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Aramine accélère son hyper-croissance avec ses engins miniers électriques

Copyright Aramine, Bordier, Melkonian

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Il faut se déplacer sur le terrain, à Aix-en-Provence, pour bien le comprendre. Aramine en l’espace d’une génération est devenue le leader incontestable dans le secteur des équipements miniers et souterrains. Etonnante cette société 100% made in France, qui est dirigée par une fratrie composée de Geneviève, Marc et Christophe Melkonian. Reportage dans les profondeurs de la terre.

Son débit est rapide, précis, historique, teinté de références et de sourires familiaux. Son bureau est à son image : il est clair, limpide, lumineux, parsemé de souvenirs, qui ont plus de 50 ans. La famille s’est agrandie au fil des générations. Dans la famille Melkonian, seconde génération, demandez la sœur aînée.

Geneviève, la sœur donc, nous reçoit dans son bureau. « Mes deux frères, Marc et Christophe sont en Ouzbékistan… », introduit-elle. Elle donne le ton du dimensionnement planétaire du groupe familial, qui reste petit par sa taille, et global par son développement. C’est un groupe smart. Si, officiellement, l’aventure de leurs parents, Angèle et Jacques, est datée de 1975, avec la création de Continental industrie qui démarre l’activité dans le secteur minier, il faut ouvrir d’autres valises familiales plus anciennes pour remonter à la genèse. Il faut remonter dans les années 60, et creuser le terreau familial pour voir les premières graines semées, devenues ce bel arbre. Sous ses ramures, il abritera plus de 150 personnes à la fin du premier trimestre 2023.

Aramine est devenue une belle ETI, unique en France. Elle n’est plus une start-up. Mais, elle en a gardé l’esprit et l’agilité. Au départ, tout a commencé dans un…garage. Comme Apple !

« Oui, l’histoire d’Aramine a démarré dans un garage, dans un tout petit garage », précise Geneviève assise à son bureau. Elle tourne les pages de l’histoire entrepreneuriale familiale avec une facilité déconcertante. Certes, l’histoire est la sienne, celle de sa famille, celle de ses parents. Mais, elle la raconte, comme s’il s’agissait d’un roman, d’un conte, qu’elle aurait écrit elle-même.

En arrivant dans leur siège social, qui se situe au sud d’Aix-en-Provence, près de la commune Les Milles, une image d’un engin de chantier, tout jaune, attire l’attention. Il pavoise l’immeuble de deux étages qui abritent tous les services de l’entreprise. « Nos parents ont vraiment démarré dans un petit garage. Mon père, Jacques, est un auto-entrepreneur. Il a démarré sa vie tout seul, car, malheureusement, il a perdu ses parents très jeune. Dans les années 60, il ouvre à Biver, un petit village de la région, son premier garage.

Ensuite, comme ils sont très appréciés, ils entretiennent les véhicules des Rolling Stones. » Elle raconte cela, comme s’il était normal que ses parents reçoivent ces stars interplanétaires. L’histoire est amusante, car c’est au cours d’une panne de leur Rolls Royce que les Rolling Stones, qui profitent de leur tournée en France, les rencontrent.

Le garage Continental devient célèbre. C’est “the place to be” (l’endroit où il faut être) pour préparer et réparer sa voiture…et pour rencontrer des stars.

De Continental industrie à Aramine

Puis, un jour, dans les années 70, Jacques et Angèle, qui « s’aiment comme au premier jour », répondent à une demande provenant des mines de potasse d’Alsace. Une nouvelle aventure commence : plus industrielle, 100% minière. Entre-temps, le garage devenu grand est cédé gracieusement à ses salariés, et les enfants rejoignent la nouvelle entreprise. A commencer par Geneviève, qui sort à peine de Sup de Co Marseille. Elle est suivie de près par Marc et Christophe, qui ont fait des études d’ingénierie en mécanique. Nous sommes dans les années 1980.

En 1984, la société signe un contrat exclusif avec la Wagner, devenue Atlas Copco Epiroc, un groupe industriel suédois présent dans le monde entier, qui pèse aujourd’hui plus de 40 milliards d’euros et qui est présent dans 154 pays. Comme un poisson-pilote, Continental industrie se développe en suivant les pas de ce géant des mines. L’histoire pourrait s’arrêter-là.

Mais, un petit grain de sable va gripper l’engrenage de cette histoire qui s’annonçait lumineuse et très prometteuse : François Mitterrand est arrivé au pouvoir, et il décide de fermer toutes les mines de France. Il abat, ainsi, un pan entier de notre industrie, dans les années 90. Geneviève s’en souvient encore : « En rentrant dans l’entreprise – en 1987 pour moi – nous étions effarés d’apprendre que le gouvernement de l’époque avait décidé la fermeture des mines. » L’horizon se noircit. Des centaines de mines de charbon vont fermer. La fratrie se tourne, alors, vers la planète bleue. C’est son plan B. Elle regarde, également, son chiffre d’affaires de l’époque : 3 millions d’euros. Ils ne sont que 12 salariés. Geneviève et ses frères décident de partir à la conquête de l’export. Geneviève prend sous sa responsabilité le développement international, et ses frères se chargent de la partie ingénierie-métier. Entourés de leur équipe, ils relèvent un défi : celui de faire pivoter l’entreprise et de se reconvertir. Cette reconversion portera un nom, celui d’Aramine.

Du rêve à une réalité très innovante

Le défi s’écrit sur un coin de table : « Si on veut être connu dans le monde entier, il faut que nous devenions des constructeurs d’engins miniers. » Il faut les voir tous les trois, autour de la table, avec leurs parents, travailler sur le pivotement de l’entreprise. Ils ont moins de 30 ans. La jeunesse peut tout. Elle est audacieuse et elle déplace des montagnes. Cette jeunesse-là, c’est en trio qu’elle excelle…

Notre conversation se met sur pause. Geneviève se lève de sa chaise. Elle se dirige vers la grande baie vitrée, se retourne et regarde ses photos. Puis, elle reprend la conversation, comme si son silence et son mouvement la replongeaient dans le passé de ces visages photographiés, il y a 30 ans. « C’était un sacré pari. Car nous nous mesurions à l’époque à des Atlas Copco, à Caterpillar, etc. Nous avons dit à nos parents : nous rachetons l’entreprise, parce que si nous échouons, ce sera uniquement de notre responsabilité… » Quel pari. Non seulement le défi est lancé, mais, de plus, ces trois mousquetaires de la mine s’investissent et prennent tous les risques. Ils bataillent fort.

En 1994, Geneviève, Marc et Christophe rachètent, donc, l’entreprise à leurs parents, Continental industrie, lors d’un montage LBM (Leverage buy management). Au début des années 2000, la marque Aramine est créée. Ce joli nom, très féminin et très poétique, nous invite à la découverte des profondeurs de la terre caucasienne et nous entraîne vers les hauteurs des montagnes du plateau euro-asiatique. Il serait une passerelle entre la terre et le ciel. Il pourrait, même, accompagner le titre du roman de Jules Verne : Voyage au centre de la Terre. D’ailleurs, n’a-t-il pas été écrit en 1864 ? Aramine est, véritablement, au centre de la terre.

Revenons à la réalité, tout aussi romanesque. Car, ce métier de constructeur d’engins miniers, depuis cette année 1994, ils l’ont au cœur. Et, ils ont réussi leur pari. Ils sont devenus des constructeurs et ont embrassé avec succès l’international.

Aujourd’hui, ils s’agrandissent, recrutent, et forment eux-mêmes leurs salariés. « Quand je regarde nos trente dernières années, le chemin parcouru est énorme. Aramine est, aujourd’hui, présente dans 90 pays. Et, dernièrement, nous avons conçu et fabriqué le premier engin 100% électrique, au monde, qui ne pollue pas. Il ne détruit pas la planète. Nos concurrents nous regardent de plus en plus. Et, c’est bon signe. Ce succès, nous le devons à tous nos collaborateurs et partenaires… »

Aramine à l’Elysée

En 2021, Emmanuel Macron reçoit à l’Elysée tout ce qui se fait de beau, de bien et de bon en France. Il reçoit le « made in France », le « fabriqué en France ». Nous sommes les 2, 3 et 4 juillet. Le soleil est radieux dans les jardins de l’Elysée. Les 126 produits sélectionnés dans toute la France ont investi le parc et le palais lui-même. Dans la cour d’honneur se retrouve une partie de l’équipe d’Aramine, qui entoure ses dirigeants et le petit dernier de la classe des engins : l’engin minier à batterie électrique, la chargeuse L140B.

C’est inédit et historique. Il a fallu le génie de ses concepteurs, de ses constructeurs et de ses dirigeants, des Araminiens, donc, pour toucher le cœur des Français, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. Le tout-électrique est en marche. Et, Brigitte Macron, à son tour, lui rend hommage…

Feu Charles Aznavour se « voyait, déjà, en haut de l’affiche ». Cette fois-ci, c’est Aramine qui se retrouve en haut de l’affiche de l’Elysée. L’alignement des planètes est parfait. C’est un évènement qui a de quoi booster tout un éco-système, tout un secteur, tout un pays. A tel point, que l’histoire des mines est redevenue vertueuse. Puisqu’après avoir vécu la fermeture et la mort de la plupart des bassins miniers de France, le gouvernement Français a annoncé l’ouverture prochaine de… mines. La France des mines serait-elle de retour ?

C’était, rappelez-vous, d’abord une bataille d’égo : celle de 2013-2014, entre Arnaud Montebourg et Emmanuel Macron. Le premier voulait rouvrir des mines et créer la Compagnie des Mines de France (la CMF), le second ne le voulait pas. Puis, il est devenu président. Il a changé. La politique de l’égo a été remplacée par l’économie et la stratégie pour tous. Lors de son premier quinquennat, Emmanuel Macron a fixé comme priorité la réouverture des mines de terres rares. La France en regorgerait. Il joue une partie de son avenir politique sur…les véhicules électriques. Aramine et le marché mondial minier ne sont pas loin. Aramine et l’électrique ne font plus qu’un. Cette fois-ci, la fratrie change de braquet…Et, Aramine se retrouve en tête de peloton.

Aramine en hyper-croissance

Du coup tout le monde voit en grand. Ses engins électriques se vendent comme des petits pains. A tel point, que la société a presque doublé de taille en moins de deux ans. Que ce soit pour ses camions, pour ses chargeuses et ses foreuses, elle a chaussé ses bottes de 7 lieues et développe les dernières innovations respectueuses de l’environnement.

Aramine continue son ascension ou plutôt son voyage au centre de la terre. Elle est, également, une « entreprise humaine et solidaire ». Amoureuse de la terre et des hommes, elle a vu son agenda 2022, par conséquent, exploser. « En 2022, tous nos clients voulaient s’équiper de nos engins électriques. C’est pour cela que nous avons réalisé plus de 40% de croissance. Et, que nous embauchons. Nous sommes passés de 34 millions d’euros à 48 millions. Et, en 2023, nous avons, déjà, rempli la moitié de notre carnet de commandes. » Mieux encore, le petit groupe familial recrute. « Aujourd’hui nous sommes 127. Au premier trimestre de cette année, nous recrutons, déjà, une trentaine de salariés. Nous serons plus de 150 au mois d’avril. Nous doublerons de taille en 2023-2024. Nos équipes sont formidables. Et, elles sont fidèles. »

Une pépite et une grande famille

C’est certain, maintenant, l’univers minier est de retour en France et il se déclare au féminin. Geneviève en est l’une des figures de proue. Elle est un exemple rare, peut-être à suivre, dans ce monde dur, si masculin et si souterrain.

Energique, elle ne perd pas une seconde. La conversation se termine. De nouveau, elle se lève et met son manteau. Tout de noir vêtue, elle ressemble à l’une de ces pierres noires précieuses. Un mystérieux mélange entre l’ilvaite, l’obsidienne et l’onyx. Elle ouvre la porte de son bureau. Et, salue une partie de ses équipes présente à l’étage transformé en open-space. On se croirait dans une start-up. Chaque vendredi soir et à l’heure des pauses, les baby-foot, les tables de ping-pong, la salle de sport et le terrain de foot indoor tournent à plein régime. Aramine est une famille…nombreuse, qui a gardé son esprit d’enfance.

Geneviève descend l’escalier, salue ses deux collaboratrices de l’accueil, et sort. Direction Gardanne…où se trouve son petit BB électrique, qu’elle aurait pu appeler R2-D2. Mais, il ne parle pas encore. Comme dans les films de Star-Wars, il avance tout seul. Au loin, son pilote est à pied. Il le dirige du bout d’un doigt de maître sur son écran tactile. Aramine 2.0 est née. Il manque juste le drone pour livrer ce BB de plusieurs tonnes… en Ouzbékistan, ou ailleurs, sur la planète bleue.

Antoine Bordier


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