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Au Liban, le vin Ixsir célèbre les femmes, les hommes et les mélomanes

Copyright des photos A. Bordier

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11 000 ans, ce sont les années qui nous séparent de la première culture ancestrale de la vigne. Nous sommes dans les plaines fertiles et montagneuses du Liban. Ici, le domaine viticole Ixsir porte bien les nobles couleurs de son nom. Il serait le vin des femmes, des hommes et des mélomanes. Immersion en mélodie.

De Beyrouth, la capitale, il faut une heure seulement pour se rendre dans les caves de production du domaine Ixsir, qui a ouvert ses portes il y a 15 ans, en 2008. Il faut rajouter une demi-heure de plus, si, avant de faire la route qui mène à l’élixir (ixsir en arabe), vous bifurquez à Byblos (Jbeil), vers la route du Bord de Mer (Sea Side road).

L’histoire de ce domaine est atypique et démarre avec un pari d’amis, de vieux copains, qui se retrouvent en 2007, non pas sur les bancs du collège privé de Notre-Dame de Jamhour, un collège de Jésuites, pour pousser la chansonnette, mais autour d’une bonne table de dégustation de vins, pour refaire le tour du monde du noble breuvage. Les anciens de l’école apprécient. L’ivresse entraîne Etienne Debbane, Carlos Ghosn, Hady Kahale et Gabriel Rivero vers un défi inédit : celui de créer leur propre domaine viticole.

Une belle histoire de copains d’abord

Quelques mois plus tard, en 2008, c’est chose faite. Gabriel Rivero est l’homme-clef, le copain par excellence qu’il faut avoir à ses côtés, pour vivre une telle aventure pourprée de blanc, de rosé et de rouge. Il est l’œnologue de l’équipe. Etienne Debbane est, également, l’homme-clef. C’est le patron d’Enoteca, une société familiale de distribution de vins et de spiritueux. Il l’a créée en 1993. Il est, aujourd’hui, un des principaux importateurs de vins de France, d’Espagne et d’Italie, au Liban. Son fils, Henri, dont l’allure et la bonhommie font penser à un Jéroboam (bouteille de 3 litres), plutôt qu’à une simple bouteille, a repris les rênes de la société familiale, il y a quelques années. Hady Kahale est le 3è homme. Ses compétences en marketing international et sa passion pour le vin l’ont convaincues de relever le gant avec panache. La fine équipe des 4 mousquetaires franco-hispano-libanais se boucle avec Carlos Ghosn, qui n’est plus à présenter. Ses amis disent de lui, qu’il possède « des qualités gustatives et une vision entrepreneuriale incomparables ». En outre, son carnet d’adresses lui permet de faire plusieurs fois le tour du monde. C’est utile quand on veut exporter. Et, c’est normal, pour quelqu’un qui a été déclaré une des personnalités les plus influentes de la planète, qui était « un dieu » au Japon, et qui a dirigé plus de 429 000 salariés, dans 199 pays, avec un chiffre d’affaires dépassant le PIB de la Grèce. Les chiffres et le palmarès réunis de cette équipe donnent le vertige.

Raconte-moi un terroir

A Batroun, la cité balnéaire, phénicienne avant d’être romaine, ne désemplit pas entre les mois de mars et de novembre. Georges, mon chauffeur aux petits soins, aussi affable que gentil, oblique plein est, en direction d’Aabrine. Nous changeons de décor. La mer a disparu, sauf si l’on se retourne. Les collines de roches et de verdures apparaissent devant nous. La densité urbaine, qui s’étend de Beyrouth à Byblos, pour se tamiser à partir de Batroun, s’éteint progressivement, alors que nous traversons des villages chrétiens et des villages musulmans. La nature devient reine. Les collines, les forêts de pins libanais, la mer qui s’éloigne, les plaines et les montagnes qui nous font face, sont autant de joyaux. L’atout oriental charme les sens. Le Liban est un pays qui aurait fasciné Alice. Il regorge de merveilles. L’orient se diffuse dans tous vos sens, quand vous vous arrêtez pour humer l’air doucement épicé. Vos poumons se remplissent, puis, se purifient. Les parfums de citron, de jasmin et de miel, d’olive et de thym, se mélangent et éclatent comme les bulles d’un champagne versé dans une coupe, sous un ciel azuréen.  Vous grimpez encore en altitude et vous arrivez sur le plateau où est juchée la cave d’Ixsir.

Gabriel Rivero est là. Cet ancien rugbyman en impose par sa gentillesse, son sourire gorgé de soleil et la rudesse de sa poignée. « Pour faire un bon vin, il faut commencer par le terroir. Nous ne sommes rien, nous ne pourrons pas faire un grand vin si le terroir n’est pas exceptionnel. Et, au Liban, vous avez un terroir exceptionnel », introduit-il, alors qu’il se dirige vers la terrasse du restaurant du domaine. Dessinée en forme de couronne phénicienne, la terrasse s’étend sur une partie de la colline, offrant 360° de vue inimaginable sur les autres collines alentours (on se croirait à Lisbonne). Gabriel, ce grand gaillard venu d’Espagne est, également, un mélomane hors-pair. Séquence romantique.

« Ici, nous sommes à 400 m d’altitude, mais les vignes les plus hautes sont à 1800 mètres. Je travaille souvent dans les vignes avec la mélodie d’une musique classique dans le coeur », raconte-t-il en se levant de sa chaise. La balade dans les vignes commence. « Je suis arrivé en 1999. J’étais, déjà, marié. Et, nous sommes venus avec nos deux enfants, Adrien et Ivan. Ce qui m’a passionné, c’est le terroir et les projets. Et, cette diversité des vignobles. Avant le Liban, je travaillais à Bordeaux. Ma culture est bordelaise, plus qu’espagnole. » Natif de Madrid, ce passionné a, donc, fini par épouser la terre du Liban. Il en a fait son jardin, sa seconde terre natale.

Le charme et l’élégance au rendez-vous

Le climat méditerranéen et la culture libanaise ont fixé cet œnologue dans une dynamique créative. Tel un artiste, il a élaboré le vin Ixsir. Après le domaine de Kefraya, dans la plaine de la Bekaa, au sud-est de Beyrouth, en plein centre du pays, où il a fait ses premières armes libanaises. Il a embrassé le projet Ixsir.

« Il ne s’agissait pas d’acquérir des hectares de vignes, mais plutôt de faire revivre les anciens terroirs millénaires du pays, que l’on retrouve sur tous les versants de la chaine de montagnes du Mont-Liban. Car nous avons mis en place une solide collaboration avec les vignerons existants. Nous leur achetons des grappes et nous les aidons pour qu’ils puissent vivre de leurs vignes en produisant du raisin de qualité. » Les vendanges sont effectuées sur une totalité de parcelles de 120 hectares disséminées dans plusieurs régions : Ainata, Batroun, Bechouat, Halwa, Jezzine, Niha. La collaboration fonctionne avec des contrats de fermage. Cette mosaïque de raisins permet, ainsi, l’élaboration d’un vin unique au monde. Qui est, selon certains experts, « d’une élégance inouïe ». Ixsir se conjugue au féminin. La partition se joue sans fausses notes.

Le charme du Liban et le facteur-clé de la réussite du domaine se résument en trois mots : le cépage, le climat et le terroir. « Il existe, ici, une diversité des cépages et des climats, qui sont des plus exceptionnels. » Il est vrai que dans le pays du Cèdre, on passe d’un climat sub-tropical, à un climat méditerranéen, puis, méditerranéen des montagnes, continental et semi-désertique. Enfin, la palette de calcaires, des deux montagnes : le mont Liban et le mont Anti-Liban, donne à l’ensemble des cépages des subtilités multiples où l’élaboration du vin devient une harmonie. Séquence symphonique.

Une signature et un vin

C’est certain, les 4 mousquetaires du vin ont réussi leur pari : élaborer un vin élégant, harmonieux et subtil. Oubliez le vin puissant. Ici, le vin serait un vin de femme, d’une gente dame, d’une Alice au sang royal. Un vin avec beaucoup d’âme, de douceur, de fraicheur. Une élégance aux courbures inédites. Qu’il soit blanc, rosé ou rouge, cette signature se retrouve dans toutes les robes. Cette valse à trois temps, cette gamme à trois bémols a été récompensée par des prix internationaux.

Aurélie Khoros et Jad El Osta viennent de rejoindre Gabriel Rivero. La première est Responsable du Marketing. C’est elle qui a transformé les bouteilles en véritables œuvres d’art, réalisées par des artistes libanais qu’elle a sourcés dans tout le pays. Le second est le CEO, le directeur général depuis un an. Son CV est impressionnant. Il a occupé des postes de cadre-dirigeant dans de nombreuses entreprises et a séjourné dans le monde entier.

« Notre vision est d’intégrer les vins Ixsir dans l’art, la culture, la musique, les relations inter-professionnelles. Notre vin fait partie du patrimoine libanais. » A 56 ans Jad est, donc, venu rejoindre l’épopée du domaine. Il est rentré de Roumanie, avec sa femme et ses trois enfants, deux filles et un garçon. Auparavant, il avait dirigé Lactalis International aux Emirats arabes unis. Il évoque les pays où il a exercé : l’Irak, la Jordanie, le Maroc, la Roumanie, la Turquie, le Yémen, etc. En revenant au Liban, où il est né, il plonge dans sa nouvelle passion : celle du vin. En toute humilité, il se dit « être revenu sur les bancs de l’école ». Séquence éducative.

Une femme de vigne et des prix

Aurélie, de son côté, est arrivée chez Ixsir en 2013. Elle lui a donné sa signature marketing artistique et féminine. Avec son esprit innovant, elle positionne le domaine vers l’excellence, dans le monde entier. « Depuis la crise de 2019, nous exportons principalement nos vins », explique-t-elle. En tout, l’export représente 60% des ventes.

Au-dessus de leur chai, creusé dans la colline, qui semble sorti tout droit d’un film de science-fiction, tant l’ancien se mêle aux équipements et aux techniques des plus modernes, ils ont, donc, ouvert un restaurant avec un partenaire. En tout, ils sont 16 personnes en full-time (à plein temps) à travailler dans le domaine. Et, chaque année ce sont plus de 550 000 bouteilles qui sont produites et portent la signature Ixsir. « Nous travaillons surtout la qualité. Nous ne recherchons pas la quantité, même si le chiffre semble important », tient à ajouter Gabriel. Pour couronner ces années d’investissement, de passion et de travail, en 2021, Le Meilleur Rosé au monde leur a été attribué par le Best World Wine (BWW). En tout ce sont plus de 50 prix qui ont célébré l’élégance des vins Ixsir, depuis sa création.

Un Maestro et un évènement féérique

Aurélie, Jad et Gabriel se lèvent. Ils vont accueillir un Maestro Libano-Arménien, Harout Fazlian, qui, lui aussi, a voyagé dans le monde entier avec sa baguette. Il est le Chef principal de l’Orchestre Philharmonique du Liban. Titulaire d’un doctorat en éducation musicale et décoré par la France comme « Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres », il va diriger un concert de quatre pianos à queue au milieu des vignes d’Ixsir. « Ce sera une première », avoue-t-il en dégustant un dernier millésime.

MILLESIME…cela pourrait être le nom de l’évènement qui se déroulera dans quelques mois. Ce sera, en tout cas, « un concert magique, unique en son genre, qui enchantera tous les sens des connaisseurs de vin. Les notes de piano vont s’entrechoquer, se faufiler à travers les grappes, puis entourer un public conquis, avant de s’envoler vers un ciel étoilé, qui jouera sa propre partition. Un instant féérique.

Quand la musique rejoint le vin, le noble breuvage ne peut que réjouir les cœurs des femmes, des hommes et des mélomanes.

Antoine BORDIER


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