commun à Paris »
Autre sujet majeur pour Paris : la lutte contre la pollution. Les différentes mesures pour lutter contre(circulation différenciée, restriction de la circulation des véhicules Crit’Air 4…) ne font-elles pas porter la responsabilité de la pollution aux plus pauvres qui n’ont pas les moyens d’acheter une voiture moins polluante ?
La lutte contre la pollution est absolument essentielle. Si on ne fait rien, le nombre de morts liés à la pollution ne va pas cesser d’augmenter. La diminution de la place de la voiture ne doit pas se traduire par une atteinte au droit à la mobilité, notamment pour les ménages modestes qui n’ont pas les moyens de s’acheter un véhicule non polluant. Il faut mettre le paquet sur les transports en commun et sur leur tarification.
Les élus communistes parisiens se sont battus pour la gratuité des transports pour les enfants. Ce sera le cas à partir du mois de septembre. À terme, je suis favorable à la gratuité des transports en commun à Paris.
Comment comptez-vous financer ce projet ?
C’est une question budgétaire. La ville de Paris dispose d’un budget entre 9 et 10 milliards d’euros, elle a donc les moyens de financer une telle mesure. Par ailleurs, il faut aussi regarder du côté des nouvelles recettes. Je ne suis pas favorable à une augmentation de la taxe d’habitation et de la taxe foncière, en revanche, il y a un certain nombre de choses à regarder. Par exemple, nous pouvons rendre les droits de mutation progressifs, ce qui permettrait de lever des fonds supplémentaires.
En tant que chef de file du PC pour les prochaines municipales, quelles sont vos ambitions politiques ?
Je n’ai pas de plan de carrière, je vise simplement à être utile. Je vis à Paris depuis une dizaine d’années, je souhaite faire de Paris – une ville riche, attractive et puissante – une ville vivable pour des familles modestes qui veulent simplement pouvoir vivre de leur travail. La difficulté est de concilier l’attractivité et la capacité à inclure les moins riches.