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En Arménie, ArLeAM, pépite verte de l’agro-business

Copyright des photos A. Bordier

De notre envoyé spécial Antoine Bordier

Lancée en 2019 par Vigen Badalyan, co-fondadeur avec son frère Vahe du conglomérat familial SoftConstruct, ArLeAM est devenue un acteur qui compte dans le secteur de l’agro-business. Il y a tout juste un an, Vigen Badalyan recrutait son nouveau CEO, Vatché Arsène. Il lui a donné carte-blanche pour transformer sa start-up et la positionner sur les rails des leaders. Reportage au cœur d’une région, qui se rêve en Silicon Valley Verte du Caucase.

D’Erevan, la capitale, il faut plus de 40 mn pour rejoindre le village de Parpi, au nord, où se situe les 150 hectares de terres agricoles. ArLeAM ? Ce nom original représente les initiales des prénoms des cinq enfants de Vigen Badalyan. Il y a deux ans, lorsque nous l’avions rencontré pour la première fois, il expliquait : « Dans cette nouvelle activité et dans ce nouveau secteur, je gère tout avec l’équipe en place et mes partenaires. Je m’y rends une fois par semaine, quand je suis en Arménie. Je peux même dormir sur place. » Lancée en 2019, la marque, qui gravissait les marches de l’excellence, subissait en 2020 les conséquences de la Covid-19. Mais, cela n’a fait que ralentir le développement de la société. Rien n’a été stoppé. Mieux, au fil des mois et des ans, des investissements significatifs, qui se chiffrent en millions d’euros, ont été réalisés dans le terroir, les arbres, les ressources humaines et l’outil de travail. Ensuite, il a recruté Vatché Arsène.

Ce matin-là, son nouveau CEO est, justement, au volant de son 4×4 pour faire visiter la ferme. « Là-bas, indique-t-il d’un geste de la main, se trouve les dizaines d’hectares que nous venons d’acquérir. Nous allons y réaliser de l’agriculture écologique à 100%. » Le soleil est radieux, tout est bleu dans le ciel. Autour de nous, la verdure s’étale avec générosité. Seuls les sommets des montagnes sont, encore, revêtus de leur manteau neigeux. Avec sa barbe finement taillée et son teint halé, Vatché nous invite à regarder les montagnes, au loin. Il y a le mont Ararat et le mont Aragats, qui culminent à 5 137 et à 4 090 m. Plus près, la petite montagne d’ArLeAM s’élève à 2 614 m. Elle s’appelle Ara.

Un parcours dans la grande distribution

En arrivant sur place, nous nous arrêtons au poste de contrôle. Un des gardiens en tenue de treillis militaire sort. « Nous avons renforcé la sécurité du domaine, car nos produits sont devenus de grande qualité, et nous avons multiplié nos activités », explique-t-il en ouvrant le coffre de son 4×4. Il se prête, ainsi, à la procédure qu’il a lui-même mise en place. Le gardien lui donne son feu-vert. La barrière d’entrée se lève. Il entre dans son univers green.

Puis, il emprunte le chemin pierreux, presque caillouteux. La fenêtre grande ouverte, les parfums des arbres fruitiers s’engouffrent dans le véhicule. L’air est frais. Les dizaines de milliers d’arbres, des abricotiers, des poiriers, des pommiers, s’étalent autour de nous avec élégance. « Nous les avons tous recouverts de filets de protection car nous avons de la grêle en ce moment », commente Vatché. A cette heure de la matinée, le soleil est au rendez-vous. Il est presqu’au zénith. A 1300 mètres d’altitude, les températures sont clémentes, il fait 17°C. Mais le ressenti est moindre. Elles peuvent monter à plus de 30°C en plein été. Nous continuons notre petite montée et nous apercevons le grand bâtiment de 2 000 m2, qui était en construction il y a deux ans. Il est maintenant terminé. « Nous avons séparé, physiquement, les activités propres à la production des activités administratives, de gestion et de direction. Nous avons terminé les travaux d’aménagement de nos bureaux. Et, nous avons lancé une nouvelle identité visuelle, qui s’affiche sur tous nos murs », raconte l’ancien cadre qui a dirigé pendant près de 10 ans Carrefour en Arménie (sous franchise du groupe Al Futtaim). Féru de marketing, il a vécu à l’étranger. « J’ai, également, travaillé en Syrie et aux Emirats », ajoute-t-il dans un français parfait.

« L’amour des fruits » et de l’Arménie

Le nouveau CEO se souvient de sa vie d’avant chez Carrefour, qui a duré 18 ans. Même s’il ne veut pas trop en parler, arc-bouté sur sa nouvelle vie dans le green business, nous l’évoquons. « Oui, c’est une longue histoire, qui a commencé par celle de l’amour des bons fruits. Mon deuxième poste à Carrefour était chef de rayon des fruits et légumes entre 2004 et 2005. C’était à Dubaï. Puis, je suis venu en Arménie. Et, là, j’ai gravi tous les échelons, jusqu’à diriger les différentes enseignes de Carrefour à Erevan. Mon désir de rester en Arménie avec ma famille m’a poussé a accepté l’offre de Vigen Badalyan. C’est un beau challenge. »

Nous passons devant un bâtiment indépendant : « Vigen Badalyan est à la fois un entrepreneur et un visionnaire. Il veut établir, ici, son restaurant de 400 m2. Il y aura une cave à vin de 300 m2. Il souhaite innover en offrant de la gastronomie locale et des vins du monde entier au cœur même des arbres fruitiers », dit-il en souriant.

Nous nous garons. Avant d’entrer dans les bureaux, ce qui interroge, dans un premier temps, c’est ce parfum qui se diffuse tout naturellement dans l’air : il est reconnaissable, c’est celui des pommes. « Oui, nous avons, principalement, des pommiers (67%). Nos abricotiers représentent 23%, nos poires, nos cerises et nos prunes 10% ».

Le bien-être des salariés

A l’entrée du bâtiment se trouvent des distributeurs de boisson : « Voulez-vous un jus de pomme ou un jus d’orange ? » Le jus de pomme est un délice. Il est 100% naturel et aussi vert que son fruit. Ici, les travaux sont bel et bien terminés. Tout a changé. On se croirait dans une entreprise aux standards élevés européens. La peinture, l’identité visuelle, les couleurs de la marque ArLeAM ne laissent pas indifférentes. Elles donnent envie ! Envie de fruits.

A l’étage, une demi-douzaine de bureaux sentent encore le neuf. Le vert, le blanc et le noir y dominent. Les espaces sont aérés. On se croirait dans une start-up green, avec ses standards sortis tout droit de la Silicon Valley. Ici, vous êtes dans l’Arménie Vallée. Il y a même un baby-foot. Nous évoquons les normes, celles internationales, celles environnementales, celles qui touchent à la sécurité, à l’hygiène et à la qualité. « Nous avons plus de 500 m2 de bureaux, avec un standard international, une réception et une salle d’attente. Nous avons un coin repas pour nos employés et même une salle de repos. Là, vous passez devant le bureau, anciennement, des Ressources Humaines. Nous l’appelons, dorénavant, Capital Humain. Vigen Badalyan attache une grande importance au bien-être de ses salariés. » Avec sa casquette de CEO, Vatché a apporté à la marque en forme de demi-pomme, son petit plus : tout son savoir-faire de la grande-distribution. Et, cela se vérifie à l’étage. « En plus, nous sommes entrés dans une démarche de normalisation ISO. Nous sommes à 100% dans le développement durable. Par exemple, nous nous sommes équipés de panneaux solaires pour être autonomes. »

Une première au SIA de Paris

Il y a 3 mois, pendant une dizaine de jours, avec une douzaine de collaborateurs (sur les 120 permanents, il faut ajouter à ce chiffre une centaine de saisonniers et une cinquantaine de sous-traitants, pour avoir une idée du dimensionnement de la société), Vatché s’est retrouvé à Paris. C’est la première fois qu’il y mettait les pieds, pour ArLeAM, au Salon International de l’Agriculture, porte de Versailles à Paris. Du 25 février au 5 mars, ils ont vécu 10 jours intensifs. « Cela a été un franc succès, qui a dépassé nos objectifs. Les équipes se relayaient pour tenir la distance », se souvient-il. Et, leur stand a fait le plein. Ils ont, même, remporté un prix international !

A l’aise dans les fruits frais et les fruits secs, dans les jus, ils produisent, également, du brandy et du vin. A ce titre, ils ont été récompensés par les Trophées des Agricultures du Monde. Et, leur vin Door a reçu la médaille d’or. Une première qui est prometteuse pour la suite, et qui a de quoi booster toutes les équipes.

Car, commercialement, la start-up a dû se réinventer, rapidement, en raison du conflit russo-ukrainien. Il y a un an, en février, démarrait cette guerre. Ils ont fermé le grand marché de Russie pour principalement écouler toute leur production en Arménie, à travers 90 points de vente. Ils ont, également, ouvert de nouveaux marchés, notamment, ceux du Moyen-Orient. En termes de quantités produites, il parle de 1 000 tonnes de pommes, 250 tonnes d’abricots et de 10 à 15 tonnes de poires.

Une réalité et un rêve

ArLeAM et sa mosaïque de produits est en pleine croissance. Son quotidien ne s’arrête pas aux 130 000 arbres fruitiers, aux nouveaux hectares qui viennent de s’ajouter aux 100, déjà, exploités. En tout, ce sont, aujourd’hui, plus de 150 ha qui font partie des actifs d’ArLeAM.  Non, la réalité ne s’arrête pas là.

Tout au nord du domaine, presqu’à la limite, le 4×4 continue sa montée et passe devant des bâtiments qui seront terminés dans un an. Ils sont magnifiques, tout de bois noble vêtu. Au milieu des arbres fruitiers, un Eco-Resort va sortir de terre, avec sa ferme et sa petite écurie – de futures écoles de vie. La barre de l’excellence est montée d’un cran. Car les sujets, pour Vigen Badalyan, sont ceux-là : ceux de l’agriculture saine et de qualité, où se réconcilie les coutumes ancestrales et les nouvelles technologies, ceux de la protection et de la sauvegarde de l’environnement, ceux de la gestion intelligente des ressources énergétiques et…ceux de l’éco-tourisme. C’est pour cela qu’il va ouvrir une ferme et un centre équestre. Car s’il veut attirer les consommateurs, il veut, également, attirer les touristes et les familles. Ici, les Arméniens sont amoureux de leurs terres. C’est pour cela qu’il veut les inviter à découvrir sa ferme-modèle. Son rêve finalement : ouvrir un nouveau jardin d’Eden qui ressemblerait à la planète du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry. Il y plantera de nouvelles activités inédites.

ArLeAM c’est Love

C’est, ainsi, que se définit, dorénavant, cette société en ajoutant : « Love, love, love », ou « Aime, aime, aime », à son nom. Vigen Badalyan, répétons-le, est un amoureux. Pour sa terre, il a réalisé des investissements humains et matériels importants. Dans son entrepôt, il a acquis de nouveaux équipements, qu’il met, également, à la disposition des petits producteurs de la région. Il ne les oublie pas ses petits producteurs. Il les chouchoute. Il veut les mettre en haut de l’affiche de ses produits. Il veut entraîner avec lui toute la filière.

Bref, il a pensé ArLeAM comme un éco-système vertueux, qui créée de la valeur pour tous les producteurs, qu’ils soient petits ou grands. La seule condition ? La qualité du produit.

Parmi les nouvelles compétences, qu’il a attirées, parlons de Gabriel Meghruni, son agronome en chef. Cet Argentin d’origine arménienne n’est pas n’importe qui. On lui doit d’avoir équipé et géré les besoins agronomiques de centaine d’hectares en Arménie. Ce n’est pas un novice. Il sait, presque, tout faire ce Gabriel. Indépendant, c’est l’un des hommes-clefs d’ArLeAM. Avec ses équipes, il s’occupe de l’agronomie, de l’irrigation, de l’ingénierie et de la gestion de l’eau, des bilans hydriques et des modèles informatisés, de la conception et de l’exploitation des systèmes d’irrigation ainsi que de la planification de nouveaux projets. Il est une pièce du puzzle de la qualité des produits indispensable. Car pour faire un bon fruit, il faut un bon arbre, un climat favorable, une terre généreuse, une eau des plus cristallines, et une équipe de femmes et d’hommes de bonne volonté.

Des fruits, des jus et des vins

Parmi les produits, il y a, donc, les fruits : ces fameuses pommes jaunes, rouges et vertes. Ces abricots incroyables, pulpeux, de 6 familles distinces. Il y a, aussi, des fruits secs, dont raffolent les Arméniens. Mais pas qu’eux. Il y a, également, des chips au goût de carotte, d’aubergine, de betterave, et, de pomme.

Pour les jus de fruits, Vigen Badalyan a fait, justement, appel à d’autres producteurs locaux comme pour le miel. Le vin, c’est le sien. Il porte le joli nom de Door (Porte) qui est produit sur les hauts plateaux de la célèbre vallée d’Areni, à 120 km au sud d’Erevan. Enfin, pour boucler la boucle des produits et des saveurs, ArLeAM, c’est, aussi, du thé.

Au-delà de sa propre production, pour l’heure, ses arbres fruitiers, qui viennent de pépinières d’Italie et des Pays-Bas, sont, encore, en croissance. Ils n’ont pas atteint la pleine maturité. Là, encore, les producteurs locaux sont les bienvenus. Ils bénéficient, en plus de cette relation commerciale, des machines agricoles, des frigos, et de la visibilité de la marque, de son service de marketing et de son réseau de distribution. « Nous proposons les services de tri de fruits et de légumes, avec notre ligne de production Greefa CombiSort. Nous proposons, aussi, des services d’emballage. »

Cap vers l’agriculture 2.0

Après cette balade des plus sucrées, de retour dans son bureau, Vatché ouvre son ordinateur. Il lance une nouvelle application qu’il est ravi de présenter. « C’est le nouveau bébé de Vigen Badalyan : un site internet dédié à l’univers du vin. Nous allons sourcer tout ce qui se fait de beau, de bien et de bon dans le vin. A la fois, les produits, les grands vins du monde entier, mais, également, les experts, les œnologues, les sommeliers, etc. »

Il pianote sur son pc et navigue sur le site : https://winedoor.com/. Le site n’en est qu’à ses débuts, mais on comprend l’idée et le potentiel : référencer dans une boutique (ou shop, c’est en anglais, il n’y a pas de version française) les vins, puis, les sommeliers, puis, les partenaires, et organiser des évènements. Un nourrisson 2.0 qui va, certainement, grandir bien vite, avec la puissance de feu du Groupe SoftConstruct, dont fait partie ArLeAM, et dont les développeurs ont réalisé le site.

ArLeAM n’a pas fini de grandir. Son activité est prometteuse. Elle a, déjà, doublé de taille en termes de chiffre d’affaires. Il reste, pour l’heure, confidentiel.

Pour en savoir plus : https://arleam.love/

Reportage réalisé par Antoine BORDIER

                                   


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