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« Confiner sans enfermer », l’expression paradoxale du Gouvernement

Entreprendre - « Confiner sans enfermer », l’expression paradoxale du Gouvernement

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La chronique de Catherine Muller, Docteur en psychologie

« Confiner sans enfermer », c’est l’expression paradoxale qu’a trouvé le gouvernement pour nous faire accepter ce troisième « confinement », que nous ne devons surtout pas voir comme un « enfermement », sorte de formule consolatrice pour, sans doute, soigner de façon préventive les blessures infligées à notre psychisme par cette privation répétitive de liberté.

Il y a, en effet,  deux écueils post traumatiques qu’il serait plus prudent d’éviter à tout prix : le « syndrome du survivant » d’abord,  dont on a vu un exemple frappant le 21 mars dernier, avec le carnaval de Marseille ; plus de six mille cinq cents personnes se sont réunies, collées les unes contre les autres, et la plupart ne portant pas de masque, pour chanter et danser dans la rue toute l’après-midi. Ce comportement, qualifié « d’inexcusable » par la mairie, relève en fait d’un sentiment de toute-puissance : on revient de loin, on a survécu au pire, alors on ne risque plus rien et tout est permis !

L’autre risque est « le syndrome post-carcéral » qu’on observe chez les prisonniers ayant effectué de longues peines. A leur sortie, ils n’ont plus aucun repère dans le monde extérieur, ce milieu ouvert, avec de l’action et de la nouveauté, qui leur fait très peur. Ceux qui sont atteints par ce syndrome oscillent entre accès de colère et crise de profond abattement qui, dans les cas extrêmes, peut aller jusqu’au  suicide.

Confiner sans enfermer n°1

Pourtant, rien ne devrait nous être plus familier que la situation de confinement, puisque, pour nous tous,  c’est celle des  débuts de notre vie. Nous en passons, en effet, les neuf premiers mois, dans l’utérus maternel. Dans cet espace clos et restreint qui est notre premier univers, que faisons-nous ? D’abord nous  dormons, beaucoup, entre seize et vingt heures par jour, et nous rêvons aussi. Puis nous écoutons ce qui se passe autour de nous ; au début, surtout les battements du cœur et le gargouillis des intestins de notre mère, et ensuite le bruit de sa voix et les musiques qu’elle écoute, et qui vont nous faire vibrer toute notre vie.

Être confiné sans être enfermé suppose qu’on détient par soi-même le bon de sortie, et c’est bien le cas ! Les études les plus récentes ont établi que c’est le bébé qui prend la liberté de déclencher l’accouchement, et que cette capacité fait partie de son patrimoine génétique.

 Confiner sans enfermer n°2

C’est le concept de « 60 days in », une émission de télévision, entre documentaire et téléréalité, diffusée sur Netflix. Sept volontaires, hommes et femmes de divers horizons, ont accepté d’être infiltrés dans une prison à Jeffersonville dans l’Indiana, avec pour mission d’observer ce qui se passe réellement à l’intérieur, et qui échappe d’ordinaire aux gardiens et aux caméras de surveillance. Seuls le shérif du comté et le directeur de la prison connaissaient leur véritable état-civil, l’ensemble des gardiens et les autres détenus n’en savaient rien. Ils ont donc subi les conditions d’une véritable incarcération.

Très étonnamment, ce ne sont pas ceux, policiers ou militaires, qui paraissaient le mieux à même de gérer les difficultés de cette vie, qui y sont arrivés ;  il aurait fallu pour cela que, passés de l’autre côté du miroir, ils changent  radicalement leur façon de voir les choses, et ils n’y sont pas arrivés. De tous, celle qui s’est le mieux adaptée, c’était une sorte de Desperate Housewife qui s’est concentrée sur son vernis à ongles et ses brushing et s’est fait, grâce à ça,  des copines dans son block.

Dans le cas où l’expérience serait devenue insupportable pour un candidat, le shérif avait prévu une phrase codée comme bon de sortie ; il suffisait de la prononcer  en se mettant face à la caméra, et aussitôt on venait chercher ce participant. Tous avaient ainsi la liberté de mettre fin à l’expérience  à la minute où ils le voulaient.

Confiner sans enfermer n°3

Cette formule pourrait aussi s’appliquer aux religieuses dans certains couvents, qui ne sont pas, elles, confinées, mais cloîtrées, en général derrière une grille, fermée ou non par des verrous. Le respect de cette règle de séparation entre le monde profane et le sacré s’est beaucoup assouplie et Internet a fait son apparition dans cet univers aussi. Mais autrefois, elles ne pouvaient bénéficier d’autorisations de se déplacer que pour les motifs suivants : faire une course urgente, répondre à une convocation du Roi  et se faire soigner. Ce sont les mêmes motifs,  sauf que le Roi est remplacé par « l’autorité administrative », qui figurent sur l’attestation mise en ligne sur le site du Ministère ce 20 mars 2021 ! Et si les obligations de la vie monacale ne leur conviennent plus, citoyennes comme les autres, elles ont la liberté de dire « Stop ». Bon de sortie il y a, et il semble très simple à utiliser : selon celles qui l’ont fait et qui en ont témoigné, il suffit de prendre ses affaires et de passer la porte.

Mais de toutes façons, même « pas enfermé », il faut beaucoup  de créativité et de patience pour savoir comment vivre un confinement, alors toutes sortes de spécialistes ont été interviewés, psychologues bien sûr, mais aussi astronautes, spéléologues ou sous-mariniers. Mais la palme revient sans conteste à une journaliste américaine qui est allée recueillir l’avis autorisé de Keith Lamar ; celui-ci doit son expertise du confinement à vingt-sept années passées dans… le couloir de la mort !

Dr Catherine Muller
Membre du comité scientifique de SOS Addictions
Docteur en psychologie
Member of the World Council of Psychotherapy
Member of the American Psychological Association


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