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Emmanuel Faber, le paratonnerre de Danone

Mauvaise passe pour Danone. En proie à des résultats décevants liés à la conjoncture mondiale, le fleuron de l’alimentaire est contraint de s’adapter.

Emmanuel Faber

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Mauvaise passe pour Danone. En proie à des résultats décevants liés à la conjoncture mondiale, le fleuron de l’alimentaire est contraint de s’adapter. Le groupe a annoncé ce lundi un plan de réorganisation qui vise à recentrer son fonctionnement sur le local et à réaliser une économie de 20 % sur ses coûts de structure. Entre 1500 et 2000 postes seront supprimés dans les sièges mondiaux et locaux. Le plus grand plan de réduction d’effectifs de l’histoire du groupe. 

En procédant à cette annonce, un homme cristallise les critiques : Emmanuel Faber. Celui qui préside aux destinées de Danone depuis 2017 traverse la phase la plus délicate de son mandat. Les mesures de réorganisation présentées lundi ont été décidées en partie pour calmer les investisseurs, alors que l’action Danone a perdu plus d’un quart de sa valeur cette année. Elle semble avoir donné de la vigueur à certains d’entre eux, qui s’activent en coulisses pour remettre en cause la stratégie du PDG. Mais Emmanuel Faber assume, se démultipliant dans les médias pour défendre sa politique industrielle de long terme.

Un dirigeant qui dérange

Une caractéristique historique de Danone, qui a toujours reposé sur un leadership fort et incarné. C’était le cas du temps des Riboud, Antoine, le fondateur, et son fils Franck, qui a fait d’Emmanuel Faber son successeur à la tête du groupe. Ce diplômé de HEC, décrit par son entourage comme un travailleur acharné, a repris cette tradition du grand patron en première ligne, en lui imprimant sa marque. Une marque qui colle à l’époque et à l’agenda médiatique : plus écologique, encore plus sociale, en phase avec les attentes des consommateurs.

Stratégiquement, Emmanuel Faber entend propulser son entreprise dans une dimension nouvelle, au carrefour entre l’alimentation et les enjeux de santé. En parallèle, une transformation du groupe a été mise en œuvre pour en faire le parangon d’une entreprise responsable, marquant ainsi sa différence avec certaines pratiques en vigueur dans l’univers feutré des conseils d’administration. C’est ainsi que le PDG a fait voter en juin dernier la transformation de l’entreprise en « société à mission », dotant le groupe d’une « raison d’être » et d’objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux gravés dans ses statuts. Un cas unique à cette échelle.

Une décision qui fait écho à des convictions fortes et affichées, à l’image de ce plaidoyer pour la justice sociale prononcé devant les élèves de HEC en 2016. Mais dans le petit monde du CAC 40, ces prises de positions radicales détonnent et en coulisse, certains lui reprochent d’accorder trop d’importance à sa politique RSE au détriment de la rentabilité de son groupe.

Mais Emmanuel Faber peut-il faire autrement ? Car au-delà des enjeux d’image pour son entreprise ou la recherche d’une différenciation éthique sur un marché hyper concurrentiel, c’est là la culture originelle même de Danone. Dès les années 1970, l’ambition affichée d’Antoine Riboud était de faire de Danone à la fois un acteur économique et un vecteur de transformation sociale. De ce point de vue, Emmanuel Faber est un pur produit de l’esprit de son groupe.

Une stratégie au long cours percutée par l’irruption du Covid

Mais une telle approche, ambitieuse, de longue haleine, guidée par des critères non conventionnels, fait grincer les dents des actionnaires plus soucieux de rentabilité immédiate. Surtout quand des événements imprévus s’en mêlent. La baisse des ventes enregistrée par le groupe ces derniers mois s’explique en grande partie par une crise sanitaire mondiale qui s’éternise. La fermeture des lieux de convivialité a entraîné une chute de la consommation. Les clients ont choisi de recentrer leurs achats sur l’essentiel. Pour Danone comme pour d’autres, la crise sanitaire a un coût. Le plan présenté ce lundi vise à le réparer, d’abord en réduisant les frais de structure, puis en augmentant la marge opérationnelle pour la faire passer entre 15 et 20 %.

Mais a contrario, Faber en est convaincu, cette période difficile peut aussi constituer une opportunité, ou à tout le moins, l’occasion d’un recentrage nécessaire. En donnant la priorité à des chaînes plus courtes, en soulignant l’importance de la santé pour les populations, la crise du Covid est venue confirmer certaines de ses intuitions. « Il y a, explique-t-il, un retour au local, qui s’appuie sur une reconnaissance croissante des traditions alimentaires. Une volonté des consommateurs de reprendre le contrôle de leur alimentation ».

Emmanuel Faber semble en tout cas décidé à conserver le contrôle sur son groupe. Ces dernières semaines, il a remodelé son comité exécutif, en profitant pour l’ouvrir à six nouveaux membres afin de faire face aux défis qui s’annoncent. Si la presse a pu gloser sur certains départs au sein du Comex, le PDG continue de bénéficier du soutien de son conseil d’administration selon la plupart des experts.

Quant à la grogne de certains actionnaires, elle se trouve amoindrie par le statut de société à mission, qui décourage les velléités de remise en cause liées aux seuls résultats financiers. De quoi laisser à Faber les coudées franches pour mener à bien son plan de transformation, en continuant de jouer le rôle nouveau qu’il a endossé par gros temps : celui qui prend le risque d’attirer la foudre pour mieux protéger l’entreprise.


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